Il a été le candidat négligé de cette troisième saison des Chefs, celui qui s'est faufilé discrètement, sans bruit de casserole, jusqu'au grand prix de 50 000$.

Après 11 semaines de duels relevés et de décapitation d'anguilles, c'est en effet Dominic Jacques, 31 ans, qui a eu le dessus sur Hakim Chajar, 30 ans, à la grande finale de cette téléréalité culinaire, diffusée hier soir sur les ondes de Radio-Canada. Comme l'a remarqué le juge Normand Laprise, personne ne l'a vu venir.

Comme Guillaume St-Pierre l'an dernier et Guillaume Cantin en 2010, Dominic Jacques est le troisième candidat originaire de Québec à rafler les honneurs en autant d'années aux Chefs. Et comme les deux Guillaume, Dominic a aussi travaillé (il y bosse encore comme chef de jour) dans les cuisines du Panache de l'auberge Saint-Antoine, dans le Vieux-Québec.

Avant de s'inscrire, Dominic a eu peur que cette filiation avec le Panache lui nuise. «J'avais peur d'être jugé plus sévèrement. Mais mon maître à moi, mon mentor, c'est Yvan Lebrun, de L'Initiale. Il m'a tout appris. Sans lui, je n'aurais jamais eu la confiance que j'ai aujourd'hui et je ne me serais sans doute pas inscrit aux Chefs», précise Dominic, papa depuis deux semaines du petit Loïc, son premier enfant.

La finale d'hier a été palpitante et relevée jusqu'à la toute fin, où la sauce s'est malheureusement gâtée. Pourquoi les trois juges n'ont-ils pas critiqué et analysé les repas des deux finalistes pour que le téléspectateur comprenne bien la décision d'en couronner un au détriment de l'autre? Nous avons été plusieurs à rester sur notre faim.

L'attitude des candidats dans l'atelier a-t-elle compté pour beaucoup dans la victoire de Dominic? Chose certaine, Hakim ne s'est pas fait énormément d'amis hier soir. Dans les premières minutes, il a imposé à sa petite brigade un style militaire à la Gordon Ramsay qui tranchait nettement avec la douceur dont il avait fait preuve pendant la compétition.

De son côté, Dominic a privilégié une approche plus collégiale, collaborative, à la manière d'un médecin qui enseigne à ses résidents. Bref, complètement à l'opposé d'Hakim le dictateur.

Y a-t-il une façon de diriger ses employés qui vaut plus de points que l'autre? Jean-Luc Boulay a dit hier qu'il avait appris à travailler en cuisine avec la rigueur à «l'européenne» qu'a démontrée Hakim. Et dans les moments de stress intense, les grands chefs sont rarement doux comme des agneaux aux fourneaux.

«Moi, j'ai une approche humaine avec les gens. J'ai appris à la dure et je n'ai pas aimé ça. Les cuisines avec des tyrans, c'est terminé. Ça ne sert à rien. L'important, c'est de donner le goût aux jeunes de revenir travailler», a précisé Dominic Jacques dans une entrevue accordée hier soir après le dévoilement des résultats.

Dominic croyait que Hakim triompherait en raison de son parcours étincelant. «Hakim a eu une saison incroyable. Il a gagné cinq fois. Moi, j'étais plus low profile», a-t-il dit.

Pour la grande finale, Dominic et Hakim ont cuisiné (en sept heures) un repas gastronomique de 3 services pour 50 convives. Autre nouveauté: ils ont dû guider leur propre brigade de trois personnes dans la préparation de ce souper.

Choisir un vainqueur a été «très difficile», a déclaré Normand Laprise pendant l'émission. Les juges ont nettement préféré l'entrée de maquereau de Dominic, tandis que l'agneau d'Hakim - même s'il manquait la sauce dans 12 assiettes - lui a procuré plus de points. C'est ici qu'on aurait aimé obtenir plus d'explications de MM. Vari, Boulay et Laprise, comme ils l'avaient si bien fait dans tous les épisodes précédents. Dommage.

Avec son prix en argent, Dominic compte «faire de petits placements et se payer de petits plaisirs de la vie».

Selon moi, Émilie a été tout aussi bonne et constante que Dominic et Hakim cette saison. Alors, pourquoi n'a-t-elle pas été repêchée pour la finale? Parce qu'elle est moins «technicienne» que ses collègues masculins et qu'elle cuisine, disons, plus par instinct?

Dans ma chronique de samedi, j'ai déploré l'élimination d'Émilie et posé la question suivante: la téléréalité de Radio-Canada est-elle devenue un boys club?

Vous avez été nombreux à réagir. La plupart des lectrices se sont rangées de mon côté, tandis que les lecteurs m'ont accusé d'encourager la discrimination positive. Une précision, ici. Bien sûr que non, on ne fait pas gagner une femme parce que c'est une femme. Ce serait ridicule.

Mais Émilie méritait sa place en finale. La cuisine, ce n'est pas que de la technique. Il faut également y mettre de la passion, de la fougue et de la créativité. Le problème, c'est que la passion, ça ne se mesure pas en millilitres et ça ne se pèse pas en grammes, hélas!