C'est Le coeur a ses raisons qui se prend vraiment trop au sérieux. C'est House of Cards sur le bien-être social. C'est un feuilleton-savon bas de gamme des années 80 qui a bien mal vieilli. Et c'est, je n'ai pas honte de l'écrire, irrésistible.

Le cinéaste Ricardo Trogi a d'ailleurs eu la meilleure analogie pour décrire Marseille, la dernière production vedette du service Netflix: c'est à la télévision ce que le Cheez Whiz est à la cuisine. Fromagé, gras, dégoulinant, dommageable pour la santé, mais il est impossible de s'en priver.

Marseille, un supposé thriller politique, c'est ridiculement - et involontairement - drôle, comme cette tante éloignée qui se prétend de la haute société avec son parfum bon marché et son langage perlé. La collègue Émilie Perreault du 98,5 FM est, elle aussi, devenue totalement accro à cette télésérie française que l'on dévore pour toutes les mauvaises raisons.

Ce phénomène-là, les producteurs de Marseille ne l'ont pas vu venir, eux qui croyaient sincèrement offrir l'émission prestigieuse qui allait encabaner les abonnés de Netflix pour des week-ends de gavage.

À sa mise en ligne la semaine dernière, les critiques ont déchiqueté - voire pulvérisé - cette télésérie bourrée de clichés et de stéréotypes. Un maire sortant (médiocre Gérard Depardieu) qui se poudre le nez? Coché. Un dauphin ambitieux (atroce Benoît Magimel) qui sort des répliques comme: «À part ma queue, qu'est-ce que tu veux?» Coché encore.

Un clone raté de la journaliste ambitieuse Zoe Barnes de House of Cards, mais en version campagnarde peu crédible? Triplement coché. Les musulmans? Tous des criminels de banlieue. Et un des mafieux ressemble terriblement à un jeune Barry Gibb des Bee Gees. Bonsoir la vraisemblance.

Malgré toutes les atrocités qui ont été publiées sur Marseille, la série génère actuellement un gros buzz chez les amateurs de telenovelas psychotroniques. 

On visionne Marseille en groupe pour rigoler à chacune des fois (NDLR: toutes les 30 secondes) où des personnages caricaturaux se jettent des regards torves sur fond de musique mélodramatique inutilement intense.

Fasciné par ce grand déraillement, on enfile les épisodes en hochant la tête: voyons donc, ça ne se peut pas, ils ne vont pas faire ça! Eh oui, les scénaristes nous balancent au visage, avec beaucoup de prétention, un magma de vulgarité, de sexe gratuit et d'invraisemblances gluantes.

Le seul deuxième degré contenu dans Marseille, c'est celui avec lequel les téléspectateurs engouffrent cette chose extragratinée, qui provoque malheureusement une dépendance.

Des calories moins vides

Après une surdose de sucre, rien de mieux qu'une production plus protéinée pour se remettre sur le piton (de la télécommande). Suggestion? Billions de la chaîne américaine Showtime, que Super Écran récupère mardi prochain à 20 h.

Vous reconnaîtrez immédiatement le héros de cette télésérie à saveur financière: c'est Brody de Homeland! Dans Billions, Damian Lewis campe le richissime dirigeant d'un fonds spéculatif, Bobby Axelrod, aux méthodes d'investissement douteuses. Ce n'est pas très sexy comme prémisse, un peu à la façon du film The Big Short, mais ne décrochez pas tout de suite.

Donc, Bobby «Axe» Axelrod, un mâle alpha à tendance douchebag, provient d'un milieu très modeste et sa fortune récemment acquise lui permet aujourd'hui tous les excès. Comme, par exemple, sauter dans son jet privé pour assister à un spectacle de Metallica au Centre Vidéotron. Oui, la séquence a véritablement été tournée à Québec.

Évidemment, l'extravagance de Bobby Axelrod et son amour des médias éveillent des soupçons, dont ceux de l'influent procureur Chuck Rhoades (excellent Paul Giamatti), qui le croit coupable de délits d'initié.

Billions s'articule autour de la bataille testostéronée entre ces deux coqs, enfermés chacun dans leur basse-cour.

À mes yeux, leurs épouses sont tout aussi intéressantes et auraient mérité plus de temps à l'écran. La femme du milliardaire Bobby Axelrod, jouée par Malin Akerman, est une vraie dure à cuire et ne recule devant rien pour obtenir ce qu'elle désire. Les scènes où elle en découd avec ses «amies» du club privé sont délicieuses.

Et il y a la compagne de l'avocat Chuck Rhoades, qui travaille comme psychologue industrielle pour l'entreprise de... Bobby Axelrod, l'ennemi juré de son mari. Cette psy (Maggie Siff) détient les secrets des deux camps. Comment s'en servira-t-elle?

Billions, c'est brouillon au départ et le jargon économique pourrait vous rebuter, mais ne décrochez pas. Quand la Bourse perd des plumes, ce n'est jamais le bon moment de débarquer. Ça devient toujours payant plus tard. Pareil pour Billions.