Grosse, grosse fin de semaine pour le football québécois: non seulement le Rouge et Or de l'Université Laval tente-t-il aujourd'hui de remporter la Coupe Vanier pour la cinquième fois en 10 ans, mais un nombre record de joueurs issus de la Belle Province participeront demain au match de la Coupe Grey.

Pas moins de neuf joueurs québécois seront en uniforme à l'occasion de la classique annuelle de la Ligue canadienne de football, cinq chez les Alouettes et quatre du côté des Stampeders.

 

L'ampleur du contingent québécois n'est pas le fruit du hasard. «Avec l'avènement des programmes de l'Université Laval, de l'Université de Montréal et de l'Université de Sherbrooke, il n'y a aucun doute que le niveau et la quantité d'athlètes ayant le potentiel de jouer dans les rangs professionnels a augmenté de manière assez élevée», estime l'adjoint au directeur général des Alouettes, Marcel Desjardins.

La force de la Ligue de football universitaire du Québec (LFUQ) a été éloquemment illustrée au cours des dernières semaines. Après avoir été poussé dans ses derniers retranchements par Concordia en finale québécoise, Laval a pulvérisé les pauvres Dinosaurs de l'Université de Calgary. Les champions de la conférence Canada West se sont inclinés 59-10. «Il est clair que la conférence québécoise est présentement la plus forte au niveau canadien», dit Jean-Charles Meffe, directeur général de Football Québec.

Plusieurs événements survenus au milieu des années 90 contribuent à expliquer les succès actuels des footballeurs québécois: la création en 1993 du programme d'excellence de Football Québec, auquel ont participé au fil des ans des entraîneurs de renom comme Jacques Dussault, Glen Constantin et Danny Maciocia; l'entrée en scène du Rouge et Or, en 1995; et bien sûr le retour des Alouettes à Montréal, en 1996.

«Les succès des Alouettes et de Laval ont fait monter la popularité du football. Il y a plus de jeunes qui pratiquent le sport et qui atteignent le niveau universitaire. Ça profite à tout le monde», dit Marcel Desjardins.

De fait, le membership de Football Québec est en pleine explosion. En 1993, la fédé comptait moins de 6000 adhérents en football contact. Cette année: pas loin de 30 000! «Quand je jouais, il y avait peut-être sept équipes civiles et huit équipes scolaires à Montréal, illustre le plaqueur des Stampeders, Randy Chevrier. Maintenant, il y a quelque chose comme deux divisions de 12 équipes midgets dans la région.»

Les progrès ne sont pas seulement quantitatifs. «Le football québécois est de plus en plus fort, dit le maraudeur des Alouettes (et ex-Rouge et Or), Matthieu Proulx. C'est pas des farces, j'ai l'impression que bientôt la majorité des joueurs canadiens dans la Ligue canadienne vont être des joueurs québécois. J'en suis convaincu. Le football a été une culture anglaise pendant des années, mais la base (québécoise) se développe et elle se développe vite.»

Autre signe de ce développement - à moins bien sûr qu'il ne s'avère un phénomène isolé: l'embauche par les Colts d'Indianapolis de l'ancien receveur de passes du Vert et Or de Sherbrooke, Samuel Giguère. «Avant, les Québécois qui atteignaient la NFL étaient surtout des spécialistes, comme Louis-Philippe Darche (longue remise), dit Jean-Charles Meffe. Samuel Giguère a réussi à passer à travers le camp d'entraînement des Colts avec le bagage qu'il a reçu au Québec. Pour nous, c'est important. Ça veut dire qu'il a touché ici à un calibre équivalent à ce qui se fait aux États-Unis.»

Évidemment, personne ne prétend que Laval ou l'UdeM sont à la veille de faire concurrence à Michigan, Notre-Dame ou Tennessee. «Le football, c'est gros ici, mais ce n'est même pas proche de l'envergure que ça a aux États-Unis», souligne le bloqueur à gauche du Rouge et Or, David Bouchard, qui a joué trois ans pour l'Université de Syracuse, en division I de la NCAA. «Là-bas, le football, c'est toute ta vie. La bourse qu'on te donne est aussi un argument pour te forcer à céder le contrôle sur les plus petits détails de ta vie. Ça peut devenir plus de football que ce que quelqu'un est prêt à endurer.»

Même si le nombre de footballeurs québécois expatriés aux États-Unis a diminué de plus de la moitié depuis une douzaine d'années, les matchs devant des foules de 100 000 personnes, les études payées à 100% et la possibilité de se mesurer aux meilleurs joueurs de la planète continueront évidemment d'attirer plusieurs joueurs d'ici. Étienne Boulay, qui a passé quatre ans à l'Université du New Hampshire, me disait cette semaine qu'il emprunterait le même chemin si c'était à refaire.

Mais le football universitaire québécois a de beaux lendemains devant lui. Avec l'arrivée dans le portrait de l'UdeM et de Sherbrooke, le nombre de joueurs d'origine québécoise dans la LFUQ a bondi de 122 en 1997 à 287 en 2004. Plus de joueurs d'ici se frottent à du fort calibre. À long terme, plusieurs de ces joueurs pourraient devenir entraîneurs dans les catégories inférieures, souligne Matthieu Proulx. «C'est un cycle, dit-il. Les connaissances doivent se transmettre. Ça va prendre une génération ou deux, mais je pense que dans 30 ans, les joueurs de football québécois seront vraiment très recherchés.»

 

QUÉBÉCOIS AU MATCH DE LA COUPE GREY

(JOUEUR, POSITION, UNIVERSITÉ)

Stampeders de Calgary

Marc Calixte, secondeur, Tennessee-Martin

Randy Chevrier, plaqueur défensif, McGill

Miguel Robédé, ailier défensif, Laval

Jabari Arthur, receveur, Akron

Note : Le botteur ontarien Burke Dales a joué à Concordia et le porteur de ballon Jonathan Lapointe (UdeM) joue sur l'équipe d'entraînement des Stampeders.

Alouettes de Montréal

Étienne Boulay, maraudeur, New Hampshire

Matthieu Proulx, maraudeur, Laval

Éric Deslauriers, receveur, Eastern Michigan

Danny Desriveaux, receveur, Richmond

Paul Lambert, garde, Western Michigan