De la masturbation de groupe dans une prison pour femmes ou des échanges amoureux entre cousins germains dans O', la télé québécoise a fait éclater pas mal tous les tabous. Ou presque. Il en reste cependant un, long et mince, qui flotte dans un brouillard fumeux: la cigarette.

Dans les années 70 et 80, les téléromans jaunis empestaient quasiment le tabac dans nos salons tellement les acteurs y grillaient clope sur clope. Plus de 30 ans plus tard, les personnages de fiction qui boucanent au petit écran ne courent plus les rues. De mémoire, comme ça, il y a le policier Nick Berrof (Réal Bossé) dans 19-2, le Dr David Roche (Christian Bégin) dans Trauma, la rebelle Gloria O'Hara (Geneviève Boivin-Roussy) dans O' et Sébastien (Olivier Barrette), le fils de Marie Lamontagne dans

Unité 9.

Les moeurs ont changé, l'information sur le cancer s'est -heureusement- propagée. Aujourd'hui, se geler au pot ou sniffer de la coke dans une télésérie suscite beaucoup moins de grogne et d'opprobre que de tirer une touche sur une Player's King Size. J'exclus ici les émissions d'époque comme Les rescapés, où la cigarette était quasiment, dans ces années-là, une extension naturelle du bras au même titre que les cellulaires, en 2012.

Le débat sur la cigarette à la télé risque cependant de se rallumer avec le projet de comédie grinçante Smoke de Fabienne Larouche et Michel Trudeau de chez Aetios, qui a été soumis à la chaîne V. Un pilote de 30 minutes, réalisé par François Bouvier (30 vies, Prozac), a même été tourné avec Jean-Michel Anctil, Pascale Montpetit et Camille Felton.

Smoke est une comédie à sketches dans l'esprit d'Un gars, une fille et des Parent. On y suit trois personnages, tous de gros fumeurs, incapables de se débarrasser de leur vice. Il y a Geneviève (Pascale Montpetit), la mère de famille parano qui sort constamment fumer sur le balcon, Stéphane (Jean-Michel Anctil) le fataliste, qui s'en allume une même en chemise d'hôpital, ainsi que Sandrine (Camille Felton), l'adolescente incomprise.

Dans Smoke, au ton doux-amer, la caméra ne suit les personnages que lorsqu'ils fument, isolés de leurs camarades aux poumons roses. Fabienne Larouche et Michel Trudeau, tous deux non-fumeurs, veulent y dépeindre, quasiment sous forme de monologue, la relation que chacun d'entre eux entretient avec la cigarette.

Ultimement, si V donne le feu vert à Smoke, Fabienne Larouche et Michel Trudeau veulent inclure d'autres auteurs dans leur projet, qui se transformera «en trip de gang». Luc Dionne a déjà exprimé le souhait de mettre des mots dans la bouche du personnage de l'écrivain.

Personnellement, que ça fume dans Unité 9, Smoke ou Trauma ne me donne pas du tout le goût de courir au Couche-Tard m'acheter un paquet de Craven A. Tout ça, c'est de la fiction et la cigarette, dans la majorité des cas, fait partie de la composition du personnage.

En fait, la seule série qui rendait presque glamour et cool cet acte prohibé était Sex and the City, où Carrie Bradshaw ne sortait jamais - dans les premières saisons, en tout cas - sans ses Malboro Light.

Il faut être prudent avec la cigarette à la télé: la bannir complètement serait travestir la réalité, tandis que la glorifier serait dangereux. Le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS) prône, de son côté, un «usage responsable et raisonnable» du tabac sur les écrans. Environ 44% des jeunes fumeurs canadiens de 15 à 19 ans se seraient initiés à la nicotine en regardant un film ou une émission de télévision. Au Québec, 17% des ados âgés de 15 à 19 ans seraient accros au tabac. D'où l'importance de ne pas banaliser ce geste.

En même temps, il faut éviter de trop charrier. Mad Men sans fumée manquerait cruellement de couleur. Et voir Diane Jules entourée d'un nuage bleuté, dans son rôle de voyante de La galère, vous a-t-il incité à vous précipiter sous la hotte, clope au bec? J'en doute. La madame ne respirait pas la santé, mettons. La couleur de son teint, jaune nicotine, ressemblait drôlement à celle du bout des doigts des amis de Benson et Hedges.

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Je lévite

Avec vous, chers lecteurs.

Merci d'être aussi nombreux à m'écrire, à poser des questions, à suggérer des coups de coeur ou à me chicaner quand je dépasse les bornes. Tous ces courriels sont très précieux. Je vous souhaite un Noël rempli de bonheur, de santé et d'amour.

Je l'évite

L'instant gagnant, encore, sur V

Jeudi, la télé-tirelire de V a de nouveau été sanctionnée par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, notamment pour son manque de transparence et sa méthodologie discutable. Pour 2013, on souhaite que cette cochonnerie télévisuelle débarrasse les ondes au plus sacrant (bon, ça y est, ma zénitude est partie au vent).