Libérez tout l'espace nécessaire dans votre enregistreur numérique - allez, c'est le temps d'effacer le dernier Bye bye, que vous ne (re)visionnerez pas de toute façon - pour archiver l'une des meilleures séries policières des dernières saisons, qui vous rivera à l'écran plat et qui vous obsédera pendant les huit prochaines semaines.

Sans blague, c'est du gros calibre, encore plus captivant et angoissant que Broadchurch. Cet autre bijou britannique s'appelle Disparition (The Missing, en version originale) et il a brillé samedi soir sur les ondes de Radio-Canada à 20h. Après ce premier épisode très dense, avec une révélation juteuse en prime, vous voudrez tout de suite attaquer la suite.

Disparition se dévore tout aussi bien en rafale qu'en rendez-vous hebdomadaire. La dernière option permet cependant d'apprécier davantage l'intelligence et la sensibilité de cette minisérie. En attendant la prochaine heure, on laisse l'oeuvre respirer comme un bon vin et on échafaude toutes sortes de théories par rapport à ce qui a bien pu arriver de terrible au petit Oliver Hughes, 5 ans, disparu dans le nord de la France depuis près de 10 ans.

Il s'agit d'un cas classique d'enlèvement d'enfant mais raconté avec une profondeur remarquable. Qui a donc kidnappé ou assassiné, à l'été 2006, ce gamin anglais en vacances dans le village gris souris de Châlons-du-Bois?

C'est ici que le plaisir démarre pour le téléspectateur. À peu près tous les personnages nous paraissent coupables, louches ou faussement innocents. Mais lequel détient la clé du mystère?

Conseil d'ami ici: aucun détail dans Disparition n'est anodin. Il faut être extrêmement attentif.

L'histoire bouleversante de la famille Hughes se déroule, pêle-mêle, à deux époques: 2006 et 2014. La portion de 2006 nous plonge au coeur du rapt du jeune Oliver et du torrent d'émotions qui emporte ses parents, Tony et Émily, campés de façon admirable par les acteurs James Nesbitt et Frances O'Connor (Rose dans Monsieur Selfridge).

Le segment de 2014 expose les conséquences désastreuses de ce drame non résolu sur les Hughes, qui ont fini par divorcer. Toujours aussi obsessif, le papa Tony s'accroche aux moindres détails insignifiants à propos de son fils Oli, qui aurait 13 ans aujourd'hui. La pugnacité de Tony lui permettra-t-elle d'enfin faire rouvrir l'enquête policière?

La fin du huitième épisode m'a jeté par terre. Vraiment, ce suspense psychologique mérite tous les honneurs qui l'ont enseveli cette année. Vous m'en donnerez des nouvelles.

Sainte Chantal

Même après 10 ans, la recette du bonheur de Donnez au suivant de Chantal Lacroix, alias la Mère Teresa du Québec, fonctionne toujours aussi bien.

Je me suis laissé happer cette semaine par le premier épisode de cette chaîne de bonté qui a été hébergée par TQS et TVA avant de se poser à Canal Vie. C'était crève-coeur. Impossible de rester de glace devant un récit aussi triste.

Au volant de son gros motorisé, Chantal Lacroix a rendu visite à une maman de deux jeunes enfants de Terrebonne, Julie Desjardins, âgée de 30 ans.

Il y a un an, Julie et son conjoint François Descôteaux filaient le parfait bonheur jusqu'à ce souper fatidique au resto. François s'est étouffé en mangeant, comme ça nous arrive tous parfois. Un bête accident.

Le problème, c'est que le morceau de nourriture n'a pu être délogé et François a subi un long arrêt cardio-respiratoire. Conséquence? Le père de famille est aujourd'hui lourdement handicapé, complètement prisonnier de son corps.

Julie a choisi de ne pas placer son amoureux en CHSLD et de devenir son aidante naturelle. Avec son équipe de généreux anges, Chantal Lacroix a aidé Julie à réaménager sa petite maison pour accueillir adéquatement François, qui nécessite des soins constants très particuliers.

On regarde Donnez au suivant et on se dit: mon Dieu, ça aurait pu m'arriver à moi aussi. Julie Desjardins ne peut plus travailler et doit faire vivre sa famille de quatre uniquement avec l'argent de l'assurance invalidité de François. On s'entend que ce n'est pas le gros luxe.

Ça fait du bien de voir des gens se serrer les coudes à la télévision. Ça nous enlève une couche de cynisme et ça remet en perspective nos propres problèmes.

Les parents de Julie, qui soutiennent la décision (on peut aussi parler de sacrifice) de leur fille, étaient aussi très émouvants.

À la barre de Donnez au suivant, Chantal Lacroix trouve les bons mots pour éviter que ça ne sombre dans le gros pathos. Elle sourit, encourage, désamorce, sans toutefois se bloquer de ses propres émotions. Et ça paraît que Chantal Lacroix fabrique de la télévision pour les bonnes raisons. Sa sincérité n'est pas du tout fausse. Dans le showbiz québécois, c'est une qualité qui se perd, malheureusement.