J'ai peur. Peur que les téléspectateurs, de plus en plus rapides sur la zapette, décrochent de la nouveauté Série noire de Radio-Canada après les deux premiers épisodes, dont le rythme gagnerait à être joliment accéléré.

Car, oui, c'est beaucoup trop long avant que les deux protagonistes de cette comédie dramatique très flyée s'enfoncent le bras dans le tordeur et qu'ils se foutent dans le pétrin. C'est la faiblesse majeure de cette série de genre, qui risque de lui nuire dans la bataille des cotes d'écoute contre Les jeunes loups à TVA.

Il reste que Série noire, une création du talentueux duo qui a imaginé Les invincibles (Jean-François Rivard et François Létourneau), recèle un potentiel fou. Guy Nadon, dans la peau d'un comédien de série B vulgaire, y est formidable. Anne-Élisabeth Bossé, qui joue une prostituée à la langue bien pendue, crève le petit écran. Et plusieurs répliques sont exquises.

Mais ne sautons pas d'étapes. Série noire, qui décolle le lundi 13 janvier à 21h sur les ondes de la SRC, raconte le parcours rocambolesque de deux scénaristes de télévision complètement désabusés, Patrick Bouchard (Vincent-Guillaume Otis) et Denis Rondeau (François Létourneau), deux gars dans la fin trentaine. Leur première oeuvre, le feuilleton juridico-policier La loi de la justice, a été déchiquetée - avec raison - par les critiques de télé. C'était pourri, grotesque et invraisemblable. Bref, un ratage total.

Aventure douloureuse

Contre toute attente, et un peu comme le décrivait Tonino Benacquista dans son roman Saga, les cotes d'écoute de La loi de la justice grimpent de semaine en semaine et le diffuseur commande aux auteurs une deuxième saison.

Ni Patrick ni Denis, qui ont développé une codépendance malsaine, ne souhaitent replonger dans cette aventure douloureuse jusqu'à ce que Denis ait une épiphanie. Pour rendre crédible La loi de la justice 2, les deux créateurs devront eux-mêmes expérimenter avec le système judiciaire ce que Denis appelle «une expérience de scénarisation sans précédent».

Après beaucoup trop de tataouinage (on accélère, s'il vous plaît), Denis convainc finalement Patrick de la pertinence de son idée et c'est ici que Série noire excelle.

Les deux scénaristes se rendent aux putes avec le comédien principal de La loi de la justice (truculent Guy Nadon) et tentent par tous les moyens de se faire coffrer par la police.

Une fois aspirés dans l'univers criminel, Denis et Patrick trouveront l'inspiration, bien sûr, mais auront toutes les misères du monde à s'extirper du monde interlope.

Danger

On détecte dans Série noire plusieurs thèmes chers aux auteurs des Invincibles dont l'amitié masculine, l'adulescence et la remise en question brutale. Si vous avez aimé Les invincibles, vous risquez de flancher pour cette proposition à la fois audacieuse et originale.

D'ailleurs, le personnage du scénariste Denis, incarné par François Létourneau, ressemble énormément à son P-A des Invincibles, égocentrique et immature.

Comme dans Les invincibles, la vie amoureuse des protagonistes de Série noire est tout sauf un fleuve tranquille. Celle de Denis, en couple depuis 11 ans avec Judith (Édith Cochrane), manque de piment. Celle de Patrick a été détruite par les deux ans d'écriture de La loi de la justice.

Le danger avec un canevas comme celui de Série noire? Qu'il n'intéresse qu'une poignée d'initiés et qu'il se referme sur lui-même. En comparaison, le thème central des Invincibles était, au départ, plus universel et accessible.

Gonzo

Après les deux premiers épisodes, le réalisateur et coauteur de Série noire, Jean-François Rivard, assure que le volet «coulisses de la télévision» s'éclipsera au profit des péripéties rocambolesques de Denis et Patrick, deux récents adeptes du «gonzo» comme l'a été l'écrivain et journaliste Hunter S. Thompson dans les années 70.

Série noire est une des rares émissions à être tournées en janvier et qui montrent l'hiver tel qu'il est: dur, long et froid. J'adore. Ça change de toutes les séries d'été qui défilent dans nos téléviseurs alors qu'il fait 25 degrés au-dessous de zéro à l'extérieur.

Le personnage de la productrice peu raffinée de La loi de la justice, campée par l'excellente Louise Bombardier, est savoureux. Les dialogues sont également délicieux et la narration est assurée par le grand Bernard Derome.

Et le ton de l'émission? Il oscille habilement entre la comédie intelligente et le film noir. C'est comme regarder un croisement entre L.A. Confidential et 30 Rock, finalement.

Vous voyez? Les gars des Invincibles ont réuni les ingrédients d'une bonne télésérie. Faudra maintenant patienter un peu avant que Série noire nous dévoile tous ses charmes. On s'en reparle plus tard dans la saison.

TVA Sports et RDS, ça cogne!

Autre défection de RDS après celle de Michel Bergeron. Le journaliste sportif et animateur Félix Séguin, 33 ans, a été recruté lundi par TVA Sports afin d'en devenir la voix officielle du hockey. Employé de RDS depuis neuf ans, il deviendra le descripteur officiel des parties du Canadien de Montréal que présentera TVA Sports l'automne prochain.

Peu de temps avant Noël, Michel «le Tigre» Bergeron avait aussi annoncé qu'il quittait RDS pour TVA Sports. Ça brasse dans les coins de patinoire, mettons.