Si préoccupante soit-elle, la crise économique qui menace la planète ne devrait pas affecter le Canadien de Montréal à court terme. Mais la dépréciation récente du dollar canadien, elle, pourrait avoir un impact si elle devait se prolonger.

Ce n'est pas moi qui le dis: c'est le propriétaire de l'équipe, George Gillett, avec qui j'ai discuté hier au septième étage du Centre Bell, à quelques heures de l'affrontement entre le Canadien et les Bruins.

 

M. Gillett, qui recevra ce midi le titre de dirigeant sportif de l'année aux Sports Media Awards, à Toronto, revenait tout juste d'une visite qui l'avait visiblement enthousiasmé au futur centre d'entraînement du Canadien, dans le Quartier Dix30, à Brossard. «C'est renversant», a-t-il dit, au sujet du complexe où le Tricolore emménagera plus tard cet automne, et qui comprend notamment deux glaces, un énorme gymnase et un terrain de soccer intérieur. «C'est tellement beau, fonctionnel et bien conçu. Ça va nous donner un avantage énorme.»

On verra ça de nos propres yeux quand le Canadien inaugurera son nouveau quartier général dans quelques semaines. Chose certaine, M. Gillett, qui avait pour partenaires la firme AXOR et la Ville de Brossard, a eu moins de mal avec ce projet de construction d'une trentaine de millions qu'avec celui, infiniment plus coûteux bien sûr, d'un nouveau stade pour son autre club, Liverpool. Les travaux ont été reportés à une date indéterminée, à la fin août, en raison de la crise du crédit qui balaie la planète.

Malgré ce contretemps qui affecte ses affaires outre-Atlantique, le propriétaire du Canadien ne semble pas trop inquiet devant les conséquences potentielles d'un ralentissement économique majeur en Amérique du Nord sur la Ligue nationale de hockey et le Tricolore.

«On serait fou de prétendre que la situation économique n'a pas d'effet et qu'il n'est pas nécessaire de suivre de près ce qui se passe. Cela dit, mon impression jusqu'à présent, c'est que ça pourrait ralentir la croissance de notre sport, mais que (le ralentissement) ne sera pas assez long ou aigu pour réduire nos revenus», dit M. Gillett, rappelant qu'à l'échelle de la ligue, les ventes d'abonnements annuels sont en hausse de 4% et celles de billets individuels, de 12%.

La plongée du huard, qui a clôturé hier à 0,8418 cents par rapport à la devise américaine, son plus bas niveau au cours de la dernière année, est plus inquiétante, reconnaît M. Gillett. «Le Canadien est protégé pour cette année et l'année prochaine, mais les paris sont ouverts si la situation devait perdurer», dit-il. Un dollar canadien faible représente un handicap pour les équipes canadiennes, dont la principale dépense, les salaires des joueurs, est en dollars américains.

Seul «avantage» pour une équipe comme le Canadien, un dollar faible devrait réduire sa contribution au système de partage des revenus en vigueur depuis la fin du lock-out. Ce système, qui aide les équipes américaines mal en point financièrement, coûte présentement très cher au Canadien: 11,5 millions l'an dernier, un demi-million de moins seulement que la facture des Maple Leafs de Toronto. En tenant compte des revenus des séries éliminatoires, le montant du chèque fait à la ligue se situe autour de 18 millions, note M. Gillett.

Il refuse pourtant de se plaindre, contrairement au président de Maple Leaf Sports and Entertainment, Richard Peddie, qui trouve que le partage des revenus ne fait que «déplacer les chaises sur le pont du Titanic». M. Gillett est plus politiquement correct. «Pour moi, c'est le prix à payer pour le privilège de jouer dans une ligue qui offre l'équilibre compétitif et le spectacle qu'offre la LNH», dit-il. Gary Bettman va être content d'entendre ça.

Sept ans après avoir débarqué à Montréal, George Gillett est donc «le dirigeant sportif de l'année au Canada». Un honneur qui rejaillit sur toute l'organisation, de Pierre Boivin à Bob Gainey en passant par Trevor Timmins, dit-il. «Je pense que c'est une reconnaissance du succès que nous avons eu et des progrès que nous avons faits à Montréal, tant sur la glace qu'en dehors, dans la communauté.»

Vrai qu'on est loin des jours sombres où l'homme d'affaires du Colorado a acheté le Centre Bell (alors Molson) et 80,1% des parts du Canadien. L'équipe n'allait alors nulle part sur la glace (Oleg Petrov, vous vous souvenez?) et l'amphithéâtre de 270 millions où le Canadien avait emménagé au milieu des années 90 était loin de toujours afficher complet.

Sous la houlette de M. Gillett, l'équipe s'est complètement transformée. Saku Koivu, Patrice Brisebois et Andrei Markov sont les seuls survivants de la formation de l'époque. Bob Gainey a remplacé André Savard, qui avait lui-même succédé à Réjean Houle dans le fauteuil du directeur général, tandis que Guy Carbonneau, après le passage de Michel Therrien et Claude Julien derrière le banc, apparaît désormais bien en selle.

Tous ces changements ont fini par donner une équipe solide, choisie par plusieurs (moi y compris) pour finir première dans l'Association de l'Est. L'équipe a aussi rafraîchi son image et rajeuni son public, le Centre Bell est plein tous les soirs et la liste d'attente pour les abonnements de saison n'en finit plus d'allonger. Le Canadien est redevenu cool.

Ne manque plus qu'une Coupe Stanley.