Mindy Kaling, créatrice et actrice vedette de The Mindy Project sur Fox, n'entre pas dans des vêtements de taille zéro comme la majorité de ses camarades de plateau. Lena Dunham, créatrice et actrice vedette de la série Girls de HBO, a aussi un corps qui ne correspond pas aux standards d'anorexie en vigueur à Hollywood.

Ni maigres ni obèses, Mindy Kaling et Lena Dunham, qui écrivent elles-mêmes les scénarios de leurs émissions respectives, se moquent régulièrement de leur poids. Et non, elles ne sont pas obsédées par le nombre de calories contenues dans un «venti frappuccino au caramel anglais». À leur façon, elles mettent de l'avant de nouveaux critères de beauté, ceux de la femme dite «normale».

Les jeunes Mindy et Lena, comme l'a souligné récemment le Wall Street Journal, s'inscrivent dans cette vague d'artistes non filiformes qui accumulent les succès sur les différents écrans. Pensez à Christina Hendricks de Mad Men, où elle joue la séduisante Joan. Pensez à Kat Dennings, qui incarne la pulpeuse Max dans 2 Broke Girls. Pensez aussi à la formidable Melissa McCarthy, vedette de la sitcom Mike & Molly, mais aussi mise en nomination à la dernière soirée des Oscars pour son jeu hilarant dans le film Bridesmaids.

La télé et le cinéma s'ouvrent à des corps différents, qui répondent moins aux normes du showbiz, mais plus aux normes de la vraie vie. Avant, c'était tout ou rien. Soit les actrices maigrissaient dangereusement comme Calista Flockhart dans Ally McBeal, soit elles héritaient toujours du rôle secondaire de la meilleure amie obèse. Maintenant, l'entre-deux est possible. Un peu plus, du moins.

Car même au Québec, la minceur reste importante pour les actrices. «Tout le monde essaie de se conformer. Il y a sept ou huit ans, c'était l'obsession. Aujourd'hui, c'est un peu moins pire», constate la directrice de casting Lucie Robitaille, qui a distribué les rôles d'Unité 9, 30 vies et Incendies, entre autres.

Nathalie Boutrie, qui a donné les rôles dans 19-2, Apparences, Trauma et Tu m'aimes-tu?, note une certaine hypocrisie dans le milieu. «Oui, il existe une sorte de mouvement jemassume.com. En public ou dans un bar avec des copines, ces femmes disent accepter pleinement leurs rondeurs. Mais dans leur chambre à coucher, elles pleurent en petite boule. Les filles font presque toutes attention à leur poids. Si elles sont heureuses avec leurs rondeurs, tant mieux pour elles. Mais on dirait que je n'y crois pas», soutient Nathalie Boutrie.

C'est très délicat de parler du poids des actrices à la télévision. Tina Fey, une des comiques les plus brillantes de sa génération, a admis avoir perdu 30 livres avant de passer de scriptrice à comédienne dans l'émission à sketches Saturday Night Live. La pression n'est peut-être pas directe, mais elle existe.

Dans un essai, la fameuse Mindy Kaling a révélé qu'elle portait du 8. «Je ne suis pas mince comme une mannequin, ni supergrosse. Je tombe dans la catégorie des femmes américaines normales, celles que les stylistes détestent», a-t-elle écrit.

La taille 8, pfff, y'a rien là, êtes-vous en train de rouspéter. C'est vrai. Sauf qu'une taille 8 quand on est entouré d'actrices affamées qui flottent dans du zéro, ça attire les comparaisons, qu'on le veuille ou non.

Chez nous, le poids n'entre - heureusement - que très rarement dans les critères d'embauche pour un film ou une série télé. «C'est le talent qui prévaut. Par exemple, si le rôle est écrit pour une grande blonde aux yeux bleus et que l'on tombe amoureux d'une brunette un peu grassouillette aux cheveux courts, eh bien, le personnage va changer. Nous allons prendre la meilleure en audition», assure la directrice de casting Nathalie Boutrie.

Exemple? Dernièrement, un «beau personnage» à venir dans Unité 9, celui d'une gardienne de prison, exigeait que l'actrice soit très imposante physiquement. Lucie Robitaille a mis du temps à trouver la perle rare. Finalement, le rôle a été confié à Debbie Lynch-White, une actrice qui mesure près de 6 pieds et pèse 195 livres, selon son CV. «Toute une pièce de femme», constate Lucie Robitaille.

Ce personnage d'Unité 9, qui avait été imaginé pour une actrice noire, a été retravaillé pour mieux correspondre à Debbie Lynch-White, une blonde aux yeux clairs.

À l'inverse, si le rôle à combler est celui d'une pitoune, «ce ne sera pas une actrice grosse qui l'obtiendra», enchaîne Nathalie Boutrie. Cruelle réalité, n'est-ce pas?

Oui, vraiment. «Ni maigre ni obèse» reste un concept rempli de bonnes intentions sur papier. Dans la réalité, il y aura toujours deux poids, deux mesures pour les actrices à la télévision et au cinéma.