Pas évident de fêter une ville dont le sapin/coton de Noël étriqué a été la risée partout dans le monde, dont les rues barrées exaspèrent sans relâche les automobilistes (maudit trafic de $@#*& ) et dont les cônes orange se reproduisent plus rapidement que les punaises de lit.

Il fallait donc mettre son Grinch intérieur en pénitence, hier soir, et siffler deux ou trois gobelets de lait de poule pour s'extasier devant la grande émission spéciale Montréal s'allume, qui a été relayée en simultané par les quatre grandes chaînes francophones TVA, Radio-Canada, V et Télé-Québec.

Honnêtement, n'était-il pas un peu tôt dans le calendrier pour prendre toute la province en otage avec cette belle infopub touristique produite par la boîte d'Éric Salvail ?

J'habite Montréal, j'y travaille, et je ne planifie pas vraiment prendre mes vacances en mai pour assister à l'illumination du pont Jacques-Cartier. Chacun ses priorités.

Maintenant, j'ose à peine imaginer quel a été l'intérêt des téléspectateurs résidant à l'extérieur du 514 pour ces 90 minutes consacrées à la gloire d'une cité qui a déjà connu de meilleures années. Un gros bof, je présume. Le 400e anniversaire de Québec n'a pas eu droit à une vitrine télévisuelle aussi grandiose. Pourquoi ?

L'émission Montréal s'allume, qui a nécessité une colossale somme de travail, a cependant donné l'impression d'être un gros fourre-tout, sans ligne directrice claire. Quelques infos historiques, des vignettes humoristiques, de chouettes chansons nostalgiques, un mot d'encouragement du maire Coderre et Patrice Bélanger qui nous a crié des dates importantes par la tête. Le fil conducteur ne se suivait pas aisément. Il manquait une colonne vertébrale à ce spectacle.

Le sketch de départ avec Martin Matte et François Avard, super rigolo, annonçait pourtant une soirée prometteuse. Peu de temps après, lors du pot-pourri musical d'ouverture, les images filmées sur les toits d'immeubles étaient superbes avec, notamment, Coeur de Pirate, Ian Kelly, les soeurs Boulay, Marie-Michèle Desrosiers et Michel Rivard. Ç'aurait été encore plus spectaculaire si ces artistes avaient échangé leurs chansons entre eux.

La suite a été confuse et en dents de scie. Rachid Badouri en Europe, Céline Dion qui bénit quasiment des enfants chez Schwartz's et Philippe Couillard qui raconte son enfance à Outremont, tout ça était décousu.

Parmi les bons flashes, il y a eu le vox pop d'Éric Salvail à Québec et son entretien avec le maire Labeaume. Quand un des moments forts d'une émission spéciale sur Montréal se déroule à Québec, c'est qu'il y a de toute évidence une couille dans le potage.

La rencontre des joueurs du Canadien avec les jeunes hockeyeurs de ruelle était une excellente idée. Mais les gars du CH étaient-ils muets, ou quoi ? Seul David Desharnais a prononcé une phrase complète. Heureusement que Loco Locass et Youppi ! ont insufflé de la vigueur dans ce segment.

Beau chapelet de témoignages (Lara Fabian, P.K. Subban, Michel Tremblay) pendant la prestation d'Ariane Moffatt, tournée au piano dans divers endroits de Montréal. Ça, c'était joli.

Tout comme la rencontre entre Louis-Jean Cormier et Marie Mai, qui ont repris des pièces iconiques - Un peu plus haut, un peu plus loin, Hymne à la beauté du monde, Promenade sur Mars, Dance Me to the End of Love - entremêlées avec les versions originales. Sobre et touchant. Voilà le genre de télé qui marque.

Pas mal plus que le tour de ville mené par Patrice L'Ecuyer, qui devrait passer un savon aux scripteurs lui ayant refilé un aussi mauvais texte.

Je me demande encore pourquoi on a réuni Stéphane Archambault, Mariloup Wolfe et Mehdi Bousaidan pour parler de beurre d'arachides, de soutien-gorge pigeonnant et du parc Belmont. Passons.

Les passages de Jean Leloup, Colm Feore et Patrick Huard ont été fort sympas. J'aurais volontiers pris plus de Louis-José Houde et moins de Jérémy Demay, mettons. Et conclure avec Robert Charlebois qui chante Je reviendrai à Montréal ? C'était fort prévisible.

Vous me trouvez rabat-joie ? Pfft. Ça fait partie de l'ADN des Montréalais de râler. De rouspéter contre les nids-de-poule, les chantiers de construction, la corruption, les bouchons de circulation et les émissions de télévision.

Ça ne veut pas dire qu'on n'aime rien. On aime chialer, c'est déjà quelque chose, non ?