Le samedi est la soirée de télé la moins achalandée de la semaine et les émissions qui galvanisent les réseaux sociaux se comptent sur les deux doigts d'une seule main.

Télé-Québec a frappé un bon coup samedi soir en présentant son SNL Québec, une adaptation réussie de la mythique émission à sketches américaine Saturday Night Live du réseau NBC. Cela a vraiment fait beaucoup de bien de voir autant de nouveaux visages dans nos téléviseurs. Des recrues - tout de même expérimentées en humour - qui ont relevé ce défi télévisuel ultra stressant de rompre la glace en direct.

Sur le plan de la forme, le SNL Québec est identique à celui des Américains: générique d'ouverture tourné dans les rues de la ville, le même saxophone plaqué sur les images des comédiens maison qui trinquaient (au Furco?), les photos d'artistes avant et après les pauses publicitaires, de même que la structure de l'émission. Tout est conforme au devis original.

L'excellent monologue d'ouverture de Louis-José Houde s'est inscrit dans la pure tradition du SNL de NBC: baveux et bourré d'autodérision. Le facteur wow aurait grimpé d'un cran avec une apparition-surprise, que j'ai espérée en vain pendant les 90 minutes de ce premier SNL Québec. Peut-être pour une prochaine fois?

Après son stand-up, Louis-José Houde a été plus discret dans les saynètes, sans doute pour permettre à la jeune troupe de briller sans que la vedette de l'humour québécois n'occupe tout l'espace. Disons-le: Houde est bien meilleur derrière un micro qu'avec une perruque sur la tête. À l'opposé, Stéphane Rousseau, qui pilotera l'édition du 22 mars, a toujours été plus à l'aise à construire des personnages loufoques et à enfiler des costumes excentriques. Chacun son style.

La fausse infopub du «voirque», ce voile-perruque pour musulmanes, a été un des sketches les plus rigolos de l'émission et a démontré tout le potentiel comique de Léane Labrèche-Dor, qui a visiblement hérité du sens du punch de son célèbre paternel, Marc Labrèche. Adoré aussi la présence de Virginie Fortin (fille de Bernard Fortin), dont la critique de théâtre d'Outremont, Diane Hodges, a été délicieusement pincée. «J'ai mal à mon Tchekov!», s'est exclamée cette dame guindée qui reviendra sûrement dans les prochaines éditions.

Léane Labrèche-Dor et Virginie Fortin sont des actrices au jeu plus physique et plus explosif, tandis que la troisième jeune femme de l'équipe, Katherine Levac (la rousse qui a personnifié la drolatique Paidge Beaulieu), se révèle dans la retenue. Deux approches très différentes, tout aussi efficaces.

Chez les hommes, Pier-Luc Funk (vu dans Tactik) a fait une des meilleures imitations d'Éric Salvail au Québec. D'ailleurs, la séquence de mise en abyme des Enfants de la télé, de La télé sur le divan, de C'est juste de la TV et de Fidèles au poste a été savoureuse. La Véronique de Virginie Fortin a été excellente.

Phil Roy occupe le créneau de Chris Farley avec un type d'humour très américain parfaitement taillé pour SNL. Quant à Mathieu Quesnel, son personnage de formateur à l'académie de police a été son meilleur coup de la soirée dans une scène qui s'est cependant étirée inutilement.

Pourtant, un segment phare sur NBC, le Weekend Update (rebaptisé Les nouvelles SNL) a été le moment le plus faible des 90 minutes du SNL Québec. Le chef d'antenne Mathieu Quesnel paraissait nerveux (ça se comprend) et n'a pas réussi à adopter le bon rythme pour mitrailler ses blagues.

Il aurait peut-être fallu lui faire lire ce faux bulletin assis (comme aux États-Unis) plutôt que debout. Le langage corporel de Mathieu Quesnel traduisait un certain inconfort. C'est cruel pour cet humoriste, j'en suis conscient, car on compare son travail à des vétérans comme Seth Meyers, Jimmy Fallon, Amy Poehler et Tina Fey.

Deux sketches de SNL Québec ont été directement repiqués de la version originale de NBC, soit celui de la boisson énergisante pour copains d'actrices, ainsi que celui des deux animateurs de radio régionale gourmande multipliant les sous-entendus sur les boules de leur invitée. Aux États-Unis, les deux animatrices de NPR (Molly Shannon et Ana Gasteyer) recevaient Alec Baldwin pour qu'il leur vante les mérites de ses «balles».

Le quiz Méninge à trois n'a pas été emprunté comme tel aux Américains, mais les jeux télévisés demeurent toujours des classiques, semaine après semaine, à SNL.

Un peu honteusement, j'admets ne pas avoir reconnu tout de suite la voix d'Yvon Deschamps, qui a joué aux annonceurs officiels pour ce premier SNL Québec. Quelle excellente façon de passer le flambeau entre le défunt Samedi de rire de Radio-Canada, inspiré à l'époque de Saturday Night Live, et cette nouvelle mouture qui, on l'espère, se poursuivra longtemps.