Guy Carbonneau a trop de classe pour blâmer publiquement les autres, et notamment ses anciens joueurs, pour la fin abrupte de son séjour derrière le banc du Canadien. Mais il n'est quand même pas assez masochiste pour se priver de quelques fines allusions à la bande de lâches qui l'a laissé tomber.

Dans une conférence de presse qu'il a choisi de tenir au Centre Bell, contrairement à certains de ses prédécesseurs, Carbonneau a été un modèle de loyauté envers le Canadien, l'organisation avec laquelle il a gagné deux fois la Coupe Stanley, celle qui lui a permis de faire ses premiers pas dans la Ligue nationale comme joueur et comme entraîneur.

Mais il a aussi été fidèle à lui-même et à son style. Parfois émotif (on a senti sa gorge se nouer à quelques reprises), souvent drôle («j'ai attendu le jour de ma fête pour vous rencontrer parce que je voulais être sûr qu'il y aurait du monde à mon party!»), il a surtout été aussi honnête qu'il le pouvait, parfois brutalement.

Il n'a pas caché à quel point sa tâche avait été compliquée par la décision de Bob Gainey de lui confier une équipe dont la moitié des joueurs obtiendront leur autonomie cet été. «Une situation extrêmement difficile, a-t-il reconnu. On voit tous les montants d'argent accordés aujourd'hui dans la LNH. Tout le monde veut tirer la couverte de son côté. (...) C'est une situation exceptionnelle et l'organisation doit apprendre de ça.»

Sa réponse à la question sur les pommes pourries qui empoisonneraient le vestiaire ne laissait guère de doute quant à leur existence. «C'est à Bob et à l'organisation de les trouver, a-t-il dit. Il y a 11 agents libres. S'ils sont capables de les trouver, c'est le temps de s'en débarrasser.»

Traduction: vous cherchez qui fout le trouble? Allez voir chez tous ses vétérans qui seront libres comme l'air le 1er juillet. Allez voir - ça, c'est moi qui le dis - chez Alex Kovalev, qui, comme par hasard, a mis une semaine à commenter le congédiement de son coach. Ou peut-être chez le capitaine Saku Koivu, qui aurait dû avoir la décence de ne pas s'étendre sur les «problèmes de communication» de son ex-entraîneur, la semaine dernière.

Il est d'ailleurs pour le moins paradoxal que Carbonneau, l'entraîneur qui, dans l'histoire récente du Canadien, communiquait le mieux ses idées dans les médias, se soit senti obligé de faire appel à son vieux pote Kirk Muller pour pallier à sa difficulté à dialoguer avec les joueurs. Carbonneau n'est pas vieux, mais il est de la vieille école: celle où l'on n'est pas obligé de prendre les athlètes par la main pour tout leur expliquer dans le détail. Il est un entraîneur, pas un psychologue. Malheureusement pour lui, en 2009, l'un ne va plus sans l'autre.

Mais quand bien même il aurait eu un doctorat en psychologie sportive, Carbonneau aurait sans doute peiné à arrêter la débandade de son club ce printemps. Carbo avait ses torts et ses faiblesses, amplement discutés depuis 10 jours, mais s'il y a quelque chose que les quatre premiers matchs de Bob Gainey à la barre du Canadien nous enseignent, c'est que les problèmes du Canadien se trouvent beaucoup plus sur la glace et dans le vestiaire que dans le bureau de l'entraîneur.

«La vérité finit toujours par sortir un jour», a dit Carbonneau. M'est avis que certains joueurs n'en sortiront pas grandis.

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Malgré le choc que Carbonneau a encaissé lorsqu'il a été démis de ses fonctions, l'amour qu'il porte à Montréal et à la grande famille tricolore reste intact. Ça se sent. «On est dans un endroit où le hockey est une religion. Tout est analysé et décortiqué. Mais c'est encore la meilleure place pour jouer ou coacher au hockey», dit-il.

Il aurait pourtant le droit d'être amer. C'est la deuxième fois qu'il se fait jeter par le Canadien. La première fois, en 1994, Serge Savard avait exilé son capitaine à St. Louis en retour de l'obscur Jim Montgomery, quelques mois après que la photo d'un doigt d'honneur malavisé de Carbonneau se fut retrouvée en une du Journal de Montréal.

«J'ai éprouvé plus de frustration quand j'ai été échangé que la semaine passée, dit Carbonneau. Je sais maintenant qu'il y a un lendemain et que tu peux te refaire une vie. Tu peux avoir la chance de faire autre chose.»

Une autre chance, Carbonneau en aura une. Dans quelques mois, quand la poussière sera retombée et qu'il aura eu le temps d'analyser dans le détail ses trois années à la barre du Canadien, il aura tiré les leçons qui s'imposent et sera prêt à rebondir. On le reverra derrière le banc d'une autre équipe de la LNH, les tempes un peu plus grises, sûrement, mais le même sourire en coin. Après les Vigneault, Therrien, Julien, un autre «Canadien» errant.