Éric Lucas a refait surface. L'ancien champion du monde des super-moyens s'était fait discret au cours des derniers mois. Et pour cause.

Sa fille Mélodie, qui a fêté son cinquième anniversaire en janvier, était au coeur d'une longue, très longue série de traitements pour un cancer découvert à la fin de l'été 2008, quelques semaines à peine après que Lucas eut annoncé son intention de remonter dans le ring.

Depuis, Mélodie est passée au travers de sept traitements de chimiothérapie. Elle a subi, le mois dernier, une greffe de moelle osseuse. Elle a passé un mois complet en chambre d'isolement à l'hôpital Sainte-Justine. Lucas et sa compagne Marie-Claude se sont relayés jour après jour au chevet de leur fille, tout en s'occupant de leur aînée, Alyssa, 10 ans, restée à leur maison de Magog.

L'épreuve achève, mais elle n'est pas finie: Mélodie devra bientôt se prêter à 12 séances de radiothérapie à l'hôpital Notre-Dame. «On dit toujours que les enfants sont faits forts. On en a eu une belle preuve, dit Lucas. C'est solide. C'est inimaginable de passer à travers tout ça. Les médecins nous disent d'ailleurs qu'un adulte ne pourrait pas passer à travers des traitements aussi rapprochés que les enfants. Les enfants nous donnent une belle leçon de vie.»

Mélodie avait une masse de 13 centimètres de diamètre à l'abdomen. Heureusement, aucune métastase n'a été décelée. «On a été chanceux de la trouver, car c'est un cancer qui se répand partout, dit Lucas. Mais il a été localisé au bon moment, ça ne s'est pas propagé. On verra ce que diront les examens quand la radiothérapie sera terminée mais, jusqu'à présent, tout va vraiment bien.»

Lucas refait surface, donc. Hier, pour la première fois depuis une éternité, il a remis son chapeau de président d'InterBox. Il a procédé au tirage au sort visant à déterminer qui de Kendall Holt et Timothy Bradley passerait à la pesée en premier, en vue du combat de championnat d'unification de demain, au Centre Bell.

Une nouvelle façon de vivre

Lucas a maintenant 37 ans. Ses yeux bleus pétillent et il semble en pleine forme. Il pesait environ 195 livres quand il a annoncé son retour à la boxe, en août, et il a maintenu son poids depuis. Faut dire qu'il a aménagé un gymnase dans le garage de sa résidence, ce qui lui a permis de s'entraîner pendant les longs mois passés à soigner sa fille.

Mais sa sveltesse ne s'explique pas seulement par les heures passées à frapper sur un sac d'entraînement. «La maladie de Mélodie m'a rapproché de ma famille et m'a permis de remettre les priorités à la bonne place, dit-il. Je m'étais peut-être un peu égaré sans m'en apercevoir. Je suis bien content. J'ai changé mon attitude et j'ai une nouvelle façon de vivre.»

Un constat que confirme son ami et partenaire dans InterBox, Jean Bédard. «Il a vécu la maladie de sa fille comme un combat et il a changé très positivement. Il aurait pu partir sur la dérape, mais ça l'a au contraire solidifié.»

Finies, les sorties tardives, les bières qui s'étirent avec les amis. «Ça fait sept ou huit mois que je suis à la maison et que je m'entraîne et je me sens vraiment bien, dit Lucas. C'est comme ça que j'ai envie d'être aujourd'hui. Je n'ai pas envie de traîner 20 ou 25 livres de trop. Ça ne m'intéresse plus. On a beaucoup changé notre mode de vie et j'ai beaucoup appris. Ça va m'être bénéfique si je remonte dans le ring.»

Car il est loin d'écarter le scénario d'un retour, même si son dernier combat, une douloureuse défaite par K.-O. technique contre Mikkel Kessler, remonte déjà à janvier 2006. «Je l'ai encore dans la tête, je ne me le suis pas enlevé, dit-il. Je n'ai vraiment pas mis une croix là-dessus. Ça va dépendre des résultats de ma fille. Vers la mi-mai, quand on va passer les derniers tests qui vont confirmer que son cancer est parti, je vais m'asseoir avec Jean Bédard pour décider vers quoi on s'en va.»

En fait, son idée semble pas mal arrêtée. Si sa fille retrouve la santé, il va remettre les gants. Et plus d'une fois. «Si je reviens, ce ne sera pas pour un seul combat. J'ai vraiment le goût de me battre de nouveau, de remonter sur le ring et de revivre les émotions que la boxe m'a données.»

La mission n'a rien d'impossible, à en croire son entraîneur Stéphan Larouche. «Il est plus enthousiaste face à la vie qu'on l'a rarement vu. Il est de bonne humeur et il a pris de bonnes décisions. Il est en forme et il est bien dans sa peau et dans sa tête. Et il n'a pas pris un verre d'alcool depuis pas loin d'un an. C'est un bon point de départ pour un gars qui a l'intention de faire un retour.»

Bienvenue chez vous, M. Lucas. Et bonne santé à votre petite.