Oubliez les patois comme «viande à chien» ou «crétac»: ils ont tous été rayés des dialogues.

Oubliez les archétypes du bien et du mal ainsi que toute la propagande religieuse contenue dans les vieux épisodes des Belles histoires des pays d'en haut: tout ça a été remanié et actualisé.

Oubliez les décors en carton mince et le jeu des comédiens flirtant avec le théâtre d'été: ce remake télévisuel de l'oeuvre touffue de Claude-Henri Grignon, baptisé simplement Les pays d'en haut, se rapprochera d'un western violent et hyperréaliste à la Deadwood de la chaîne HBO.

Oubliez la petite calotte en feutre de Séraphin Poudrier: elle ne sortira pas du costumier de Radio-Canada. Et oubliez le thème musical extrait des Saisons de Glazounov qui rythmait le générique d'ouverture du téléroman culte: il ne sera pas remixé au goût du jour.

Bref, le réalisateur Sylvain Archambault (Les Lavigueur) et l'auteur Gilles Desjardins (Musée Eden), qui ont fabriqué ensemble l'excellente série policière Mensonges à AddikTV, nous offriront à l'hiver 2016 une télésérie d'époque complètement différente de ce que nous avons vu, revu et re-revu dans les 50 dernières années.

Une prédiction? Radio-Canada obtiendra un succès monstre avec Les pays d'en haut. Les reprises des Belles histoires - en couleur - attirent encore près de 250 000 fans tous les après-midi à la SRC. Imaginez maintenant le pouvoir d'attraction de matériel plus contemporain, moins édulcoré. Un peu trash, même.

Il y avait énormément de fébrilité, hier matin, lors du dévoilement de l'imposante distribution de ce projet prestigieux. Sarah-Jeanne Labrosse (Laurence dans Unité 9) reprendra le rôle de la belle Donalda Laloge, popularisé par Andrée Champagne. L'avare Séraphin Poudrier sera joué par Vincent Leclerc (Ian Hétu dans 19-2), tandis que Maxime Le Flaguais (Mathieu dans 30 vies) incarnera l'aventurier Alexis Labranche.

Parmi les autres visages connus des Pays d'en haut, vous reconnaîtrez Antoine Bertrand (le curé Labelle), Julie Le Breton (Délima), Julien Poulin (le père Laloge), Michel Charette (le père Ovide), Mario Jean (Pit Caribou), Paul Doucet (Arthur Buies), Anne-Élisabeth Bossé (Caroline), Rémi-Pierre Paquin (Bidou Laloge), Amélie Grenier (Baby Mayfair), Roc Lafortune (Jambe-de-bois) et Bobby Beshro (Grand Méo).

Et l'histoire? Le scénariste Gilles Desjardins l'a rebrassée et réécrite sans la censure de l'époque. Le premier épisode démarrera autour de 1888, près de Saint-Jérôme, et explorera tous les aspects (humain, politique et religieux) de la colonisation du Nord.

«Il y avait beaucoup de violence à cette période. Tout le monde était armé. Les hommes prenaient un coup et réglaient leurs chicanes à coups de poing. Les conditions de vie étaient très hostiles», remarque le réalisateur Sylvain Archambault.

Donalda Laloge, au début de la vingtaine, se tiendra droite et sera «une tigresse», note Sylvain Archambault. Séraphin Poudrier, dans la jeune trentaine, a été rajeuni et embelli. C'est un homme vaillant et fidèle, qui a manqué d'amour et qui se sert maintenant de son argent pour obtenir du respect. Séraphin deviendra quasiment le parrain du village. Quant à Alexis Labranche, on amplifiera son côté «mauvais garçon».

Le curé Labelle, le roi du Nord, prendra de l'importance. Sa soutane ne restera pas propre très longtemps, nous dit-on.

Conserver les expressions colorées comme «bouleau noir» n'a jamais été envisagé par les producteurs Vincent Rozon (Encore Télévision) et Sophie Deschênes (Sovimage). Ces patois, qui n'apparaissent pas dans le matériel d'origine, avaient été ajoutés au radioroman pour que les auditeurs identifient rapidement qui parle. «Ça ne nous donne absolument rien de refaire Un homme et son péché», rappelle Sylvain Archambault.

Certains personnages des Pays d'en haut, dont Alexis, blasphémeront. Le tournage des scènes extérieures s'effectuera cet été au village Canadiana de Rawdon dans la bouette et la saleté. Plusieurs colons du Nord, ne l'oublions pas, vivaient dans la pauvreté et le dénuement total. La relecture de l'auteur Gilles Desjardins évoquera également l'esprit du Far West et ses moeurs plus légères.

La grande question, maintenant: pourquoi refaire une série aussi connue, qui paraît usée au trognon? «C'est une bonne histoire, qui nous ramène au fondement de qui nous sommes en tant que francophones minoritaires. C'est une marque forte de Radio-Canada. Le remake est très contemporain et il va au-delà du triangle amoureux», répond le directeur des émissions dramatiques de Radio-Canada, André Béraud.

La BBC a récemment manufacturé un remake extraordinaire des aventures de Sherlock Holmes avec les acteurs Benedict Cumberbatch et Martin Freeman. Et on s'entend que les péripéties du détective privé, imaginé en 1887, nous ont été dépeintes de toutes les façons imaginables sur papier, à la radio, au grand écran et à la télé.

Le cas de Sherlock ressemble à celui des Pays d'en haut. On pense que tout a été dit jusqu'à ce qu'une équipe inspirée vienne nous surprendre agréablement. Les sceptiques risquent d'être confondus, je pense bien.

Les acteurs

SARAH-JEANNE LABROSSE: Donalda Laloge

«Donalda, c'est vraiment une force tranquille. Elle aura plus de caractère et plus d'aplomb. On va la voir exploser de colère. C'est une femme plus forte et moins victime. La série sera comme un thriller avec de la violence, des larmes, du sang et plein de courbes dramatiques.»

Sarah-Jeanne Labrosse a été vue récemment dans la peau de la détenue Laurence d'Unité 9 de même que dans Le chalet à Vrak.TV.

VINCENT LECLERC: Séraphin Poudrier

«Vous allez découvrir un Séraphin plus nuancé. Je vais l'aborder comme un homme rempli de bonnes intentions, à qui la vie a joué de mauvais tours. Nous allons voir ses fractures. Le style de jeu à la télévision a évolué en 50 ans. Et non, je ne parlerai pas comme Jean-Pierre Masson.»

Vincent Leclerc a incarné Ian Hétu, le messager des Tours Nord, dans 19-2.

MAXIME LE FLAGUAIS: Alexis Labranche

«Alexis est impulsif, romantique, courageux, téméraire, aventurier et hors-la-loi. Il sacre parfois, il fait le commerce d'alcool frelaté, il se choque, il se bat, il n'y a pas grand-chose qu'il ne fait pas.»

Maxime Le Flaguais a été Samuel de Champlain dans Le rêve de Champlain, Éric Lanoue dans Trauma et Mathieu Brousseau dans 30 vies.