Je n'ai plus l'âge pour arborer l'oeil charbonneux façon Rihanna au Met Gala de New York. À un moment donné, il faut se l'avouer : on vieillit et on a le pore de peau pas mal plus relâché qu'à 20 ans.

Vous vous imaginez que l'univers en expansion des youtubeuses, qui vise des adolescentes en apprentissage de la ligne de crayon parfaite, m'est aussi familier qu'un cellulaire entre les mains de Jacqueline O'Hara (Marie Tifo) dans le téléroman O'.

J'ai donc fait mes devoirs, cette semaine, et j'en ai fréquenté une kyrielle qui portent des prénoms comme Emma, Cynthia et Audrey. Comme dans toute profession, il y en a d'excellentes, qui manient l'autodérision aussi bien que le pinceau à lèvres. Il y a aussi quelques Gaby Gravel qui massacrent le français à la tronçonneuse et qui servent essentiellement de support publicitaire à du maquillage de pharmacie.

Pour doper le nombre de clics ou de vues - qui fixent leur salaire -, ces youtubeuses vivent dans un monde de sollicitation constante. Abonnez-vous à ma chaîne ! Suivez-moi sur Instagram ! Faites un pouce en l'air si vous avez aimé ma vidéo ! Cliquez en haut à droite ! Ça finit par user les nerfs de personnes âgées comme moi.

Dans leurs vidéos, des youtubeuses glissent parfois, entre deux séances de confection d'un chignon tourbillon, des confessions intimes sur des sujets plus sérieux, dont l'image corporelle. Ces témoignages, francs et sans filtre, sont mille fois plus intéressants, à mon avis, que n'importe quel tutoriel pour appliquer son fond de teint sans souci.

On peut se désoler de la vacuité du contenu de plusieurs de ces chaînes. Reste que ces youtubeuses, qui ont créé leur propre emploi, souvent dans leur chambre à coucher, réussissent là où les grands médias se cassent les dents : elles atteignent la génération mobile qui gravite complètement à l'extérieur des systèmes traditionnels. Cette connexion directe est précieuse et vaut très cher.

Il n'y a rien d'étonnant à voir poindre des youtubeuses - celles qui ont de la substance, bien sûr - sur des chaînes de télé dites traditionnelles, question de rajeunir l'audience. Au Québec, le phénomène n'a pas encore décollé. Aux États-Unis, oui. Deux exemples concrets pour vous : les séries Insecure de HBO et Haters Back Off ! de Netflix.

La comédie Insecure dérive des capsules Awkward Black Girl que l'humoriste Issa Rae, 31 ans, met en ligne sur YouTube depuis 2011. Clic par clic, vue par vue, Issa Rae a gonflé son nombre de fans et capté l'attention des patrons de HBO, qui lui ont commandé une série complète, inspirée de sa propre vie. Ça joue les dimanches à 22 h 30.

Insecure, c'est une comédie hyperréaliste sur les aléas d'Issa, une jeune Afro-Américaine qui s'apprête à fêter ses 30 ans et qui bosse dans un centre communautaire de Los Angeles, où elle est la seule employée noire. Issa rêve d'un meilleur emploi, d'une relation de couple plus satisfaisante, et elle rappe devant son miroir pour se (et nous) divertir.

J'aime beaucoup Insecure, qui nous immerge dans le Los Angeles des gens normaux et non dans le bling-bling d'Hollywood. C'est dénué de clichés et c'est très touchant. Des thèmes importants (stéréotypes raciaux, féminisme) y sont abordés avec un humour intelligent qui décroche des sourires à tout coup.

Le cas de Haters Back Off !, offert en anglais et en français sur Netflix, est plus complexe. Cette comédie flyée met en vedette le personnage de Miranda Sings, qui a été inventé par la youtubeuse Colleen Ballinger, 29 ans, pour se moquer de toutes ces jeunes femmes cherchant désespérément la célébrité sur le web.

Grosse caricature, Miranda incarne à elle seule tous les clichés associés aux youtubeuses. Elle est narcissique, chiante, superficielle, convaincue d'être la meilleure, d'être la plus belle et n'a aucun recul par rapport à elle-même. Bref, c'est une personne extrêmement désagréable. Et Miranda n'est pas brillante, il faut le dire.

Regarder pendant 30 minutes un personnage peu aimable et sans talent comme Miranda s'avère insupportable. Les personnages qui l'entourent (sa mère neurasthénique, son oncle stupide) ne la rendent pas plus sympathique, malheureusement.

Une capsule de Miranda, ça va. Une demi-heure, ça tombe sur le coeur. Je ne crois pas qu'une sitcom bricolée autour de la maquilleuse Gaby Gravel (excellente Florence Longpré) de Like-moi ! fonctionnerait non plus. La bêtise, c'est comme une pince à épiler : il ne faut pas en abuser.