Quel gâchis. Quel horrible gâchis. Et ça ne fait probablement que commencer.

Imaginez. Vous vous appelez Marian Hossa. Ou Jay Bouwmeester. Ou Alex Tanguay. Peu importe. Votre contrat prend fin cette année. Vous devenez joueur autonome le 1er juillet.

Question: avez-vous envie de marcher dans les pas de Maurice Richard, Jean Béliveau et Guy Lafleur? Avez-vous envie de venir jouer pour le Canadien de Montréal?

Ne répondez pas tout de suite. Prenez deux minutes pour y penser. Pensez à ce qui vous attend. Pensez à ce qu'est présentement le Canadien, une fois grattée la patine des 24 conquêtes de la Coupe Stanley et la légende de plus en plus légendaire du «meilleur club de l'histoire de la LNH».

Pensez-y. Vous avez quoi? Une équipe en pleine implosion, version hockey des Mets de New York de 2007. Un club sans véritable entraîneur et dont le directeur général est peut-être en train de se sortir de Montréal. Une formation dont la moitié des joueurs deviennent libres comme l'air en même temps que vous et qui seront sûrement tentés d'aller voir ailleurs s'ils y sont.

Et maintenant, la cerise sur ce sundae empoisonné: un propriétaire qui «évalue toutes les stratégies possibles entourant les propriétés de la famille Gillett à Montréal». Comme dans: faites vos offres, j'ai besoin de cash au plus vite.

La saison du centenaire du Canadien est une belle illustration de la loi de Murphy: si quelque chose peut mal tourner, alors cette chose finira infailliblement par mal tourner.

Ça a commencé sur la patinoire, avec les blessures à plusieurs joueurs clés, la désintégration progressive de Carey Price, le jeu amorphe de la majorité de l'équipe. Pendant que les défaites s'accumulaient, ça s'est poursuivi avec les mauvaises fréquentations des frères K. et la petite pause réflexion de deux matchs d'Alex Kovalev.

Le congédiement de Guy Carbonneau devait donner un nouveau souffle à l'équipe. Le souffle de la mort, plutôt. Si ça se trouve, le Canadien est plus inconstant, plus désorganisé et carrément plus poche depuis que Bob Gainey est descendu du septième étage pour diriger l'équipe au quotidien. Les fans réclament «Carbo, Carbo, Carbo» et huent leurs favoris avec un mépris d'ordinaire réservé aux Sean Avery, Zdeno Chara ou Sidney Crosby. (Ironique, quand on sait que ces mêmes partisans, qui exercent bien sûr leur droit le plus strict de chahuter une équipe qui joue atrocement mal, sont sans doute les mêmes qui ont tendance à blâmer les vilains journalistes pour les déboires du Canadien. Mais je digresse.)

Vous êtes joueur autonome, donc. Et vous plongeriez dans pareille fournaise, sachant que le propriétaire semble prêt à mettre les voiles pour autant qu'on lui signe un chèque certifié avec suffisamment de zéros? Vous viendriez vous les geler à Montréal (et payer plus d'impôts) pour avoir le privilège de porter la Sainte-Flanelle, sans savoir si c'est George Gillett, Guy Laliberté ou une bande de bouffons comme ceux ayant acheté le Lightning de Tampa Bay qui paiera votre salaire?

Avouez que vous hésiteriez, même si le CH vous offrait un pactole.

«C'est sûr que pour un joueur autonome, l'incertitude est un enjeu important, me disait, hier, l'ancien défenseur du Canadien, Stéphane Quintal. Un joueur veut savoir si l'équipe est prête à tout pour gagner, s'il y a de la stabilité et de la constance dans les décisions. Il faut offrir de la stabilité.»

Et la stabilité, comme le rappelle Quintal, «ça commence par en haut». «Il faudrait que M. Gillett sorte publiquement pour dire qu'il est ici pour longtemps et que tout va bien. Il faut que l'organisation essaie de rassurer tout le monde.»

Malheureusement, l'atmosphère de fin de règne actuelle n'est pas propice aux paroles de réconfort. Peut-être que George Gillett ne vendra pas le Canadien, le Centre Bell et/ou le Groupe Spectacles Gillett, même si j'ai la nette impression qu'il lui serait plus facile de se délester de ces actifs que de s'extirper de Liverpool, où il n'est pas actionnaire de contrôle.

Mais une chose est sûre: tant que l'incertitude actuelle persistera, le Canadien aura plus que jamais d'énormes difficultés à convaincre les meilleurs joueurs de la Ligue nationale de venir jouer à Montréal. Faites une petite prière pour que la rumeur qui veut que Vincent Lecavalier soit échangé au Canadien lors du repêchage soit vraie...

Vision embrouillée

J'étais au déjeuner du Cercle canadien de Montréal, hier, où Pierre Boivin a entretenu les convives «du Canadien, de la culture et de la communauté». Sur les tables étaient disposés de petits cartons sur lesquels était imprimée la «vision 2000-2010» du Canadien. Une lecture fascinante, considérant la crise actuelle. Jugez-en par vous-mêmes.

La mission de l'organisation? «Être la meilleure équipe de hockey professionnel». Oups. Allez dire ça aux 21 273 partisans qui ont assisté à l'humiliante défaite aux mains des Maple Leafs de Toronto, samedi.

Mais la meilleure est la promesse faite aux fans. «Vous serez toujours fier d'être un partisan des Canadiens.»

Vraiment?