C'était pourtant bien parti. Après la première candidate qui a été victime d'intimidation en raison de son surplus de poids, la production de La voix a mis la pédale douce sur les drames humains ayant affligé ses aspirants chanteurs.

Honnêtement, ça faisait du bien, car la semaine dernière avait été inutilement chargée de passé difficile, de dépendance au jeu et d'attaque de chien.

Puis, la jeune Valérie Carpentier, 19 ans, qui a fait une interprétation très mature de Cry Me A River, a admis qu'elle «n'était très pas belle» dans sa jeunesse et qu'elle avait même arrêté de se peigner. Le mélo a repris ses droits. Nous avons ensuite eu droit à une enfance dans la pauvreté, à un virus qui paralysé la moitié du visage d'une quinquagénaire, à une soeur jumelle morte subitement dans la vingtaine, à une mère décédée trop jeune et à une autre maman atteinte d'un cancer.

Bien sûr, plusieurs grands artistes ont transformé en petits bijoux de chansons des épreuves qui les ont fait souffrir atrocement. Mais ce processus s'est fait sur plusieurs années et s'est inscrit dans un contexte de création. À La voix, une vie de misère se résume en un court clip de 15 secondes, comme ceux qui ont été jetés aux téléspectateurs de TVA hier soir. Bing, bang, merci bonsoir.

Du genre: bonjour, je m'appelle Hugo Dumas, je viens de Montréal, j'ai été écrasé par un éléphant du zoo de Granby quand j'avais 7 ans et là, je vais vous chanter Paquetville d'Edith Butler.

C'est très malhabile de réduire ainsi un chanteur aux drames qu'il a traversés. Parce que cette étiquette de «traumatisé» le suivra pendant très longtemps. C'est qui lui, déjà? Bien voyons, tu ne t'en souviens pas, c'est celui qui a avalé une poignée de billes quand il jouait dans la cour d'école. C'est à peine une caricature.

De toute façon, ce besoin de tirer les larmes à tout prix, expédié en moins d'une minute, n'est pas du tout nécessaire à notre adhésion à La voix. Prenez la participante d'hier Nathalie Carbonneau, 42 ans. Cette gardienne de prison n'a jamais joué la carte de la pitié. Elle a plutôt fait une Janis Joplin d'elle-même en revisitant de très belle façon Me and Bobby McGee. Et vous savez quoi? C'est sans doute elle qui a été la plus attachante de toute la soirée. Nous avons été des milliers à l'aimer tout de suite, comme ça, parce qu'elle a de la soul dans la voix. N'est-ce pas le but de cette téléréalité, miser sur la voix et uniquement la voix?

En filigrane, on a compris que la vie de cette Nathalie Carbonneau n'a pas dû être facile. Mais on le découvrira plus tard. Pas besoin de nous «garrocher» son passé au visage tout de suite.

Encore hier soir, la diversité des styles musicaux présentés a été impressionnante. Il y a eu de l'opéra, de la soul, du rock québécois, du Elvis Presley, des classiques du jazz, du Coeur de Pirate, de la comédie musicale, du Ed Sheeran, du Bernard Adamus, du Sinéad O'Connor et un participant a même joué de la batterie sur Provocante de Marjo. J'aime beaucoup ce large éventail, qui nous sort des ritournelles souvent similaires qui tournaient à Star Académie.

Du côté des juges, Jean-Pierre Ferland s'est enfin réveillé (quelqu'un l'a-t-il fouetté en coulisse?) et a décidé d'embarquer dans le jeu. Il était temps. Charles Lafortune devrait cependant mieux expliquer les règles du concours pour la majorité des téléspectateurs qui ne suivent pas The Voice sur NBC. Que se passera-t-il après la formation des quatre équipes de 14 chanteurs? Qui se battra contre qui? Comment sera déterminé le grand gagnant? Et quel prix sera offert au vainqueur? On veut le savoir.

Un des bons moments de l'émission d'hier s'est déroulé à la toute fin quand le choriste de Jean-Pierre Ferland, Jean-Sébastien Lavoie, s'est pointé sur scène. Il s'agit du même Jean-Sébastien Lavoie, un ancien réceptionniste au Journal de Montréal, qui avait terminé troisième au concours français À la recherche de la nouvelle star, en 2003. C'était touchant de voir M. Ferland braquer les projecteurs sur celui qui chante toujours derrière lui.

J'aime toujours autant Ariane Moffatt pour son authenticité et Marie-Mai pour sa fougue. Marc Dupré a prouvé hier qu'il serait un coach redoutable, volant même des candidats sous le nez de Marie-Mai.

J'ai par contre trouvé étrange que personne ne se retourne pour Julie Lefebvre, 25 ans, ancienne participante de Phenomia, une téléréalité diffusée à VRAK.TV en 2003. Le fait qu'elle court tous les concours, dont Star Académie, lui aurait-il nui? Elle aurait eu sa place à La voix, je trouve.