Cette fois, on pourra dire que le Groupe Yvon Michel a mis le paquet.

Préparateur physique, nutritionniste, massothérapeute, quatre ou cinq entraîneurs et adjoints, psychologue sportif: une véritable armée entoure Jean Pascal à la veille de son combat de championnat du monde des super-moyens du WBC. C'est tout juste si GYM n'a pas embauché quelqu'un rien que pour lacer les souliers du boxeur québécois.

Mercredi, tous les membres de cette imposante équipe, moins les hommes de coin qui n'étaient pas encore arrivés, se sont pointés à la conférence de presse d'avant-combat de Pascal et Carl Froch, vêtus de survêtements noirs identiques.

Ils forment une troupe inséparable depuis le début de la semaine: ils déjeunent ensemble, partent ensemble à l'entraînement et tuent le temps ensemble dans le hall de l'hôtel. En beaucoup plus sympathiques, ils font penser à l'armée de spécialistes qui encadraient Ivan Drago dans Rocky IV.

La comparaison est moins farfelue qu'elle n'en a l'air. Non, Jean Pascal n'a pas développé une ressemblance aussi subite qu'improbable avec Dolph Lundgren, le colosse blond qui incarnait le méchant Drago. Mais le souci du détail qui anime l'entourage du boxeur québécois à l'approche du combat de demain n'a rien à envier à la méticulosité manifestée par la fine fleur de la science sportive soviétique dans le vieux navet de Sylvester Stallone.

(Oui, je sais, Drago perd dans le film. Personne n'a dit que l'histoire était condamnée à se répéter. Et puis, aux dernières nouvelles, même si son clan fait nettement plus «vieille boxe» que celui de Pascal, Froch n'est pas allé s'entraîner dans une grange en Sibérie. Mais je digresse.)

En préparation de ce premier championnat du monde, le camp de Jean Pascal a opté pour une approche rigoureuse. «Avant, Jean était plus un autodidacte, dit Yvon Michel. Il a toujours eu beaucoup de talent, mais il a longtemps cruisé là-dessus. Après son dernier combat, en janvier dernier, il y a eu un gros meeting avec (son entraîneur) Marc Ramsay. Marc lui a dit qu'il ne serait pas à son service s'il ne faisait pas ce qu'il lui demandait de faire.»

Une équipe s'est rapidement assemblée autour de Pascal, y compris le préparateur physique Luke Richesson et le psychologue sportif ontarien Robert Schinke, qui avait connu Jean Pascal dans les rangs amateurs. «Ce ne sont pas des yes-men, dit Yvon Michel. Luke est extrêmement exigeant. Jean a fait des entraînements où il a vomi tellement l'effort était intense. Luke l'a amené au-delà de la limite, mais Jean n'a jamais abandonné.»

Selon Schinke, il faut s'attendre à voir «un boxeur plus dur physiquement et mentalement» que ce à quoi Pascal nous a habitués. «Les stratégies ont évolué, le programme de conditionnement est nouveau et à la fine pointe. Ce qu'il a fait à l'entraînement, je n'ai pas vu d'autres athlètes le faire», dit ce professeur de l'Université Laurentienne de Sudbury.

Il trace un parallèle intéressant entre Pascal et Lucian Bute, avec qui il a aussi travaillé. «Ce qui est bien avec Jean, comme avec Lucian, c'est qu'il utilise tous les gens autour de lui de manière efficace. Il n'y a pas d'ego dans cette équipe. La seule chose qui compte, c'est de savoir ce qu'il doit apprendre pour être le plus efficace possible.»

À entendre le psychologue, il n'y a pas une pierre que l'équipe de Pascal n'a pas retournée au cours des deux mois d'entraînement en Arizona. «Nous avons tout étudié sur Froch: sa posture, la manière dont il entre dans le ring, l'aménagement de l'aréna, ce qui se passe dans son coin pendant les combats, tout.»

Pas étonnant que Jean Pascal ait dit en conférence de presse que son équipe «en sait plus sur Froch que Froch lui-même». Personne ne le dira ouvertement, mais il était hors de question de répéter l'erreur de Joachim Alcine, qui ne s'était même pas donné la peine d'étudier les combats précédents de Daniel Santos, l'été dernier. «Quand tu as toutes les données disponibles et que tu assembles les morceaux du puzzle, tu peux deviner l'avenir», se contente de dire Marc Ramsay.

Et l'avenir qu'entrevoit l'entraîneur de Jean Pascal lui permet apparemment d'espérer. «Samedi, dit-il, tu vas voir la différence entre la science du sport et l'improvisation.»

Faudrait demander à Stallone ce qu'il en pense...

Froch, un grand nerveux?

À force de crier sur tous les toits que les meilleurs super-moyens le craignent, Carl Froch ne s'est pas fait beaucoup d'amis.

Un boxeur britannique qui connaît bien Pascal et Froch s'est rangé sans réserve dans le camp du boxeur québécois quand je l'ai joint au téléphone, hier. «Froch est trop arrogant. Il n'est pas tellement aimé. Il avait fait à peine cinq combats chez les professionnels qu'il réclamait déjà un combat avec Joe Calzaghe. Ça manquait de respect. C'était évident qu'il était seulement à la recherche d'une grosse paye.» (En entrevue cette semaine, Froch m'a répété que Calzaghe, invaincu en 46 combats et aujourd'hui chez les mi-lourds, avait peur de lui. Ça ne fait pas très sérieux.)

Selon ce boxeur, qui préfère ne pas être identifié, Froch est toujours très nerveux avant ses combats. «Ça se replace une fois que la cloche sonne, mais il commence toujours lentement. Si Pascal part fort, il a de bonnes chances de gagner. Il frappe fort et il peut passer le K.-O. à Froch. Mais si ça se rend aux points, dans un combat à Nottingham, la ville de Froch, il va falloir qu'il le batte très clairement pour l'emporter.»

Enfants, Jean Pascal et son frère ont malmené le mobilier familial avec leurs combats de boxe improvisés. Ses premières raclées, cadeau de son aîné, sont depuis oubliées. Reste les victoires, mais aussi les rounds difficiles et les déclarations controversées. À lire demain, un grand portrait du boxeur par notre envoyé spécial à Nottingham, Jean-François Bégin.