Sur un plateau de télévision, le réalisateur, c'est Dieu. Ni plus ni moins. Il contrôle tout, tout, tout. Des couleurs du décor au choix des costumes, en passant par la distribution des acteurs, tout s'aligne pour que la vision du réalisateur se transpose au petit écran.

Pour comprendre les agissements de Sylvain Archambault, qui a été derrière la caméra pour Les pays d'en haut, Mensonges, Les Lavigueur et Cheval-Serpent, il faut savoir qu'il a été formé à la vieille école de la publicité, dans les années 90. Une époque (faste et révolue) où les réalisateurs se donnaient en spectacle, criaient ou fracassaient des objets pour impressionner clients et agences.

Plusieurs spécimens de cette ère « Black Label » ont heureusement disparu. D'autres, comme Sylvain Archambault, ont poursuivi leur trip de pouvoir, ainsi que leur route, à la télévision, toujours avec les mêmes méthodes douteuses qui consistent à hurler, à déstabiliser ou à humilier les comédiens pour extraire d'eux « les meilleures performances possible ».

Cette façon de diriger, qui s'inspire de tyrans hollywoodiens à la Stanley Kubrick ou Alfred Hitchcock, n'a plus sa place en 2017. 

Ce modèle discontinué de mononcle devrait être retiré de la circulation. Et ce, même si Sylvain Archambault a (presque) toujours livré des productions de qualité à Radio-Canada ou à TVA.

Parce que, oui, Archambault a effectué du beau boulot sur Mensonges et Les pays d'en haut. Mais à quel prix ? « Tout peut se faire dans le respect sur un plateau », me rappelait hier un réalisateur très connu de la génération de Sylvain Archambault, qui a 53 ans.

La réputation du bouillant Sylvain Archambault est bien connue dans le milieu de la télévision depuis plusieurs années. Il tourne ses scènes rapidement, parfois trop, respecte ses échéanciers et accomplit des miracles avec des budgets qui rétrécissent constamment. Les producteurs adorent ça. Les diffuseurs aussi.

Par contre, ses sautes d'humeur, sa propension à tourner les coins ronds, son amour de la bouteille et ses propos grossiers s'inscrivent aussi dans ce portrait moins reluisant. C'est impossible que sa productrice de longue date, Sophie Deschênes, de chez Sovimage, n'ait jamais rien entendu de déplacé à son sujet. Impossible.

On s'entend : Sylvain Archambault ne tricote pas de la dentelle très fine. Il fabrique de la télé grand public, efficace, tonitruante, peu subtile. C'est surtout sa méthode de provocation « pour reproduire la réalité » qui dépasse les bornes. Il y a des limites à rabaisser, à créer des malaises ou à écraser des gens pour qu'ils jouent plus vrai.

Depuis que la télé existe, un jeu de séduction, de contrôle et de soumission s'exerce entre le réalisateur et ses acteurs et actrices. 

Un acteur en confiance s'abandonnera totalement aux directives de son metteur en scène s'il sent un respect mutuel quand la caméra s'allume. Nul besoin que ça s'exécute dans la douleur, le dénigrement et la vulgarité.

Selon un réalisateur dans la quarantaine, qui a signé des téléséries populaires pour tous les réseaux, la technique Archambault de pousser les acteurs dans leurs derniers retranchements se pratique de moins en moins. « La réalisation a suivi l'évolution des moeurs. C'est une idée dépassée qu'il faille rappeler de mauvais souvenirs à une actrice pour qu'elle entre dans une émotion de tristesse. Il faut l'accompagner et prendre du temps avec elle », explique-t-il.

À Montréal, Sylvain Archambault, qui en impose avec sa grosse voix et sa présence très forte, est un des rares réalisateurs, sinon le seul, à aboyer ses ordres dans un micro. Tout le plateau entend donc ses remarques directes et crues, ce qui crée de l'inconfort. Imaginez maintenant ce qui s'est dit quand Sylvain Archambault guidait Francisco Randez dans la fameuse scène d'orgie de Cheval-Serpent. Ça ne s'écrit pas dans un journal familial comme celui-ci.

J'ai bien aimé les sorties publiques de Marc-André Grondin, Magalie Lépine-Blondeau et Karine Vanasse, qui ont utilisé hier leur statut privilégié pour dénoncer les comportements de Sylvain Archambault. J'aurais cependant aimé que des piliers de Cheval-Serpent, Mensonges ou Les pays d'en haut sortent aussi publiquement. Qu'on entende enfin leurs histoires en mettant un visage dessus, ce qui aurait anéanti la défense de M. Archambault, qui prétend que les témoignages recueillis par La Presse contiennent des faussetés.

Sur un plateau de télévision, le réalisateur, c'est Dieu. Il existe d'ailleurs un gag vieux comme le monde à ce sujet. Savez-vous quelle est la différence entre un réalisateur et Dieu ? Dieu, lui, ne se prend pas pour un réalisateur.