Le Canadien doit frapper un grand coup d'ici le 1er juillet.

Les dirigeants du Tricolore ont raison de dire qu'ils profitent d'une flexibilité inédite cette année. Avec 10 joueurs admissibles à la pleine autonomie et des engagements financiers de seulement 23,5 millions en vue de la prochaine saison, les possibilités ne manquent pas. Bob Gainey a plus de 30 millions à dépenser pour donner à son nouvel entraîneur, Jacques Martin, une équipe capable de faire oublier la désastreuse saison 2008-2009.

C'est plus d'argent que n'importe quelle des 29 autres équipes de la LNH. Mais cette marge de manoeuvre ne servira pas à grand-chose quand débutera la course aux joueurs autonomes, le 1er juillet, si le Canadien ne lance pas au préalable des signaux sans équivoque de sa détermination à bâtir une formation gagnante. De la même manière qu'on n'attire pas les mouches avec du vinaigre, on ne séduit pas un joueur autonome avec une moitié d'équipe.

C'est encore plus vrai à Montréal, une ville dont on ne compte plus les handicaps, réels ou imaginaires, par rapport à la plupart de ses rivales dans la LNH. Le corps médiatique local, c'est bien connu, est aussi envahissant qu'il est assoiffé de sang. Les partisans, impitoyables, n'hésitent pas à huer leur joueur de concession. Les impôts sont aussi élevés que les impénétrables bancs de neige qui bloquent les rues en hiver. Et on n'a pas encore parlé des nids-de-poules, du fait français et des Doritos qu'il faut aller acheter à Plattsburgh, comme s'en était plaint (il y a 20 ans, déjà!) la femme de l'ancien lanceur des Expos, Bryn Smith.

Bref, pour attirer des joueurs autonomes chez le Canadien, il faut plus que des photos léchées du centre d'entraînement de l'équipe à Brossard, plus qu'une visite guidée du Club Opéra en compagnie des frères Kostitsyn, plus que la perspective de jouer pour Jacques Martin.

Pour attirer des joueurs de premier plan, il faut que le Canadien leur démontre qu'en venant à Montréal, ils auront une chance plus qu'honnête de gagner. Et la meilleure manière pour le CH de faire cette preuve et de dire à la face du monde le sérieux de ses intentions, c'est de commencer tout de suite ses emplettes, sans attendre le 1er juillet.

Bref, une transaction s'impose. Le reste - les discussions avec les Koivu, Kovalev et Tanguay, entre autres - viendra après.

La bonne nouvelle, c'est que Bob Gainey semble avoir compris cette réalité. «C'est plus facile pour un joueur autonome de faire son choix quand il peut voir comment il s'insérera dans l'équipe et avec qui il pourra jouer, dit-il. Si on avait un joueur de qualité en place avant le 1er juillet, comme Mike Komisarek ou un autre, ça aiderait la situation.»

Je dirais plutôt «Komisarek ET un autre». Gainey ne cache pas qu'il est à la recherche d'un joueur de centre de premier plan pour animer le premier trio du Canadien. Et il affirme qu'il n'y a pas de joueur de ce type sur le marché des joueurs autonomes cette année. (Sait-il quelque chose qu'on ignore au sujet d'Henrik Sedin ?)

Il n'y a donc pas 36 solutions : le CH doit faire une transaction. Et qui dit transaction pour un joueur de centre d'impact dit évidemment Vincent Lecavalier. D'autres possibilités existent - Joe Thornton, Patrick Marleau, notamment, s'ils sont disponibles - mais on en revient toujours au capitaine du Lightning de Tampa Bay. Parce qu'on est à Montréal. Parce que Lecavalier est un gagnant de la Coupe Stanley, un joueur à son apogée qui a remporté le trophée Maurice-Richard il y a deux ans à peine. Parce qu'il faut au Canadien des joueurs de son calibre si, comme Gainey en a exprimé le souhait hier, l'équipe veut lutter à armes égales avec des clubs comme les Red Wings de Detroit et les Penguins de Pittsburgh. Et parce qu'il y a, disons-le, une impression persistante que le destin de celui que beaucoup perçoivent comme l'héritier spirituel de Jean Béliveau est de porter le chandail tricolore.

En plus, le DG du Lightning, Brian Lawton, avec qui Gainey s'est réconcilié après leur dispute de cet hiver, a dit mercredi vouloir une équipe «plus jeune et moins chère». On voit mal comment cela pourra se faire sans qu'il ne se déleste du fardeau annuel de 7,7 millions que représentera pendant les 11 prochaines saisons le contrat de Lecavalier.

Le sort des prochaines saisons du Canadien se joue ces jours-ci. Et la première étape pour Gainey, c'est de tout faire pour aller chercher Lecavalier. Sa venue serait le plus bel héritage que pourrait léguer le propriétaire George Gillett aux partisans du CH, à quelques semaines de la fin de son règne.