En août 2018, une frêle adolescente s’est assise pendant des heures devant le parlement de la Suède pour protester contre le réchauffement climatique. Seule.

Depuis, elle a rencontré le pape, des maires, des premiers ministres, des présidents.

Elle a poussé des millions de personnes à descendre dans les rues des plus grandes villes du monde.

Elle a réussi ce que les scientifiques avaient échoué à faire depuis des années : éveiller les consciences, braquer les projecteurs sur la catastrophe climatique annoncée.

Elle est devenue la voix, à la fois douce et inébranlable, de tous ceux qui se battent contre la menace la plus grave à laquelle notre planète est aujourd’hui confrontée.

Hier, elle a été nommée personnalité de l’année 2019 du prestigieux magazine américain Time.

PHOTO FOURNIE PAR LE TIME

À 16 ans, Greta Thunberg est la plus jeune personnalité de l’année jamais nommée par le Time.

Et il s’en trouve encore pour qualifier Greta Thunberg d’étourdie, de petite sotte, de marionnette…

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À 16 ans, Greta Thunberg est la plus jeune personnalité jamais nommée par le Time depuis que le magazine a lancé cette tradition annuelle, en 1927.

Elle n’est pas politicienne. Elle n’est pas scientifique. Elle n’est même pas adulte.

« C’est une adolescente ordinaire qui, en ayant le courage de dire la vérité aux gens de pouvoir, est devenue l’icône d’une génération », lit-on dans le reportage que le Time consacre à la jeune Suédoise.

C’est Greta Thunberg, mais ça aurait aussi bien pu être quelqu’un d’autre. Un autre jeune en colère, comme elle, qui n’aurait fait que dire une simple vérité, comme elle.

Et cette vérité, inéluctable, c’est que ça ne peut plus durer. On ne peut plus émettre toujours plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère tout en regardant la planète se rapprocher du point de non-retour.

« Nous ne pouvons pas continuer à vivre comme s’il n’y avait pas de lendemain, parce qu’il y a un lendemain », a-t-elle confié au magazine. « C’est tout ce que nous disons. »

C’est tout ce que disent les jeunes pour le climat du Québec, qui viennent eux aussi d’être nommés personnalités de l’année, cette fois par le magazine L’actualité.

« Grâce à eux, l’urgence climatique, quasi absente de la campagne électorale québécoise à l’automne 2018, est devenue un sujet incontournable de la dernière campagne fédérale. Une grande première », souligne le magazine québécois.

L’actualité raconte l’histoire de Sara Montpetit, qui ressemble à celle de Greta Thunberg.

Elle aussi est partie de presque rien : une vidéo de la militante suédoise, visionnée un soir d’hiver sur YouTube. Elle aussi a soulevé une mobilisation monstre, qui a culminé avec la marche historique du 27 septembre, à Montréal.

Ce jour-là, Sara Montpetit a marché aux côtés de celle qui l’avait tant inspirée sur YouTube, quelques mois plus tôt.

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J’ai toujours eu du mal à catégoriser une génération entière. Je déteste quand on tape sur les milléniaux. Trop paresseux pour les uns, trop chochottes pour les autres. Ça finit toujours par cette insupportable rengaine : « Dans mon temps, j’te dis, ça ne se passait pas de même… »

Bien sûr. Évidemment.

Ces temps-ci, rien ne me hérisse plus que l’expression « OK, boomer ». Ceux qui l’utilisent à toutes les sauces ne savent-ils donc pas que les cons n’ont pas d’âge ?

Les vieux ne sont pas tous la sagesse incarnée. Les jeunes ne sont pas tous idéalistes et déterminés à changer le monde. Les gens entrent rarement dans les petites cases qu’on aimerait bien leur assigner.

En ce qui concerne le climat, pourtant, la planète ne peut plus se permettre d’ignorer la parole des jeunes ni leur colère devant l’inertie de leurs aînés. Parce que le réchauffement menace leur existence à eux.

Greta Thunberg incarne cette colère. « Peut-être que [mes futurs enfants] me demanderont pourquoi vous n’avez rien fait alors qu’il était encore temps d’agir, a-t-elle dit, l’an dernier, aux dirigeants réunis pour la Conférence pour le climat COP24. Vous dites que vous aimez vos enfants plus que tout. Pourtant, vous volez leur futur sous leurs yeux. »

Depuis, elle martèle le même message.

« Elle est un constant rappel que les dirigeants actuels ne sont pas éternels, souligne le Time. Et qu’un jour, les jeunes hériteront de gouvernements en faillite, d’économies brisées et d’une planète de plus en plus invivable. »

Ces jeunes prendront alors toute la mesure de l’échec de leurs prédécesseurs.

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Hier, Greta Thunberg a accusé de « tromperie » les dirigeants réunis à la COP25, à Madrid. La grand-messe du climat risque fort de se terminer, demain, sans que les États signataires de l’accord de Paris en fassent beaucoup plus pour freiner le réchauffement de la planète.

Il y a pourtant urgence. Tous les jours, les manchettes nous le rappellent. Celle du Devoir, mercredi encore : « Le Groenland se liquéfie ». Celle du Washington Post, la veille : « L’Arctique pourrait avoir franchi un seuil et émettre des milliards de tonnes de carbone » en raison de la fonte du pergélisol.

Certains scientifiques se demandent parfois s’il ne vaut pas mieux ménager la population. Ils craignent qu’en disant toute la vérité sur le climat, on pousse les gens à ne rien changer puisque, de toute façon, tout est foutu.

Greta Thunberg n’a que faire de ce débat.

« Là où d’autres parlent le langage de l’espoir, rappelle le Time, Thunberg parle celui de la science, inattaquable : le niveau des océans montera. Les villes seront inondées. Des millions de personnes en souffriront. »

Traitez-la d’alarmiste si vous voulez. Je la trouve plutôt lucide, franche et inspirante. Comme des millions de personnes, jeunes et moins jeunes, sur notre pauvre planète.