Ç'aurait pu être le 8e, le 24e ou le 37e gala des prix Gémeaux hier soir. On a très peu senti la fébrilité, la magie ou le glamour d'un 25e anniversaire comme celui que fêtaient hier les statuettes dorées.

En fait, des trois cérémonies que Véronique Cloutier a animées depuis 2008, cette dernière a été la moins intéressante, la moins surprenante et la moins drôle. Même les robes de la maîtresse de cérémonie passaient plus ou moins bien le test de la contravention de style signée Jean Airoldi.

Normalement, la blonde communicatrice, équipée d'un sens de la répartie bien affûté, excelle dans les moments improvisés, qui n'ont pas ponctué cette soirée de 2 h 40, où tout était placé, encadré, sans étincelle de folie. La facture visuelle et sonore de la cérémonie? Pas très moderne, voire vieillotte, avec de la muzak sonnant comme dans les années 90 et des restants de décor sortis du sous-sol de la tour. Véro avait raison de se plaindre (à répétition) du manque du budget: c'était criant, flagrant.

Très peu de gags ont déclenché des rires. Gros pépin. Les présentateurs, figés, n'ont pas cassé la baraque non plus. Et ce gala manquait cruellement de parodies délirantes (sauf celle de C'est juste de la TV). On aurait voulu crier S.O.S. Marc Labrèche, dont l'équipe de 3600 secondes d'extase excelle dans ce type de pastiches.

Vêtue d'une robe smoking en paillettes noires, Véronique Cloutier a donné le coup d'envoi avec un numéro de comédie musicale, où elle a dansé et poussé la note dans un décor très rudimentaire. Sympathique ce cabaret, mais un peu ébouriffé. Ça tirait dans tous les sens.

Pour les 25 ans de cette fête, on espérait plus de flamboyance. Le lipsync de certaines chanteuses invitées, dont Marina Orsini et Hélène Bourgeois Leclerc, paraissait beaucoup, mais beaucoup trop. Et l'apparition de M. Popol est tombée à plat: pourquoi ne pas avoir montré un extrait d'Épopée Rock pour établir le contexte?

Par contre, le montage vidéo qui a précédé cette séquence a visé juste: vive les souvenirs de notre télévision. On en aurait consommé plus. Beaucoup plus.

La parodie de la pub de yogourt Source de Yoplait, dont les paroles se perdaient dans la musique, a été ratée. Personne ne comprenait ce qui se tramait et le visage froncé de Chantal Fontaine traduisait parfaitement cette perplexité. La vignette «Salon de Ninon» empruntait beaucoup trop au Taxi 0-22 de Patrick Huard. Passons.

Au rayon des discours, de beaux moments, dont la pétillante Anne Dorval, toujours au bord d'une charmante névrose, qui a remercié l'auteur des Parent, Jacques Davidts, pour ses «textes un peu sales, un peu crottés». Ce même Jacques Davidts a pleuré en rendant hommage à sa femme et mère de ses enfants. Très touchant.

Autre perle: le reclus Marc Labrèche, qui a reçu une longue ovation, lui qui a longtemps boycotté les galas, a lu un poème et fait la danse du fonds des câblos. Rigolo, mais un brin longuet. Personne n'a osé le couper.

Sinon, Stéphan Bureau a été éloquent et divertissant en recevant son prix, notamment quand il a évoqué son plan de carrière à l'inverse de Marc Laurendeau: «j'ai commencé plate et j'espère finir drôle».

Côté trophées, une énorme surprise: Aveux a moissonné les prix les plus importants sauf un costaud meilleure actrice dramatique qui a été décerné à Laurence Leboeuf, qui n'en revenait pas, pour son interprétation de Florence Courval, la soeur du personnage de Mariloup Wolfe dans Musée Eden.

C'est Danielle Proulx qui a dû être déçue, car tous les observateurs de la télé lui accordaient ce prix sans hésitation. Et elle le méritait pleinement. L'académie du cinéma et de la télévision a-t-elle tenté de briser un consensus trop évident? On ne le saura jamais.

Bien heureux pour l'équipe de Yamaska, le nouveau téléroman du tandem Anne Boyer et Michel d'Astous à TVA qui a injecté beaucoup de fraîcheur et d'inventivité dans ce genre télévisuel. La présence de Yamaska a toutefois écarté Providence du podium.

Toujours dans Yamaska, c'est vrai que Normand d'Amour, alias William Harrison, le père endeuillé, a été brillant et juste cette saison. Et que dire du jeu d'Élise Guilbault, la mère violente et manipulatrice? Son interprétation de Réjanne a été formidable. À l'opposé du spectre, Élise Guilbault a été une fois de plus reconnue pour son rôle d'Estelle dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin, ce qui confirme son grand talent d'interprète.

Autre doublé amplement mérité: Guy Nadon, qui a été l'inspecteur Dagenais de Musée Eden, un personnage visqueux et détestable, ainsi que Charles, le père tourmenté dans Aveux. Superbe acteur.

La voracité de Musée Éden, Aveux et Yamaska n'a laissé que des miettes à Providence, La galère, C.A., Mirador, Toute la vérité et Le gentleman.

Dernière observation, le gala d'hier était commandité par la vodka Grey Goose: certaines de nos vedettes en auraient-elles abusé avant de se planter derrière le micro? Insérez ici un nom de votre choix. Ah oui, on ne le répétera pas assez souvent: la gomme à mâcher, ce n'est pas chic à la télé (voir les gros plans sur Suzanne Clément dans l'assistance).

Photo: Marco Campanozzi, collaboration spéciale La Presse

Marc Labrèche