Le téléroman a longtemps été associé à des scènes de cuisine quétaines, à des intrigues se déployant trop lentement ou à des conversations banales autour «d'un bon café filtre» dans un décor étriqué digne d'une production de théâtre d'une polyvalente en région.

O' à TVA et Unité 9 de Radio-Canada, deux produits de qualité supérieure qui s'affrontent malheureusement les mardis à 20h, n'ont plus rien à voir avec ces stéréotypes des années 90. D'ailleurs, je parierais gros que plusieurs d'entre vous, qui suivez religieusement Unité 9, ne saviez même pas qu'il s'agit d'un téléroman, selon la définition classique du terme.

Car un téléroman, comme Unité 9 ou O', commande des budgets deux fois moins costauds qu'une série lourde telle Trauma ou Lance et compte. Et le téléroman s'étale de septembre à mars-avril, tandis que les séries dites lourdes (19-2, Le gentleman) comptent généralement de 10 à 13 épisodes et ne durent qu'une demi-année. Alors, pour répondre à une question fréquemment posée par les lecteurs: oui, O' et Unité 9 se poursuivront après les Fêtes.

D'ailleurs, c'est étonnant le nombre de personnes qui m'avouent cet automne craquer pour les détenues d'Unité 9 ou pour les bourgeois d'O'. Des gens qui, en temps normal, consomment très peu ou pas du tout de télévision québécoise, encore moins des téléromans. Vous savez, ces collègues (légèrement condescendants) qui se vantent de ne pas posséder de téléviseur de peur que cet appareil du diable ne lobotomise leurs enfants? Oui, ces snobs-là, précisément. Eh bien, ils font comme nous tous les mardis: ils frissonnent avec Guylaine Tremblay, Céline Bonnier, Micheline Lanctôt et Suzanne Clément.

Ça ne paraît pas à l'écran, mais toutes les scènes à l'intérieur de la prison d'Unité 9 sont tournées dans des décors très réalistes construits au troisième sous-sol de Radio-Canada. O' adopte une stratégie différente: tout est enregistré dans des lieux qui existent déjà. Le siège social d'Agua est en fait une ancienne banque sise à l'angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Timothée, dans le village gai. Samuel et Jacqueline O'Hara vivent au manoir MacDougall, dans le nord-ouest de Montréal, la même maison qu'habitent les filles de La galère à Radio-Canada.

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«La télé a besoin de se renouveler», constate la productrice du téléroman O', Sophie Deschênes, de Sovimage. L'auteure Danielle Trottier, qui a imaginé Unité 9, y voit une mouvance globale. «Les grandes séries que vous suivez, nous aussi, nous les regardons. Les producteurs aussi. Les réalisateurs aussi. Les comédiens aussi», glisse-t-elle.

Conséquence: le téléroman québécois de 2012 se conçoit avec une approche très cinématographique et brouille dangereusement les frontières avec la série dramatique, souvent perçue comme plus prestigieuse ou plus noble.

Autant dans O' que dans Unité 9, les intrigues sont touffues, contemporaines et complexes. «Nous évitons la redite et la redondance pour que l'action aille plus vite. Nous avons aussi été un des premiers téléromans à inclure des «précédemment dans O'», comme dans les séries dramatiques. Et on limite le nombre de décors, de personnages et de figurants», souligne Sophie Deschênes de Sovimage.

Si Unité 9 plaît autant, c'est que l'histoire est basée sur les émotions et le ressenti, croit Danielle Trottier. «Jeanne (superbe Ève Landry) nous fait vivre l'injustice et provoque la fureur, Marie (Guylaine Tremblay) attire la sympathie, Shandy (Suzanne Clément) nous fait rire et Michèle (Catherine Proulx-Lemay) nous touche», indique la scénariste.

Danielle Trottier nous prévient: la tension continuera de grimper à la prison de Lietteville. «J'ai commencé doucement. Avec les cinq ans de travail de préparation, j'ai beaucoup de matière dans les poches. En cinq épisodes, aucun coup n'a été donné. La violence est psychologique», explique-t-elle.

La séquence de la fouille complète de l'unité 9 et du confinement au trou de Guylaine Tremblay a été déchirante et chargée. L'histoire d'Agathe (Mariloup Wolfe) surprendra également. «Il ne faut pas juger quelqu'un sur un seul geste qu'il a posé», prévient Danielle Trottier. L'agression sur le père de Marie est plus compliquée qu'elle ne le laisse paraître. D'ici la fin de la saison, le téléspectateur comprendra tous les enjeux de cette tentative de meurtre.

Du côté d'O', que je vous suggère fortement d'ajouter à votre horaire, Charles O'Hara (Stéphane Demers) poursuivra sa descente aux enfers. «Les gens heureux n'ont pas d'histoire», rappelle Sophie Deschênes.

Gloria (excellente Geneviève Boivin-Roussy) nous énervera toujours autant. On aurait le goût de la secouer et d'effacer son sourire baveux. «Elle va beaucoup changer», prévient Sophie Deschênes.

Et Jacqueline (Marie Tifo)? «Elle fera un choix de vie rapidement: être un tapis ou se prendre en main», suggère Sophie Deschênes.

Gageons que c'est la deuxième option qui l'emportera. Car chez les bourgeois O'Hara, la vie est loin d'être un fleuve tranquille.