On ne parle pas d'un simple placement de produit (Nick Berrof conduit une Kia!) ou d'une quelconque commandite (les cosmétiques Annabelle dans La voix). Ce qui fait frétiller les grands réseaux de télévision au MIPTV, c'est le contenu fabriqué, emballé et livré directement par les annonceurs, sans même passer par un producteur indépendant.

Un exemple? En Angleterre, l'agence de publicité Ogilvy a récemment concocté une vaste campagne multiplateforme - qui excluait volontairement la télévision traditionnelle - pour le lancement d'un nouveau VUS de Ford, le S-Max. La cible: Henri, jeune père de famille de 32 ans, qui mène une vie trépidante et qui refuse de devenir mononcle.

Ogilvy a recruté deux surfeurs professionnels et leur a fait faire le tour des plages du pays au volant d'un Ford S-Max, évidemment. Filmés de façon hyper professionnelle, leurs exploits étaient mis en ligne quotidiennement et les clics sur le site web ont littéralement explosé.

Surprise par cette popularité fulgurante, Ogilvy est allée frapper à la porte de la chaîne Channel 4 avec son matériel: ça vous dirait d'acheter à bas prix une émission de surf? Oui, vraiment. Trois épisodes de 30 minutes de The Endless Winter ont ensuite été diffusés par Channel 4 comme s'il s'agissait d'une émission «normale», alors que presque tout avait été financé par Ford.

La ligne éditoriale définissant l'infopub se brouille de plus en plus. C'est un truc qui, personnellement, m'inquiète, mais ça ne s'améliorera pas. Car ce «contenu commandité» est efficace et coûte beaucoup moins cher qu'une campagne de pub traditionnelle. «Les ventes de Ford S-Max ont grimpé de 11% après toute l'opération», indique Cody Hogarth de l'agence Ogilvy.

Chez Channel 4, les patrons se frottaient aussi les mains. «Ça rejoignait des téléspectateurs que nous voulions avoir. C'était sexy, pas cher et c'était de très grande qualité», poursuit Robert Ramsey, patron de la chaîne.

Chez nous, on voit de plus en plus ce type d'intégration, comme le détaillant de meubles Léon et le défunt quiz Remise à neuf sur les ondes de V. L'opération de contenu commandité la plus efficace a été - et de loin - le Red Bull Stratos, en octobre dernier. Au MIPTV, le parachutiste autrichien Felix Baumgartner, qui a franchi le mur du son en chute libre, a d'ailleurs été le conférencier le plus applaudi et sifflé de tous les ateliers auxquels j'ai assisté. Comme s'il venait de créer Les Soprano ou The Wire. Très étrange comme réaction de foule.

Red Bull a refusé de chiffrer son opération marketing Stratos, qui a été minutieusement préparée pendant cinq ans. Les retombées ont été spectaculaires: le saut de Felix a été vu par 65 millions de personnes, a généré 9 millions de tweets, a été retransmis en direct par 65 chaînes de télévision et a fait la une de 989 journaux. Une visibilité qui donne des ailes, c'est le cas de le dire.

Bombardé de toutes ces statistiques vertigineuses, Felix Baumgartner a haussé timidement les épaules: «Moi, ce qui m'a impressionné là-haut, c'est le ciel. Je n'avais jamais vu de ciel noir de ma vie», a-t-il dit devant un parterre de gens qui buvaient ses paroles comme s'il s'agissait de Red Bull.

Pensons aux consommateurs

Je vous résume rapidement quelques conférences du MIPTV qui ont abordé les questions de la télévision connectée sur le web et des services internet comme Netflix.

Oui, les téléspectateurs veulent diversifier leurs sources d'approvisionnement en émissions, mais dès que l'opération se complique, ils abandonnent tout, au moindre petit écueil.

Par exemple, la moitié des abonnés à un service de câble ne se serviront jamais de l'application mobile de leur fournisseur (comme, par exemple, illico sur iPad) parce qu'ils ne connaissent tout simplement pas le mot de passe pour la démarrer, rapporte Gene Liebel de la firme Huge, qui a conçu l'application mobile du réseauHBO.

Encore aujourd'hui, les télécommandes, dont celles des appareils reliés à l'internet, ont beaucoup trop de boutons et personne n'arrive à les maîtriser parfaitement, ont constaté les experts. Dès qu'il y a un grand nombre de branchements à faire ou de fils à démêler, le consommateur se rebiffe.

Dans le secteur techno, les publicitaires parlent alors de WAF: le woman acceptance factor. Moins un gadget a de pitons, plus il a de chances d'être adopté par un grand nombre de consommateurs, dont les femmes.

Uniquement en entendant les expressions «Netflix» et «connexion avec l'ordinateur pour regarder House of Cards», certains téléphages ont des attaques de panique et n'y souscrivent pas. Pourtant, c'est peut-être là que se trouve l'avenir du petit écran.

«Il y a un manque important de contenus de très grande qualité sur internet. Les annonceurs voudraient s'y associer et seraient prêts à payer le gros prix, mais il n'y en a pas assez», constate Ryan Jamboretz, cadre chez Videology, une agence de pub internationale qui cible les contenus numériques.