Les formules toutes faites rebondissent sur les murs du Palais des festivals de Cannes depuis lundi: projet transmédia, télévision 4K, intégration du téléspectateur à la conversation, déclinaison sous forme de jeu ou expérimentation multiplateforme.

Tout ça est bien joli et excite énormément les concepteurs web. Mais le contenu des émissions, leur qualité, leur pertinence ou leur originalité, pourquoi à peu près personne n'en a discuté cette semaine? Car vous avez beau avoir les plus beaux joujoux technos à votre disposition, si l'émission qui s'y rattache est nulle à chier, personne n'ira «prolonger son expérience sur un site connexe».

C'est probablement un des plus grands défauts du MIPTV, qui a pris fin hier: comme il s'agit d'une immense foire commerciale, les intervenants n'y parlent que de bizness, pour paraphraser les Cannois, et ignorent complètement l'aspect créatif de la télévision.

Pour reprendre une image assez grossière, le MIPTV, c'est un gros marché aux puces avec des kiosques cordés les uns sur les autres à perte de vue. Plantés derrière leurs petits comptoirs futuristes, les représentants (tous habillés chic) se décarcassent pour vendre leurs émissions dans le plus grand nombre de pays possible. Il y a même des tables de speed dating où de grosses affaires se brassent.

Une de mes grandes déceptions de ce 50e MIPTV a été la classe de maître donnée par Gideon Raff, 39 ans, le créateur de la série israélienne Hatufim, qui a été refaite aux États-Unis sous le titre de Homeland. Avec une émission aussi géniale et captivante, on aurait pu croire que son grand manitou le serait tout autant. Erreur.

Dans le grand auditorium, il a égrené un chapelet de banalités: la popularité de Homeland a dépassé nos attentes, le sujet était délicat, bla, bla, bla. Passons. Gideon Raff planche sur une nouvelle série pour le réseau FX intitulée Tyrant et dont le pilote sera réalisé par nul autre qu'Ang Lee (Life of Pi). L'histoire? Celle d'une famille américaine qui déménage au Moyen-Orient.

Parlant de trucs rasoir, j'ai quasiment cogné des clous pendant la conférence de Tim Kring, créateur des émissions Crossing Jordan et Heroes, qui a gazé la foule avec ses gogosses de transmédia publicitaire. Vite, un cinquième café.

Observations en vrac

Peu de nouveaux formats novateurs ont émergé de ce MIPTV. On reste dans les classiques avec des variations sur les émissions de chant, de plongeon de stars ou de danse. Le titre Everybody Dance Now, qui s'apparente à Du talent à revendre, a été poussé très fort.

Tout se déroule en anglais au MIPTV. Les allocutions, les dépliants, les programmes et les affiches: on se croirait à Londres, mais avec des palmiers qui nous rappellent le climat plus doux.

La plupart des recherches le démontrent: la consommation de télévision augmente. De 60 à 80% - les chiffres varient - des téléspectateurs s'adonneraient au multitâche sur un deuxième écran tout en suivant leurs émissions préférées. Point positif pour les publicitaires: les gens qui tweetent ont beaucoup moins tendance à zapper pendant les pauses.

C'est vrai. Quand on a la tête penchée au-dessus d'un iPad, il nous faudrait une troisième main pour changer de poste.

Le DVD est solidement en déclin. Quant à la télé connectée sur le web, elle peine à trouver des acheteurs.

Finalement, les otakus, les nerds et les geeks ont la cote chez les «marketeux» qui tentent de faire mousser des émissions plus nichées, plus confidentielles. En effet, cette clientèle est une des plus bruyantes sur le web: quand ces gens aiment quelque chose, ils en parlent sur tous les réseaux existants (et ceux pas encore inventés). La bonne nouvelle risque ainsi de sortir de l'underground et de remonter à la surface.

En même temps, cette stratégie peut avoir l'effet contraire. Si l'otaku n'aime pas, il grattera le bobo jusqu'au sang, relevant le moindre petit détail qui cloche. Ça passe ou ça casse, donc. Mais quand ça passe, c'est l'amour inconditionnel. Suffit de fréquenter le Comic-Con de San Diego pour constater l'ardeur de ces légions de fanboys.