On ne voit rien ! Il fait trop noir ! Pouvez-vous ajouter deux ou trois torches de plus dans la crypte, s’il vous plaît ?

À la limite, la vaporeuse Melisandre, alias la prêtresse rouge, aurait dû allumer un gigantesque brasero à Winterfell pour que les téléspectateurs du plus récent épisode de Game of Thrones arrivent à différencier l’armée des morts de celle des vivants.

Il y a le débat ininterrompu sur les comédiens qui marmonnent et la musique trop forte qui enterre leurs dialogues. Il y a maintenant celui sur les images trop sombres de la supersérie de HBO, qui ont enragé des centaines de milliers de fans dimanche soir.

C’est vrai, les épiques scènes de bataille, tournées en gros plan et dans une palette de couleurs gothiques, donnaient le tournis. On voyait des giclées de sang, on entendait des cris gutturaux, mais on ne savait jamais trop qui décapitait qui.

Dans le noir quasi complet, il n’y a rien qui ressemble plus à un personnage barbu ensanglanté et sale qu’un autre personnage barbu ensanglanté et sale. Et les dragons de Daenerys ont-ils péri ? Ce n’était pas clair, non plus. (Divulgâcheur : Drogon et Rhaegal ont survécu, hourra !)

Et, pour embrumer davantage nos écrans, le Roi de la Nuit a fait surgir un brouillard glacé, ce qui a obscurci encore plus les combats.

Pour ne pas virer fou comme un certain Aerys II Targaryen, il fallait s’abandonner à cet épisode explosif de 82 minutes et ne pas tenter de tout décortiquer. Confession : j’ai tout de même lu 34 résumés de l’épisode, après l’avoir visionné, pour m’assurer de n’avoir rien raté. Il y a des limites à avancer à tâtons dans une émission.

Mais, oui, c’était beaucoup trop sombre, confirme le cinéaste Rafaël Ouellet, qui a réalisé des téléséries comme Blue Moon et Ruptures. « Je suis certain qu’en Blu-ray, ça va être magnifique. La compression ou le streaming a mal supporté cette image. C’est la première fois en 15 ans que j’augmente la luminosité sur ma télé. Je l’ai regardé en direct sans savoir que ça deviendrait une crise nationale », note-t-il.

Un autre méga-admirateur de Game of Thrones, Michel Trudeau, producteur chez Aetios (District 31), a été déçu et ne comprend pas que la chaîne HBO ait « laissé passer » un produit aussi mal éclairé. « C’est bien beau la claustrophobie, mais, au minimum, il faut savoir qui est dans l’ascenseur, sinon on ne ressent rien. Tu fais une série pour qui ? Pour quoi ? À 15 millions l’épisode, c’est insensé qu’un directeur photo soit obligé de venir expliquer ses choix après la diffusion », explique Michel Trudeau.

Il n’a pas tort. Artistiquement, cette façon de filmer des affrontements communique parfaitement le chaos et la confusion qui règnent sur le champ de bataille. Le montage est saccadé et la caméra, ultra nerveuse, ce qui amplifie la sensation d’étouffement.

Le problème, c’est qu’en ne sachant pas qui risque sa vie, on se détache de l’action et on coupe le canal des émotions.

Même en plissant les yeux, en éteignant les lumières, en se collant le visage sur le téléviseur ou en reculant 14 fois une séquence, on ne distinguait rien de rien.

C’était fâchant, certes, car ce moment d’anthologie se construisait depuis tellement d’années. J’ai quand même apprécié ce troisième épisode, qui a épargné — sauf Jorah Mormont — la plupart de nos héros favoris : Tyrion et Jaime Lannister, Daenerys, Jon Snow, Brienne, Grey Worm, Ser Davos ainsi que la famille Stark au complet.

Qui n’a pas hurlé de joie quand l’impétueuse Arya a sauvé Bran des griffes du Roi de la Nuit ?

Au Québec, Game of Thrones demeure la série la plus populaire de la chaîne Super Écran. Les deux premiers épisodes de l’ultime chapitre ont été regardés par 250 000 fidèles chacun, en combinant les diffusions du dimanche et du lundi.

Il ne reste que trois épisodes à cette formidable saga fantastique, et attendez-vous à maints autres comptes rendus de la situation désastreuse qui a cours à Winterfell. En direct de Westeros, c’était Hugo Dumas, La Presse, Montréal. De retour à vous en studio !

Chiffrier du lundi

Les heures de pointe télévisuelles ont perdu beaucoup d’achalandage. À 20 h lundi, 545 000 cuisinomanes dévoraient Les chefs ! à Radio-Canada, contre 419 000 qui visitaient la caserne 51 de Chicago Fire à TVA. À 21 h, 309 000 personnes se faisaient dire Bonsoir bonsoir par Jean-Philippe Wauthier, et 396 000 autres jouaient à deviner Combien vaut cette maison ? avec Saskia Thuot. Le tricheur (841 000) a été l’émission la plus regardée du lundi soir.