Il faut être fait fort  -  ou être sur la coke comme tous les protagonistes  -  pour visionner le pilote de la nouvelle série Vinyl de HBO sans enfoncer le bouton «avance rapide» de la télécommande.

Ça dure deux heures. Deux longues heures où le cinéaste Martin Scorsese se paie un gros vidéoclip, mais oublie, dans son «trip» de réalisation, que les téléspectateurs s'emmerdent légèrement dans leur sofa. Un autre beau cas où la forme prend le dessus sur le récit, alors que ça devrait être exactement le contraire.

C'est navrant, car ce premier épisode de Vinyl bousille de la matière exquise pour bricoler une télésérie explosive, soit la scène musicale new-yorkaise du début des années 70, au carrefour du punk, du hip-hop, du disco et du rock.

Ça se replace un peu au deuxième épisode, mais pas tant que ça. Les nombreux interludes ralentissent la progression des intrigues, comme un vieux tourne-disque réglé à la mauvaise vitesse. Et c'est frustrant. Car tout le reste étincelle dans nos salons, à commencer par l'extraordinaire bande sonore, qui puise dans les catalogues d'Otis Redding, Led Zeppelin, Karen Carpenter ou celui des Rolling Stones. Fans de bonne musique, vous allez vous régaler.

Côté histoire, ç'aurait pu être un plus gros succès que le classique sexe, drogues et rock'n'roll. Vinyl suit l'impétueux Richie Finestra (Bobby Cannavale), qui dirige une maison de disques, l'American Century Records, au bord du gouffre financier. À travers Richie et ses collègues moulés dans des pantalons à pattes d'éléphant, nous explorons toute la décadence qu'offrait l'industrie du disque en 1973: rails infinis de cocaïne, discothèques bondées, partys de 48 heures et scène underground foisonnante.

À un spectacle secret des New York Dolls, le grand Richie, gelé comme une balle, a une «épiphanie»: son label, qu'il souhaitait vendre à un groupe allemand, il le gardera et il mettra sous contrat la prochaine superstar du rock. Cette quête, assez banale, guidera Richie dans les épisodes suivants.

Vinyl ne manquait pourtant pas de bons filons à exploiter. Dans une scène très amusante du premier épisode, les chercheurs de talents d'American Century Records vomissent sur le premier extrait (Ring, Ring) d'un quatuor suédois inconnu répondant au nom étrange d'ABBA.

Plusieurs fois dans Vinyl, vous verrez apparaître un jeune Robert Plant défoncé, un Alice Cooper avec son serpent domestique ou un Andy Warhol hautain, des artistes réels qui se mêlent parfaitement aux personnages fictifs. Là-dessus, c'est très réussi.

Toute l'esthétique de cette époque a été recréée avec minutie, comme en témoignent les moustaches fournies, les chemises à grand col, les cendriers débordants de mégots et les bijoux clinquants. Le générique est carrément hallucinant.

Mais entre le mafia, un meurtre sordide et des sessions avec un artiste émergent, Vinyl s'égare en essayant de construire des ponts entre ces univers dissemblables. Ça devient confus et cacophonique.

L'épouse de Richie, la belle Devon (Olivia Wilde), amène la touche humaine de Vinyl, qui contrebalance les excès et ramène le récit sur le plancher des vaches. Devon est une artiste photographe qui a longtemps gravité dans l'entourage d'Andy Warhol. Elle aussi a longtemps fait la fête. En déménageant au Connecticut avec les deux enfants qu'elle a eus avec Richie, loin des tentations de la ville, Devon a calmé ses démons. Ceux de son mari nécessiteront cependant une attention plus soutenue.

Si vous n'êtes pas abonné à HBO Canada, sachez que Super Écran fera tourner Vinyl à partir du mardi 26 avril à 22 h. Cette série donne le goût de danser, de s'ouvrir une bière, de s'allumer une clope ou de partir sur la «go», mais pas nécessairement de rester assis devant sa télé. Dans mon palmarès personnel, ce n'est pas un signe de triomphe.

Réellement bon

Je vous ai chanté, l'automne dernier, les louanges de la délicieuse télésérie UnREAL, qui fouille dans les coulisses d'une populaire émission similaire à The Bachelor, où un prince charmant vaniteux s'amuse avec des soupirantes en goguette.

Animateur narcissique, productrices amorales assoiffées de télé croustillante et candidates manipulées: UnREAL se consomme comme un gros sac de croustilles. Cette mise en abyme est joliment cynique, crée un état de dépendance et ne situe pas très loin de ce qui se trame derrière les caméras, semble-t-il.

Radio-Canada s'est procuré la version française, rebaptisée Réellement, et a déposé les dix épisodes d'une heure dans l'Extra d'ICI Tou.tv. Depuis hier, ARTV relaie aussi deux épisodes à la queue leu leu les vendredis à 23 h. Et Réellement rejoue les dimanches et mardis soir, toujours sur ARTV. Difficile de rater cette nouveauté sulfureuse.

Maintenant, les naïfs qui croient encore que ces téléréalités à l'eau de rose ne sont pas truquées risquent de s'étouffer avec leur pop-corn sucré-salé. Bon gavage, les amis.