Si je vous dis que la grande voyageuse des publicités de Trivago s'appelle Emma Leth, qu'elle vit à Copenhague (oh! mon Dieu, la Scandinavie, trop branché!), qu'elle a fêté ses 24 ans cet été (elle n'est pas mineure?), qu'elle gagne sa vie comme mannequin et qu'elle travaille aussi comme DJ, actrice et blogueuse, la trouvez-vous moins insupportable?

Probablement pas. Le minois d'Emma, si joli soit-il, a tellement tapissé tous les postes de télé cet été que les téléspectateurs l'ont pris en grippe. Plus capable de voir cette jeune femme ultrasouriante se tortiller dans les draps blancs de sa super chambre d'hôtel à Venise. Même les gens de l'industrie de la pub en ont soupé de Trivago. Pour vous montrer à quel point c'était exagéré comme exposition publicitaire.

«Trivago? Je ne suis plus capable de l'entendre. On a atteint un point de saturation où cette publicité n'est plus efficace du tout. La fréquence est épouvantable, et le message ne passe plus. On est juste irrité», note le vice-président médias de l'agence Marketel, Alain Tardy.

Dans le jargon publicitaire, le matraquage que nous avons subi dans les derniers mois s'appelle une «campagne de tonnage». Détails? Un client comme Trivago achète le plus d'espace de publicité possible, sur toutes les chaînes disponibles, à toute heure de la journée, afin de propager la même maudite réclame. Résultat: impossible ne pas attraper Mme Trivago en zappant mollement, les pieds sur la table à café. C'est quasiment une prise d'otages.

Il s'agit, en fait, d'une vieille technique de marketing qui n'est pratiquement plus déployée de nos jours. «On se tanne plus vite d'un message qui nous tombe sur les nerfs», constate le chef de la direction de l'agence Touché! , Alain Desormiers. Selon lui, 27% du volume publicitaire de Trivago a inondé les ondes de Radio-Canada, 14% a atterri chez V et environ 10% s'est glissé chez Canal D, Canal Vie et Télé-Québec.

Prononcez Trivago dans votre entourage et vous obtiendrez une variante de cette réaction épidermique, avec des sacres en extra: au secours! «Trivago est allé en force, jusqu'à nous écoeurer. Si les Fromages d'ici ou St-Hubert avaient utilisé la même approche, la réaction aurait été différente. Ce sont des annonceurs réguliers dans le paysage québécois. Trivago, c'est un peu comme le chien dans un jeu de quilles. Il y a un côté intrusif très désagréable. Et le procédé employé semble préhistorique, comme si Trivago ne respectait pas le téléspectateur», explique la vice-présidente de la planification stratégique chez Cossette, Florence Girod.

Ce violent placement de publicité a été exécuté par Kingstar Media, une petite agence établie à Toronto. Cette entreprise s'occupe aussi d'acheter de la visibilité pour des produits essentiels à notre bonheur tels l'épilateur No! No! ou le désormais célèbre Slap Chop. Les patrons de Kingstar Media n'ont pas voulu commenter l'élaboration de ce blitzkrieg publicitaire.

Même mutisme chez Trivago: l'entreprise, établie en Allemagne mais rachetée à 60% par le géant américain Expedia, ne discute pas publiquement de ses stratégies commerciales, m'a répondu la porte-parole pour le Canada.

L'agence de mannequins qui représente Emma Leth - la voyageuse vénitienne enthousiaste - n'avait pas été mise au parfum du brouhaha suscité par leur cliente au Québec. «Je ne comprends pas. Je ne trouve pas cette pub inappropriée. C'est super joli et très bien produit. La même pub a joué en Europe, et les commentaires ont été positifs», affirme Jesper Thomsen, directeur de l'agence Unique Models, établie à Copenhague.

Le problème, c'est qu'avec ces incalculables répétitions, Trivago s'est incrustée dans tous nos cerveaux. Trivago a donc remporté son pari, non? Pas nécessairement. «Cette campagne a eu beaucoup d'impact immédiat, mais pas nécessairement positif ou efficace», remarque Alain Tardy, de l'agence Marketel.

Nos amis du Canada anglais et des États-Unis ont aussi été happés par la vague Trivago. Mais eux ont eu droit à un personnage moins agressant: le Trivago Guy, joué par un acteur de série D, Tim Williams, 47 ans. Avec sa chemise fripée, sa barbe mal rasée et son look de lendemain de veille, le Trivago Guy - qui ne porte pas de ceinture, scandale! - a suscité une avalanche d'analyses dans des médias très sérieux, propulsant la société Trivago parmi les plus gros joueurs de son industrie comme Priceline et TripAdvisor.

En terminant, si vous désirez prolonger l'expérience Trivago à la maison, vous n'avez qu'à télécharger la pièce Never de la formation All The Luck in the World, qui sert de trame sonore à Mme Trivago. Ça m'étonnerait que les ventes explosent ce week-end. Plus capable d'entendre ces petits accords tristounets de guitare.

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