Pas étonnant que les animateurs et animatrices de Call-TV multiplient les niaiseries et coups d'éclat pour attirer l'attention en ondes. C'est inscrit noir sur blanc dans leur contrat de plus de 20 pages: si le serveur n'enregistre pas un minimum de 1000 appels pendant les deux heures qu'ils pilotent cette infopub sur V, le producteur fronce les sourcils. Après deux quotas non respectés, houlala, c'est une «faute grave» pouvant mener au congédiement.

Voilà pourquoi les Maryse Boisvert, Amélie Paul et Tristan Bavaria enguirlandent (faussement) le producteur Adrien, qu'ils démolissent le décor ou qu'ils jettent furieusement des liasses de billets verts dans les airs. Tout ça pour que le téléphone sonne en studio. Tout ça pour le spectacle. Pour ces solliciteurs de nuit (à 1 $ l'appel ou le texto), c'est une question de survie. Le quota que la production leur impose équivaut - en moyenne - à huit appels la minute, selon le contrat standard de Call-TV que La Presse a obtenu d'une taupe bien fouineuse. Un contrat rédigé dans un français atroce, soit dit en passant.

Un animateur de Call-TV, infopub que V diffuse tous les soirs de 23 h 30 à 1 h 30, empoche 500 $ pour une soirée de travail de deux heures. Le «télévendeur» fournit lui-même ses vêtements et ne touche aucune allocation pour se les acheter. Pour modifier la couleur de ses cheveux, sa coupe et même son poids (?), le présentateur doit obtenir une autorisation écrite de la part de son patron. «Cinq cents dollars pour deux heures, c'est quand même bien payé», chuchote une source bien branchée, qui commence dans le métier. Pour un débutant qui n'a jamais parlé à la caméra, oui, ça représente effectivement beaucoup d'argent.

Mais pour un professionnel qui possède un minimum d'expérience, c'est très peu. «C'est du cheap labor. C'est clair que ça ne respecte pas les normes de l'Union des artistes (UdA). Normalement, un animateur qui commence et qui anime très tôt le matin peut demander de 800 $ à 1000 $ pour deux heures. Et il faut qu'il ait un minimum d'émissions garanti», note l'agent d'artistes Maxime Vanasse, qui représente des animateurs comme France Beaudoin, Christian Bégin et France Castel.

Par exemple, un acteur qui enregistre des voix hors champ pour des chaînes d'Astral, comme Séries + et Canal Vie, engrange, au minimum, 300 $ l'heure. Selon Raymond Legault, président de l'Union des artistes (UdA), le prix plancher pour une animation de deux heures à la télévision québécoise oscille entre 671 $ et 691 $. «Il faut ajouter à cette somme 14 % d'avantages sociaux», souligne Raymond Legault en entretien téléphonique.

Ce qui gonfle le tarif à entre 765 $ et 788 $ pour deux heures de boulot, soit beaucoup plus que le salaire de 500 $ consenti à Call-TV.

Pour ce qui est du quota des 1000 appels, l'UdA n'a jamais traité de disposition semblable. «À la radio, il y a des clauses similaires pour les bonis en cas de bonnes cotes d'écoute. Mais ce n'est jamais fait pour baisser un salaire», ajoute Raymond Legault.

Quant aux fringues, «c'est bien souvent le producteur qui les fournit», note Raymond Legault. En contrepartie, la société TM Products, qui usine Call-TV à Vienne, en Autriche, offre gratuitement le logement à ses animateurs. TM Products paie aussi les tickets de transports en commun pour les déplacements entre les studios et l'appartement. Et en signant au bas du contrat, un télévendeur de Call-TV encaisse automatiquement une somme de 1000 $ ainsi qu'un billet d'avion aller-retour Montréal-Vienne.

Par contre, les restrictions se multiplient à vitesse grand V. Une pénalité de 5000 $ (l'équivalent de 10 émissions) a même été prévue dans un cas où l'animateur «exécute une action considérée comme étant du non-respect de ses obligations prévues». C'est plutôt obscur comme clause, mais ça ne sonne pas très positif. Imaginez: votre patron vous embauche et déjà il vous menace d'une amende de 5000 $ si vous ne marchez pas dans le rang. Bonjour les relations de travail cordiales.

Et TM Products a une peur bleue des journalistes (cette clause est hallucinante). Ainsi, le contrat interdit aux animateurs de Call-TV de divulguer «aucune information sur les processus internes de production, ni aucune information relative à TM Products». On peut aussi lire cette phrase énigmatique: «Le présentateur s'engage à garder le silence concernant toutes sortes de secrets commerciaux» à propos de Call-TV. Des secrets commerciaux? Comme ça, il existerait vraiment des petits trucs de magie à Call-TV que les téléspectateurs ignorent?

Photo: archives La Presse