Il fallait avoir le moral très solide pour s'enfiler, à la queue leu leu, nos téléséries québécoises préférées cette semaine. Comme si, à l'approche de la fin du calendrier régulier, nos auteurs favoris s'étaient passé le mot pour broder des intrigues plus tristes, plus dures et - n'ayons pas peur de l'écrire - plus déprimantes que jamais.

Mise en garde: cette noirceur dans les thèmes abordés n'enlève absolument rien à la qualité de ces émissions. C'est l'accumulation de lourdeur, du lundi au mercredi, qui finit par accabler le plus Jean-Marc Chaput d'entre nous.

Tenez, dans Lance et compte lundi, le pourtant jovial Marc Gagnon (Marc Messier) a renoncé à se jeter en bas des marches de l'hôpital et la famille du joueur Roma Gauthier (Sébastien Delorme) a éclaté en mille morceaux. Dans Nouvelle adresse, les adieux entre Nathalie Lapointe (Macha Grenon) et son ex-conjoint Jean-Daniel (David Boutin) ont été déchirants. «Tu vas venir à mes funérailles?», a même demandé Nathalie à Jean-Daniel, en lui faisant ses adieux officiels. Allô les larmes ici. C'était doux, mais ô combien bouleversant.

Mardi soir dans Unité 9, après la tentative de suicide de Jessica (Geneviève Schmidt) au couteau de cuisine, au tour de Shandy (Catherine-Anne Toupin) d'avouer qu'elle songe à se tuer tous les jours, matin, midi et soir. Dans O', les funérailles de Kathleen O'Hara (Maxim Roy) ont sûrement soutiré des sanglots même aux coeurs de pierre les plus incassables. Ce fut une scène crève-coeur. Marie Tifo et Guy Nadon ont été superbes.

Dans 19-2, Bérangère Hamelin (Véronique Beaudet) a vu une gaffe commise lors d'une soirée olé olé lui sauter au visage. L'adolescente de Marcel Gendron (Jean Petitclerc) est morte d'une surdose, Nick Berrof (Réal Bossé) s'enfonce davantage avec la mafia bulgare, sans oublier la vidéo horrible du sergent pédophile (Sylvain Marcel) et la tête coupée dans la glacière que l'on revoit en boucle. J'avais quasiment le goût de faire un câlin collectif (et virtuel) aux policiers du poste 19 après cet épisode gris foncé.

Et vous, comment se porte votre état d'esprit après cette enfilade de tragédies? On s'entend, une série dramatique sans drame, ça s'appelle une comédie. Ou c'est ennuyeux comme une publicité de baignoire avec une portière.

Tout est dans le dosage. Qu'est-ce que cette accumulation d'histoires difficiles à la télévision révèle sur nous en tant que société? Que nous sommes un peuple dépressif? Le coloré Vincent Guzzo répondrait peut-être que la télé imite présentement le cinéma québécois d'auteur cafardeux et braillard. Je ne pense pas.

Quand je vois autant de personnages en arracher à propos d'une maladie incurable ou du suicide d'un de leurs amis, ça me fait réaliser que, finalement, ma vie est pas mal moins compliquée que je ne le croyais. Cette abondance de récits douloureux permet également de relativiser bien des tracas mineurs, je trouve. Et si notre télé se permet de gratter autant de bobos en même temps, c'est aussi qu'on vit dans un coin de pays où les vrais bobos (guerres, famines, etc.) se font plutôt rares.

Heureusement que dans ce grand spleen télévisuel hivernal, il y a Au secours de Béatrice, l'émission réconfortante de la semaine, qui fait le même effet qu'une grosse doudou passée cinq minutes à la sécheuse. Traitez-moi de mononcle (ou de quétaine?) si ça vous chante, peu importe, ça réchauffe le coeur de visionner ce téléroman les mercredis à 20h sur les ondes de TVA.

C'est lumineux, autant dans le propos que dans le traitement visuel. Et il se dégage une profonde humanité de cette série imaginée par l'auteure Francine Tougas.

Bien sûr, ce n'est pas toujours jojo ou rigolo à l'hôpital Saint-Hippolyte. La différence, c'est qu'on détecte tout de suite l'affection qui unit les personnages. Il y a eu une succession de scènes tristes dans le dernier épisode, mais toujours enveloppées d'espoir. Ce n'est jamais totalement noir dans Au secours de Béatrice.

Les échanges très bien construits entre Béatrice (Sophie Lorain) et son psy (Gabriel Arcand) apportent parfois des réponses à des questions que l'on se pose nous-mêmes, dans notre vraie vie.

J'aime la relation d'entraide entre Béatrice (Sophie Lorain) et le petit Zachary (excellent Lévi Doré) ou celle, un peu comme deux soeurs, entre Béa la grosse et Ginette (Linda Sorgini) la vieille. Ces capsules de complicité apportent beaucoup de charme aux épisodes.

J'aime la bienveillance de l'infirmière en chef Lucie (Marie Turgeon) et le cynisme affectueux de l'infirmier Jean-Gilbert (Stéphan Allard). J'aime quand les personnages ont des failles juste assez profondes pour que l'on puisse les réchapper.

Tous les mercredis, Au secours de Béatrice prouve qu'il n'est pas nécessaire de sombrer dans le gore ou dans le cucul extrême pour bricoler de la bonne télévision et captiver les téléspectateurs. Un peu d'humour et de tendresse, voilà la posologie idéale pour soulager nos petites épreuves du quotidien.