Il n'y aura pas de Mirador 3 à la télé ni de Mirador au cinéma. Car, contrairement à leur personnage de Philippe Racine (Patrick Labbé), qui a sacrifié son bonheur personnel afin de s'accrocher au pouvoir, les auteurs Daniel Thibault et Isabelle Pelletier viennent, eux, de renoncer à leur série télé afin de dorloter leur vie de famille.

En théorie, Daniel Thibault et Isabelle Pelletier, qui forment un couple dans la vraie vie, devaient remettre les textes des 10 épisodes de Mirador 3 en février, pour une diffusion l'automne prochain. L'écriture était bien enclenchée, mais un des quatre enfants des Thibault-Pelletier, Gabriel, 18 ans, a été gravement malade, début octobre, et le rythme de production de Mirador a été lourdement handicapé.

Gabriel, un grand gaillard de 6'1, a été frappé par le purpura rhumatoïde, aussi appelé maladie de Henoch-Schönlein, qui l'a cloué à l'hôpital pendant une semaine et demie. Sa convalescence se poursuit toujours à la maison. Cette maladie inflammatoire des vaisseaux sanguins affecte généralement les enfants en bas âge et elle est extrêmement rare chez les adultes. Et pour compliquer le portrait, Gabriel est aussi hémophile.

«Gabriel était enflé, il avait des douleurs arthritiques et une inflammation des intestins. Et il fallait aussi s'occuper de nos trois autres enfants», détaille Daniel Thibault.

Même avec une diffusion de Mirador 3 repoussée à l'hiver 2012, les deux scénaristes n'auraient pas pu livrer un produit aussi peaufiné et fouillé qu'ils l'auraient souhaité. «Ç'a été une décision douloureuse. Même avec un coauteur, ça ne nous aurait pas fait sauver de temps. C'est très difficile de greffer un autre scénariste à une série déjà en cours», remarque Daniel Thibault.

Les trois comédiens principaux de Mirador, soit Patrick Labbé, Gilles Renaud et David La Haye, ont été avisés mardi soir de la fermeture définitive de l'agence de relations publiques, une annonce qui coïncidait avec la présentation du dernier épisode sur les ondes de la SRC. Les autres membres de l'équipe l'ont appris hier matin de la bouche de leurs agents.

Le producteur de Mirador, Jocelyn Deschênes de Sphère Média, insiste: la fin de Mirador n'a rien à voir avec ses cotes d'écoute tournant autour de 728 000 téléspectateurs, en comparaison avec le million récolté par la première saison.

«Écrire Mirador, c'est complexe, ça demande beaucoup de recherche et il faut être très précis. Daniel et Isabelle ont toujours voulu écrire ça seuls. Mais on ne peut malheureusement pas se permettre d'avoir une série en ondes aux deux ou aux trois ans. Ça devient alors très difficile de fidéliser l'auditoire. Les Américains ne sautent pas un an. Ils reviennent toutes les saisons», explique Jocelyn Deschênes.

Ils ne l'affirment peut-être pas ouvertement, mais on sent que les patrons de la SRC auraient été preneurs pour Mirador 3 «si les auteurs avaient été capables de livrer à temps». Daniel Thibault et Isabelle Pelletier ont accumulé beaucoup de retard dans la production de Mirador 2 et Radio-Canada les a attendus. Le tandem aurait-il épuisé son capital de patience radio-canadien?

«On trouve que ça finit en beauté. C'est mieux de finir on top que de se battre contre des circonstances sur lesquelles nous n'avons pas de contrôle», note le directeur des séries dramatiques de Radio-Canada, André Béraud.

Au Québec, la culture d'auteur de télévision est très individuelle. Les Isabelle Langlois, Richard Blaimert, Anne Boyer, Michel d'Astous ou Renée-Claude Brazeau écrivent, règle générale, leurs textes en solo. Par contre, Bernard Dansereau et Annie Piérard signent avec un collectif leur excellente série Toute la vérité à TVA, un peu à la façon des Américains.

Hier après-midi, l'état-major de la tour est sorti publiquement pour commenter la fin abrupte de Mirador, une situation plutôt exceptionnelle. Leurs explications telles qu'«on était rendus à la fin de cet univers-là» ou «on ne voulait pas étirer la sauce» ne m'ont pas convaincu. Comment alors expliquer la présence d'émissions qui ont, depuis bien longtemps, fait 26 fois le tour du jardin comme Belle-Baie?

C'est dommage que Mirador, dont il restait encore du jus à tirer, quitte l'antenne de cette façon. Après une première année en dents de scie, la télésérie avait enfin adopté un rythme plus efficace et trouvé un ton dramatique beaucoup plus juste. L'ajout du personnage de Michèle Barry (Nathalie Coupal) avait catapulté les intrigues à un niveau supérieur. Hélas, tout ça se termine en queue de poisson. Chose certaine, on reverra très certainement Gilles Renaud et Nathalie Coupal aux Gémeaux. On le leur souhaite très fort.