Grosse semaine pour le Canadien de Montréal. Alors que le sort de sa saison du centenaire sera bientôt décidé sur la patinoire, l'avenir du club se joue dans les coulisses du Québec inc.

Ayant manqué le bateau la dernière fois que le Canadien a été vendu, les grands bonzes de l'économie québécoise réussiront-ils cette fois à mettre la main sur le joyau du patrimoine sportif du Québec?

Le nouveau ministre des Finances, Raymond Bachand, a mis son poids dans la balance, hier, en indiquant que la Caisse de dépôt et placement du Québec ou la Société générale de financement pourrait épauler un groupe québécois intéressé à acheter l'équipe (voir autre texte en page 4).

À la veille de la date butoir fixée par BMO Marchés des capitaux pour manifester leurs intentions, les prétendants ne manquent pas, même si, selon des sources fiables de La Presse, le fondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, a signifié qu'il n'était plus intéressé.

Quebecor a pratiquement claironné son intérêt dans un article paru hier dans le Journal de Montréal, sous la plume du rédacteur en chef, Dany Doucet. RDS rapporte que l'ancien DG du Canadien Serge Savard serait toujours dans le coup. Joey Saputo a examiné les livres. Et on n'a pas encore parlé de René Angelil ou de Stephen Bronfman.

La possibilité d'un appui de l'État n'explique toutefois pas à elle seule le vif intérêt que suscitent les actifs montréalais de la famille Gillett, qui incluent notamment le Canadien, le Centre Bell, le Groupe Spectacles Gillett et 50% du Complexe sportif Bell de Brossard. (Les Gillett sont apparemment prêts à recevoir des offres pour tout ou partie de leurs propriétés.)

Contrairement à la situation qui prévalait quand George Gillett a acheté le club, en 2001, les finances du club sont encourageantes, indique une source proche du dossier. Les profits de l'ensemble des propriétés de Gillett ont fait un bond remarquable depuis l'entrée en scène du propriétaire américain. Ils sont passés de 8 millions il y a quelques années à 30 millions en 2007, avant d'atteindre un sommet de 56 millions en 2008.

L'influence du huard

Cette performance record est sans doute attribuable en bonne Ces prévisions reposeraient en effet sur la prémisse que le Canadien atteindra tous les ans la deuxième ou la troisième ronde des séries. L'histoire récente montre que l'objectif n'est pas facile à réaliser: le Tricolore ne s'est pas qualifié pour le troisième tour depuis 1993, l'année de sa dernière conquête de la Coupe Stanley. Cette saison, alors que le club est privé de joueurs-clés comme Andrei Markov et Mathieu Schneider et n'est toujours pas assuré d'accéder aux séries, la cible apparaît presque inaccessible.

Les chiffres présentés aux acheteurs potentiels confirment que les séries, pendant lesquelles les joueurs ne sont pas payés, sont une véritable planche à billets: la première et la deuxième ronde généreraient des profits d'environ 10 et 14 millions, respectivement.

Nul doute que le contrôle des dépenses découlant de l'instauration dans la LNH d'un plafond salarial figure aussi parmi les atouts du club, au même titre que le rajeunissement de la clientèle et le remarquable travail de mise en valeur de l'image de marque du CH effectué depuis quelques années. Le Centre Bell est l'un des amphithéâtres les plus occupés d'Amérique du Nord, tandis que le Groupe Spectacles Gillett est un acteur majeur dans la promotion de spectacles dans tout le Nord-Est du continent.

Des questions

Plusieurs questions demeurent toutefois en suspens, a indiqué une source, notamment quant au niveau d'endettement des propriétés de Gillett. La nature exacte des actifs immobiliers demeure aussi nébuleuse. «On a l'impression qu'ils attendent que les groupes manifestent leur intention réelle avant de montrer les vraies affaires», a déclaré une source.

En novembre, La Presse révélait qu'un décret du gouvernement fédéral autorisait la vente de la gare Windsor à un partenariat formé de deux sociétés: Cadillac Fairview et Gillett Family Limited Partnership. La vente ne s'est toutefois pas encore concrétisée, a indiqué hier Michel Spénard, porte-parole du Canadien Pacifique, propriétaire actuel de l'immeuble patrimonial.

Un terrain de stationnement situé au sud de la rue Saint-Antoine, à l'angle de Peel, a par ailleurs été acheté pour 21,5 millions, le 2 mars 2007, par Alain Gauthier, vice-président, Exploitation, du Centre Bell. Finalement, le journal Les Affaires a rapporté l'an dernier qu'une série de six lots, au sud de la rue Saint-Antoine, face au Centre Bell, avaient été acquis pour plus de 30 millions par Salvatore Iacono, un promoteur immobilier à la tête de la société Davin Capital. Iacono travaille-t-il pour le compte de Gillett, à qui l'on prête la volonté de construire une salle de spectacles de 3500 sièges? Mystère.

Quoi qu'il en soit, les prochaines semaines risquent d'être beaucoup plus calmes que celle qui s'achèvera demain, a indiqué le président du CA de BMO Marchés des capitaux, Jacques Ménard, qu'un collègue a croisé à Dorval alors qu'il s'apprêtait à s'envoler pour Fort Lauderdale. Une allusion possible au fait que les Gillett entendent prendre leur temps pour étudier les propositions qui leur auront été soumises.