Avec toutes les histoires d'horreur financières au sujet des Coyotes de Phoenix, des Thrashers d'Atlanta et des autres franchises plus ou moins moribondes de la Ligue nationale de hockey, il était inévitable que la possibilité d'un retour de la LNH à Québec revienne à l'ordre du jour.

Le président milliardaire de la Ligue continentale russe, Alexander Medvedev, a fait sa part pour alimenter la machine à rumeurs, la semaine dernière. En marge du Championnat du monde de hockey, à Berne, il a déclaré qu'il était intéressé à acquérir une équipe de la LNH et qu'il procédait à la vérification diligente des livres de trois clubs.

Les dépêches en provenance de Suisse ne disaient pas si M.Medvedev avait été inspiré par le premier des deux épisodes de Tout le monde en parlait consacré aux Nordiques (deuxième partie ce soir à 19h30 à Radio-Canada). Mais l'homme d'affaires a aussi dit qu'il était «étrange» que Québec, où il a séjourné lors du Championnat précédent, l'an dernier, n'ait pas de club dans la LNH.

Il n'en fallait pas plus pour qu'on prête à cet influent monsieur (il est aussi vice-président du conseil de Gazprom, premier exportateur mondial de gaz naturel, et membre du conseil de la Fédération internationale de hockey sur glace) l'intention de faire migrer vers Québec un des canards boiteux de Gary Bettman.

On va un peu vite en affaires.

Que les Coyotes de Phoenix se noient dans un océan d'encre rouge, que les Thrashers demeurent les parents pauvres du sport à Atlanta ou que les Islanders continuent de se produire devant des foules de moins de 14 000 personnes dans leur grange délabrée de Long Island, ce n'est pas demain la veille qu'un de ces clubs ou un autre va déménager à Québec.

Même si Gary Bettman parvient un jour à surmonter sa réticence bien documentée au déménagement de franchises (du moins, dans l'ère post-Nordiques/Jets/Whalers), Québec a un handicap majeur par rapport à d'autres marchés qui courtisent la LNH: il ne possède pas d'amphithéâtre moderne.

C'est un manque qu'espère combler un groupe lancé l'automne dernier par un comptable respecté de Québec, Mario Bédard. «La vraie chose qui va amener un club de la LNH à Québec, ce sont les infrastructures. Présentement, des villes comme Winnipeg ou Kansas City sont en avance sur Québec parce qu'elles ont des infrastructures. Pour un propriétaire qui songe à déménager son équipe, Québec n'est pas une priorité.»

À l'automne, le groupe de M.Bédard, qui était trésorier de la Société du 400e, a lancé le projet «J'ai ma place» (www.jaimaplace.com). L'idée est de vendre des droits sur les sièges d'un éventuel amphithéâtre multifonctionnel de 18 000 places dont le coût de construction est présentement estimé à 240 millions. «Je veux m'assurer que les gens de Québec veulent d'un nouvel amphithéâtre. Et la façon de le prouver, c'est qu'un nombre intéressant de sièges soient vendus.»

À ce jour, le groupe a recueilli 3,5 millions de la part d'entreprises et d'individus, qui ont accepté de verser 25 000$ (loges corporatives) ou 5000$, 3000$ ou 1500$ pour les sièges individuels. Détail encourageant: 55 loges (sur environ 80) ont été vendues à ce jour. «Ça fait plusieurs années qu'on entend qu'il n'y a pas assez d'argent à Québec, alors pour démentir cette rumeur, on a commencé par essayer de vendre ces salons», dit M.Bédard.

On est toutefois encore très loin de l'objectif initial de 50 millions que le groupe s'était fixé pour convaincre la Ville de Québec et les gouvernements provincial et fédéral de contribuer financièrement. Ce qui n'est pas très surprenant: difficile de persuader les gens de sortir leur fric si tout ce qu'on offre, c'est une priorité d'achat de billets pour un hypothétique spectacle de Madonna ou de U2. Ça prend autre chose: un club de hockey.

Mario Bédard est convaincu que la LNH reviendra à Québec. «Je ne ferais pas tout ça si je n'y croyais pas. Québec est un marché naturel. Avec la région de Chaudière-Appalaches, c'est 1,2 million de personnes. Il y a aussi beaucoup plus d'argent à Québec que lors du départ des Nordiques, en 1995. Et il n'y a pas d'autre sport majeur. Ici, le hockey deviendrait la pierre angulaire, contrairement à ce qui se passe à Denver, par exemple, où l'Avalanche a de la difficulté au chapitre de l'assistance parce l'équipe ne gagne plus et doit lutter avec sept ou huit équipes de sport.»

Selon M.Bédard, il n'est pas nécessaire que le «nouveau Colisée» soit terminé - un processus qui pourrait prendre cinq ans, dit-il - avant de songer à approcher formellement la LNH. Mais il estime qu'il lui faudra avoir recueilli des engagements financiers d'au moins 25 millions (l'équivalent de 5000 sièges et 70 «salons»).

«J'ai rencontré Kevin Lowe (grand patron hockey des Oilers d'Edmonton) et ce qu'il m'a dit rejoint ce que je pense: tu n'as pas deux chances. La journée où je vais me rapprocher de Gary Bettman, il faudra que ce soit avec quelque chose de sérieux.»

Résumons: il est difficile d'être pris au sérieux par les décideurs de la LNH sans des engagements financiers substantiels, lesquels passent par l'appui massif de la population. Mais il est difficile de convaincre la population si on ne peut au préalable lui promettre «le retour des Nordiques». Épineux problème. Qu'est-ce qui vient en premier: l'oeuf ou la poule? Faudrait demander à Alexander Medvedev ce qu'il en pense...