Vous dévorez votre téléroman préféré et la meilleure amie de l'adolescente vedette lui suggère fortement de subir un test de dépistage pour le sida «parce que, genre, on n'est comme jamais assez trop prudent». Son copain la sermonne ensuite parce qu'elle a - horreur! - jeté à la poubelle une bouteille d'eau en plastique recyclable.

Méfiez-vous, car ces personnages fictifs servent peut-être de véhicule à un «placement de comportement» télévisuel, une sorte d'intégration de produit, mais emballé de façon beaucoup plus subtile et douce.

 

Après les Boys qui flânent dans un Familiprix ou le capitaine Mike Ludano qui sirote un café chez Tim Hortons dans Lance et compte, le petit écran nous expose maintenant à autre chose que des logos connus ou des marques visibles: il nous incite à changer nos habitudes de vie. De façon quasi subliminale.

«Ma maison Rona a pris un virage vert cette année. Hydro-Québec, avec son programme Mieux consommer, va y passer un message comportemental. Au lieu d'être dans une capsule, cette information sera glissée dans un échange entre un des membres de l'équipe et une famille, qui vont parler de thermostat, par exemple», détaille Alain Cloutier, président de Zad Communications, une firme spécialisée dans l'intégration et le placement de produits en télévision et en cinéma.

Même s'il est encore marginal, le placement de comportement - un phénomène méconnu du grand public - existe depuis plusieurs années, rappelle la vice-présidente exécutive de l'agence de placement média Carat, Ody Giroux.

Elle cite l'exemple d'un épisode de la cinquième saison d'Un gars, une fille, qui a été tourné (pour la saison 2000-2001) au Club Med nouvellement rénové de Punta Cana, en République dominicaine. «Jamais le mot Club Med n'a été mentionné. Jamais le logo n'a été montré. Mais tu savais que Guy et Sylvie se trouvaient dans un Club Med. Nous montrions aux gens que c'était amusant de passer des vacances à cet endroit. C'était ça, le placement de comportement», se souvient-elle.

Dans un vieil épisode de Watatatow, un personnage n'avait pas réussi à décrocher le téléphone avant la dernière sonnerie. Solution? Son camarade lui a conseillé subtilement de pianoter le *69 sur le clavier, sans jamais mentionner Bell, qui a financé ce placement de comportement, note Ody Giroux de Carat.

En radio, l'Agence métropolitaine de transport (AMT) s'est infiltrée pendant un été complet dans les bulletins de circulation d'Énergie et Rock-Détente. Quand de gros bouchons engorgeaient les artères de la métropole, l'annonceur rappelait aux auditeurs l'existence des trajets d'autobus alternatifs ou de la ligne de métro la plus proche. «Et jamais on ne disait dans le bulletin que c'était commandité par l'AMT» se souvient le président de l'agence média Touché!, Alain Désormiers.

Contrairement aux produits d'usage quotidien, qui s'intègrent aisément dans le contenu des téléromans et séries, le placement de comportement s'adresse plutôt à des agences gouvernementales, des ministères ou des organismes qui désirent faire circuler des messages précis: la lutte contre la malbouffe, l'importance de passer une mammographie, la dénonciation des agressions sexuelles, les dangers de la cigarette ou la prévention de l'alcool au volant.

«Par contre, je ne suis pas sûr que les gens réalisent que c'est de la pub ou de la pseudo-pub», soulève Alain Désormiers de chez Touché!.

Un annonceur traditionnel qui désire s'aventurer dans le «placement de comportement» s'expose cependant à des risques. Exemple: l'héroïne de votre télésérie préférée vante les nombreux mérites d'un abonnement à un centre de santé, sans toutefois l'identifier. Instinctivement, des noms de gym connus apparaissent dans votre tête: Nautilus Plus, Énergie Cardio, etc. Le hic? Si c'est Nautilus Plus qui a payé ce placement de comportement, son rival Énergie Cardio risque d'en profiter par la bande.

«Ça prend une marque omniprésente et très, très connue de tous pour profiter d'un placement de comportement», rappelle Alain Cloutier de Zad Communications.

«Le consommateur ne veut pas se faire imposer une action. Il ne veut pas sentir l'annonceur derrière qui pousse sa marque», enchaîne Ody Giroux de Carat.

Aux États-Unis, le réseau NBC a récemment planté des messages écolos très fins dans plusieurs de ses émissions comme Law&Order, 30 Rock, The Office et Mercy, rapporte le Wall Street Journal. Le but? Diriger de nouveaux annonceurs vers ces séries «dotées d'une bonne conscience sociale».

Selon Ody Giroux, un important regroupement d'assureurs a même allongé des liasses de dollars pour que le personnage de Lynette Scavo dans Desperate Housewives, qui souffre d'un cancer, insiste sur l'importance de bien s'assurer avant de tomber malade.

Je ne sais pas pour vous, mais ces intrusions «subtiles et délicates» dans les scénarios m'agacent légèrement: combien de fois les avons-nous subies sans même le savoir? Et cette vague dite douce grossira-t-elle avec les saisons?

Pas de panique à l'horizon, assurent les experts en marketing. La télé ne nous dictera pas plus de comportements socialement acceptables à adopter, car cette tendance n'explosera pas. Du moins, pas dans un avenir rapproché.

N'empêche. La prochaine fois que la poule de TVA pondra un autre de ses oeufs d'or, on ne pourra s'empêcher de se demander: ce message comportemental a-t-il été placé par la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec?

Je lévite

Avec Guy Nadon dans Musée Eden. Après une performance éblouissante dans Aveux l'automne dernier, ce comédien épatant dans la peau de l'inspecteur Dagenais, un policier visqueux et corrompu. Double nomination aux Gémeaux?

Je l'évite

La reprise de Paradise City par Slash, Fergie et Cypress Hill. On ne massacre pas les classiques, s'il vous plaît. C'est trop pénible à entendre. Compris, Fergie?