Vincent Marquis, Alexandre Bilodeau et Pierre-Alexandre Rousseau se sont offert un triplé historique à la Coupe du monde de ski acrobatique du mont Gabriel. L'espoir du ski de fond Alex Harvey a remporté sa première médaille chez les seniors. Jean-Philippe Le Guellec a réussi la meilleure performance canadienne de l'histoire en biathlon masculin. Et les médailles s'empilent en patinage de vitesse.

Pratiquement pas une semaine ne passe sans qu'un athlète canadien ne s'illustre dans une des disciplines olympiques hivernales. À un an des Jeux de Vancouver, c'est encourageant.

 

Il est pourtant loin d'être évident que le Canada, même avec l'avantage du terrain, parviendra à atteindre l'objectif qu'il s'est fixé en vue de ces Jeux: terminer premier au total des médailles, quatre ans après avoir pris le troisième rang aux JO de Turin. Même s'il y a beaucoup moins de pays compétitifs aux Jeux d'hiver qu'aux Jeux d'été, le peloton de tête est très relevé.

Jugez-en par vous-mêmes: tous sports confondus, l'Allemagne a remporté cette saison 156 médailles sur le circuit de la Coupe du monde. C'est 60 de plus que le Canada, qui occupe le troisième rang, avec 96 médailles. L'Autriche (97 médailles) est juste devant; les États-Unis (92), pas loin derrière.

Le total canadien peut sembler élevé, mais il est beaucoup plus faible qu'à la même période l'an dernier. Le Canada avait alors 173 médailles dans sa besace.

«Nous avons de meilleurs athlètes et plus de profondeur qu'il y a quelques années. Mais le reste du monde n'a pas ralenti. L'Allemagne, l'Autriche et les États-Unis sont très forts», dit Roger Jackson, PDG d'À nous le podium 2010. «Il y a eu une amélioration notable dans tous les sports, mais les Michael Phelps, les athlètes dont on peut d'ores et déjà prédire qu'ils gagneront la médaille d'or, sont rares.»

Créé en 2005 afin de coordonner les efforts du Canada en vue de finir premier aux Jeux de 2010, À nous le podium dispose d'un budget de 110 millions sur cinq ans, dont la moitié vient du gouvernement fédéral.

À l'origine, l'organisme avait établi une cible de 35 médailles. Celle-ci a depuis été discrètement mise de côté. «Nous avons le potentiel d'en gagner 35, mais pour ça, d'autres pays devraient connaître des contre-performances, tandis que pas loin de 100% de nos meilleurs athlètes devraient réussir à monter sur le podium», explique Roger Jackson.

Les probabilités que les planètes s'alignent ainsi sont faibles. Il faut dire qu'on part de loin: à Salt Lake City, en 2002, seulement 27% des espoirs de médailles canadiens ont fini sur le podium. La proportion a grimpé à 40% à Turin, en 2006 et on vise environ 60% l'an prochain.

«Battre l'Allemagne sera un défi très difficile, mais nous allons essayer d'y parvenir, dit Roger Jackson. Avec un peu de chance et si on évite les blessures, c'est possible. Si nous ne réussissons pas, tant pis, mais ce sera assurément la meilleure performance canadienne de l'histoire, avec l'équipe la mieux préparée.»

L'argent d'À nous le podium a permis aux différentes fédérations sportives d'embaucher des spécialistes tels des nutritionnistes ou des biomécaniciens, ou encore de se procurer de l'équipement de haute technologie. Patinage de vitesse Canada, par exemple, a pu se doter d'un appareil de profilage des lames pour ses patineurs sur courte piste. «On n'aurait jamais pu se permettre une telle dépense de 100 000$ sans À nous le podium», note Yves Hamelin, directeur du programme national.

Comme à Turin, où il a valu au pays la moitié de ses 24 médailles, le patinage de vitesse, tant sur longue et que sur courte piste, devrait être le fer de lance du Canada à Vancouver. On espère cette fois une quinzaine de médailles.

L'objectif est ambitieux, surtout que les blessures ont fait des ravages cette année. En longue piste, par exemple, la quintuple médaillée de Turin, Cindy Klassen, a fait l'impasse sur la saison actuelle après des opérations aux deux genoux. Victime d'une fracture au bras, le vétéran sprinter Jeremy Wotherspoon est aussi sur le carreau après un excellent début de saison. En leur absence, d'autres patineurs ont toutefois pris la relève. Denny Morrison vient de remporter trois de ses quatre dernières courses, tandis que Christine Nesbitt et Kristina Groves sont première et deuxième au classement du 1000 m.

Le hockey, le curling et le ski acrobatique sont d'autres sports où le Canada est pratiquement assuré de remporter quelques médailles. Mais pour finir premier au classement, le pays devra impérativement grappiller des podiums dans des disciplines telles le patinage artistique, le ski de fond, le bobsleigh, le skeleton, le surf des neiges et le ski-cross. Sans parler du ski alpin, qui a déjà connu de meilleures années que celle en cours (seulement trois podiums à ce jour).

Ça fait beaucoup de si et de peut-être. Mais au moins, il y aura assurément des médailles d'or. «Nous avons entre six et 10 possibilités», estime Roger Jackson. Trente-quatre ans après les Jeux de Montréal et 22 ans après ceux de Calgary, le Canada, un des rares pays hôtes des Jeux à n'avoir jamais remporté l'or, pourra enfin se débarrasser de cette étiquette embarrassante.

 

Jean-François BéginSUCCÈS TROMPEURS

Les succès de l'Allemagne en Coupe du monde sont un peu trompeurs. Le quart des 156 médailles allemandes ont été obtenues dans un seul sport, la luge. Aux Jeux olympiques, où il n'y a que trois épreuves dans ce sport, l'Allemagne, également très forte en bobsleigh, en patinage de vitesse, en biathlon et en skeleton, ne pourra aussi facilement gonfler son total de médailles. Les divers championnats du monde qui auront lieu d'ici la fin de l'hiver nous donneront une meilleure appréciation des forces en présence.