Si Vincent Lecavalier aboutit à Montréal dans les prochains jours, ça voudra dire que la direction du Canadien est prête à tout pour donner à ses partisans une Coupe Stanley à l'occasion du centenaire de l'équipe. Quitte à devoir composer avec de sérieux maux de tête dans quelques années.

Lecavalier à Montréal? Ce serait pratiquement digne du repêchage de Guy Lafleur en 1971. Pour la première fois depuis une éternité, le Canadien compterait une authentique étoile offensive québécoise, une superstar en bonne et due forme.

Y a de quoi être enthousiaste... tout en se rappelant, quand même, que pour une transaction qui aboutit, il y en a 10 qui avortent.

Jouons néanmoins le jeu. Si les succès actuels du Canadien, en l'absence d'une demi-douzaine de blessés, ont prouvé quelque chose, c'est que l'équipe compte sur une forte relève: les frères K., Pacioretty, D'Agostini, Latendresse, Lapierre, Chipchura, la liste est longue. Bob Gainey peut désormais envisager sérieusement la possibilité de laisser partir un certain nombre de joueurs établis sans pour autant affaiblir son équipe.

Les principaux noms avancés, hier, étaient ceux de Tomas Plekanec et Chris Higgins. J'aime beaucoup Plekanec. Et les déboires de Higgins en première moitié de saison ne sont qu'une mauvaise passe dans une carrière qui finira par tenir ses promesses.

Mais si leur départ, plus ceux d'un espoir comme P.K. Subban et de choix au repêchage, permettaient la venue d'un joueur de la trempe de Lecavalier à Montréal, je ne connais pas grand-monde qui s'opposerait (à part peut-être le père de Higgins, un partisan de longue date du CH!). L'enthousiasme créé par l'arrivée d'un joueur étoile comme Lecavalier, gagnant de la Coupe Stanley par surcroît, aurait vite fait de compenser pour le bouleversement causé à la sacro-sainte «chimie» de l'équipe.

Plekanec et Higgins ne seraient toutefois pas une monnaie d'échange suffisante si le Canadien veut respecter le plafond salarial de 56,7 millions, qu'il frôle présentement. Le contrat actuel de Lecavalier vaut 6,875 millions. S'il était échangé aujourd'hui, le Canadien serait responsable des 3,3 millions restants d'ici la fin de la saison. Or, le solde des contrats combinés de Plekanec et Higgins vaut seulement 1,7 million.

La différence pourrait sans doute être comblée en soustrayant l'argent économisé par le Canadien avec les blessés placés sur la liste de réserve, mais surtout en ajoutant à la transaction Josh Gorges, l'autre joueur dont le nom a été mentionné, hier.

À moins que Ryan O'Byrne ne revienne transformé de son séjour à Hamilton, on se demande bien qui remplacerait Gorges - une révélation cette année - comme quatrième défenseur de l'équipe. Il y aurait un fort risque de surtaxer des joueurs comme Francis Bouillon et Patrice Brisebois. Bob Gainey ne blaguait pas quand il a dit, hier, que la défense est la position à laquelle le Canadien aurait le plus besoin de renfort.

Mais la principale source d'inquiétude au sujet de Lecavalier, c'est son prochain contrat. Signée l'été dernier, l'entente de 11 ans et 85 millions, assortie d'une clause de non-échange, entrera en vigueur le 1er juillet et lui rapportera une moyenne de 7,7 millions par an entre les saisons 2009-2010 et 2019-2020.

Un tel montant sera peut-être de la menue monnaie dans une décennie. Mais pour l'instant, cela reste une somme considérable. Lors de son bilan de mi-saison, hier, Bob Gainey a souligné avec justesse que le plafond salarial risque de baisser à compter de la saison 2010-2011. Caser le lucratif contrat de Lecavalier à l'intérieur de la structure salariale de l'équipe pourrait devenir un joyeux casse-tête pour le DG du Tricolore.

Certes, le Canadien aura la «chance» de compter sur 11 joueurs autonomes sans compensation au terme de la saison actuelle, dont Alex Tanguay, Saku Koivu, Alex Kovalev, Robert Lang (qui gagnent tous au moins 4 millions) et Mike Komisarek. Gainey aura de la flexibilité et pourrait laisser partir des joueurs rendus moins indispensables par l'arrivée de Lecavalier. Mais certains d'entre eux vont rester et Komisarek, à 27 ans, va assurément frapper le jackpot.

Suffit d'ajouter à l'équation Carey Price, qui deviendra joueur autonome avec compensation à la fin de la saison prochaine, pour comprendre que la marge de manoeuvre de Gainey risque de fondre comme neige au soleil.

Mais est-ce que le Canadien serait une meilleure équipe avec Lecavalier que sans lui? Est-ce que les chances du club de gagner la Coupe Stanley seraient améliorées? Bien sûr que oui. Et c'est pour ça que Gainey semble intéressé à frapper un grand coup. Pour le Canadien, plus que jamais, l'avenir, c'est vraiment maintenant.