Jolie surprise que cette nouvelle comédie La théorie du K.O., que Radio-Canada enverra dans le ring mercredi à 21h30, tout de suite après Les pêcheurs, de Martin Petit. C'est drôle, attendrissant et très charmant. Vraiment.

Malgré ce que montrent les bandes-annonces depuis quelques semaines déjà, cette production très rigolote ne dépeint pas l'univers de la lutte semi-professionnelle qui se pratique dans les sous-sols d'église un peu partout au Québec. Ce sport-spectacle sert plutôt de prétexte pour pénétrer dans le quotidien d'une jeune famille «ordinaire», les Hébert, qui vient d'encaisser une savate extrêmement violente: la mort de la maman Chantal (jouée par Julie Deslauriers).

Le papa, Carl (Rémi-Pierre Paquin), veuf depuis moins d'un an, est encore sonné, tout comme ses deux enfants, Jaimie, une ado hypersexualisée dont le copain conduit une voiture remontée, ainsi que Jonathan, 9 ans, surdoué passionné d'antimatière et de science-fiction.

Ah oui, il y a aussi le grand-père, Carol, campé par Michel Côté, qui habite dans un vieux bateau en cale sèche dans l'entrée de la maison de son fils. Et où débarque la lutte là-dedans? J'y arrive.

Carl Hébert (Paquin), un homme plutôt mou et soumis, s'emmerde royalement à son travail de commis dans un bureau beige et déprimant. Un soir que le grand-père les traîne tous à un match de lutte, le maître de cérémonie galvanise la foule: y aurait-il un volontaire dans la salle pour se mesurer au très musclé Sugar Chris (Alexandre Goyette)?

Pour défier son père et - surtout - pour impressionner son fils, Carl Hébert se faufile entre les cordes et saute dans l'arène. Un gros déclic se produit. Pour la première fois de sa vie, Carl se sent puissant et invincible. Le promoteur, Guy (Gildor Roy), lui propose alors de se joindre à sa troupe. Ça tombe bien, Carl a besoin d'argent. Quelques soirs par mois, il enfilera donc le justaucorps et le masque du lutteur Vengeance Hébert.

Contrairement aux clans dépeints dans Nouvelle adresse, O' et Au secours de Béatrice, les Hébert font partie de la classe moyenne qui redoute les fins de mois. Leur maison de la Rive-Sud est un bordel perpétuel. Les armoires datent certainement des années 80 et les meubles ont passablement de vécu, mettons.

Et vous savez quoi? Ça fait du bien de sortir des environnements design et épurés pour entrer chez des gens plus «normaux».

La théorie du K.O. valse avec beaucoup d'aisance d'une scène burlesque à un moment plus touchant. Cet équilibre entre le comique et le dramatique, très difficile à doser, se maintient dans les trois premiers épisodes, que j'ai vus hier. Les textes sont signés par Martin Forget, qui a écrit pour 19-2, Pure Laine et Km/h. Derrière la caméra, Stéphane Lapointe (Tout sur moi) rend l'oeuvre encore plus attrayante et rock'n'roll, notamment par l'utilisation astucieuse d'arrêts sur image et de ralentis. Vous verrez bien.

La théorie du K.O. signale aussi le retour à la télévision de Michel Côté, vu la dernière fois il y a 15 ans dans Omertà à Radio-Canada et dans Si la tendance se maintient à TVA. Son personnage de grand-père bourru au coeur tendre lui va comme un gant. Cet homme seul et orgueilleux, qui gagne sa croûte comme gardien de sécurité, a raté sa carrière de militaire. Il craint aujourd'hui une invasion d'Al-Qaïda et empile les conserves au sous-sol comme un vrai survivaliste.

Même s'il est beaucoup question de deuil, La théorie du K.O. traite surtout de relations père-fils, étalées sur trois générations. Et malgré la prémisse très triste, on rit beaucoup pendant les émissions. La mère apparaît souvent à son mari pour lui prodiguer des conseils - même quand il se glisse sous la couette avec une autre.

Gildor Roy joue un promoteur très convaincant, sorte d'Yvon Michel des pauvres. Alexandre Goyette, alias le blondinet Sugar Chris, brille sous les projecteurs, mais il n'est pas nécessairement le couteau le plus aiguisé du tiroir.

Une bien belle découverte que cette Théorie du K.O., produite par Denise Robert (Les invasions barbares) et Guillaume Lespérance (Ces gars-là). Décidément, on va finir par manquer de temps pour déguster toutes ces bonnes séries d'automne.