La séparation de Julie Snyder et Pierre Karl Péladeau, un des couples les plus puissants de l'univers médiatique québécois, place les journalistes dans une position très inconfortable.

Ceux de Québecor n'osent pas effleurer ce sujet délicat, et ça se comprend aisément. Ceux des entreprises concurrentes, comme votre scribe préféré ici, ne veulent pas non plus exploiter de façon mesquine les déboires matrimoniaux de Julie et Pierre Karl, surtout en raison des deux jeunes enfants du couple impliqués dans cette rupture.

Pourtant, au-delà du potinage, ce «divorce» pourrait changer la dynamique guerrière qui régente présentement les grands empires télévisuels du Québec. En fait, c'est surtout la situation de Julie Snyder qui risque de bouger.

Restera-t-elle aussi fidèle à TVA et à Québecor, qu'elle a toujours défendus avec une ferveur quasi religieuse, maintenant qu'elle ne partage plus la vie de l'ex-grand patron de cette puissante machine? L'entreprise de la démone blonde, Productions J, pourrait-elle maintenant vendre des émissions à la SRC, ce qui aurait été impensable l'an dernier? Encore plus surprenant: serait-il envisageable que Julie Snyder retourne animer à la télé publique, comme au temps de L'enfer, c'est nous autres?

Rien n'est impossible. À Radio-Canada, la grande patronne du secteur télé, Louise Lantagne, m'a récemment confié qu'elle achèterait demain matin un bon projet piloté par Julie Snyder si l'occasion se présentait. Ouverture intéressante.

À l'inverse, il serait très étonnant, voire ridicule, que TVA veuille mettre à la porte Julie Snyder, à moins que les rapports entre les deux ex-conjoints s'enveniment encore plus et prennent une tournure vindicative. Car cette séparation (ils ne sont pas mariés) entre deux personnes reconnues pour leur fort caractère est loin de se faire à l'amiable, selon plusieurs sources.

L'animatrice et productrice rapporte beaucoup à TVA. Sa boîte Productions J fabrique les plus grands succès d'écoute de la chaîne privée, dont La voix et Occupation double. Comme TVA a connu un automne moins costaud que d'habitude dans les sondages BBM, il n'a pas les moyens de se départir de ces émissions canon.

Et il ne faut surtout pas oublier la carte «Céline Dion» dans ce rééquilibre des forces. Un enjeu majeur. C'est Julie Snyder qui a obtenu, en bûchant fort, les accès privilégiés à Céline Dion, une des plus grandes stars de la chanson pop adulte. C'est Julie Snyder qui a produit et réalisé avec Stéphane Laporte les derniers DVD de la diva comme Céline Dion Live à Las Vegas: A New Day, Céline autour du monde ou Céline sur les Plaines. L'influente animatrice Oprah Winfrey a même acheté à Julie Snyder une version retouchée de Céline: Three Boys and a New Show.

C'est également Julie Snyder qui assemble toutes les émissions spéciales sur Céline à TVA, dont Le banquier de Céline, Céline Dion... Sans attendre ou Des nouvelles de Céline. Des événements télévisuels bien ficelés qui cartonnent à tout coup.

TVA peut difficilement espérer garder Céline Dion à son antenne en écartant Julie Snyder. De plus, René Angélil, un homme extrêmement loyal dans ses relations d'affaires, a une confiance absolue en Julie et en Stéphane Laporte, qu'il encense régulièrement. L'imprésario ne les exclura certainement pas du giron de sa célèbre épouse.

Julie Snyder existait dans le paysage télévisuel bien avant sa rencontre avec Pierre Karl Péladeau en 2000 et gère elle-même ses affaires depuis l'époque du Poing J, en 1997. Elle déteste que l'on écrive cela, mais oui, l'union de Julie avec PKP a amplifié son influence au sein de la galaxie de Québecor Média. À l'hiver 2003, le modèle convergent si cher à Pierre Karl Péladeau a été parfaitement implanté grâce à Star Académie, téléréalité produite et animée par Julie Snyder.

À l'autre bout de la lorgnette, la présence de Julie Snyder aux côtés de Pierre Karl Péladeau a réchauffé l'image publique froide et cassante de l'homme d'affaires. Grâce à Julie Snyder, PKP s'est immergé dans la culture populaire d'ici, qui nourrit aujourd'hui toutes les divisions de Québecor Média.

À court terme, la dissolution du couple Péladeau-Snyder ne devrait pas trop désaligner les planètes médiatiques. Les mauvaises langues sifflent que Julie Snyder risque d'en mener moins large dans les corridors de TVA au courant des prochains mois. Sans doute.

À l'inverse, Julie Snyder n'a plus l'obligation maritale de crécher à vie chez TVA. Avant la séparation, il aurait été inimaginable que la «femme du grand boss» déménage ses activités professionnelles sur un autre réseau, surtout avec la bataille sans pitié que livrait Pierre Karl Péladeau à Radio-Canada. Plus maintenant.

En même temps, Julie Snyder pourrait difficilement se passer de TVA pour faire rouler son entreprise. Cette association professionnelle est quasiment condamnée à durer. Julie a besoin de TVA comme TVA a besoin de Julie.

Le chiffrier de la télé

Il y avait foule devant les téléviseurs dimanche soir. Tout le monde en parle a repris les ondes de Radio-Canada avec une cote d'écoute très respectable: 1 384 000 curieux. À TVA, La voix poursuit sa domination et n'a que très légèrement fléchi avec ses 2 633 000 fidèles au poste. LOL a intéressé 1 515 000 téléspectateurs et Vlog en a attiré 1 107 000. Jeudi soir, le Prière de ne pas envoyer de fleurs avec Louis Morissette a franchi le million (1 129 000).