Avec la montée en flèche de Twitter, un populaire outil de microblogage, plus besoin de patienter jusqu'au lendemain matin pour jaser des Oscars de la veille, pour réagir à une déclaration-choc glanée à Tout le monde en parle ou pour critiquer la nouvelle robe ballon de Julie Snyder au Banquier. L'effet «machine à café» se vit instantanément, avec à peine quelques secondes de délai, une main sur le clavier, l'autre sur la zappette.

Aux États-Unis, la firme de sondages Nielsen a évalué qu'un téléspectateur sur sept qui s'est branché sur les Jeux olympiques de Vancouver ou sur le dernier Super Bowl circulait en même temps sur le web, révèle un papier publié dans le New York Times. Des grandes chaînes comme CBS, NBC et ABC créditent aussi à Twitter et Facebook le regain d'intérêt qu'ont connu des soirées de gala comme celles des Grammys ou des Golden Globes, par exemple.

Chez nous, Tout le monde en parle a décroché la semaine dernière - en excluant la spéciale du 31 décembre - sa meilleure cote d'écoute de la saison 2009-2010: 1 687 000 accros. Il s'agit sans doute d'une coïncidence, mais cela correspond exactement à l'entrée sur la Twittosphère de Guy A. Lepage qui, depuis deux semaines, échange et placote avec les fans de son talk-show les dimanches soir.

En direct, l'animateur enrichit le contenu de ses entrevues en détaillant notamment les morceaux retranchés au montage. Il justifie ses choix éditoriaux et livre d'autres infos précieuses et exclusives, qui ajoutent beaucoup de valeur à son produit télé.

«Les réseaux sociaux comme Twitter ramènent cette notion de temps réel. Avant, on appelait son ami au téléphone et on jasait de ce qu'on voyait à la télé. Ça restait une conversation privée. Avec Twitter aujourd'hui, ces conversations privées deviennent publiques», constate le directeur des contenus web à Radio-Canada, Jérôme Hellio.

Twitter accomplira-t-il l'impossible, c'est-à-dire rasseoir les téléphages devant leur vieil appareil traditionnel? Car depuis quelques années, l'écoute de la télévision en direct souffre. Énormément. Les coupables? Les enregistreurs numériques personnels, qui permettent de zapper toutes les réclames de Brault&Martineau, et des inventions géniales comme Tou.tv, qui libèrent les téléphiles d'un horaire télé fixe et astreignant.

Rappelez-vous de cette règle d'or: si les traditionnelles cotes d'écoute fléchissent, cela signifie que les tarifs publicitaires suivront la même glissade. Comprendre: les stations de télévision perdent beaucoup de sous. Pour l'instant, Twitter ne grésille intensément que pendant les soirées de télé dites événementielles telles des matches de hockey, des galas, la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques ou pour les premières d'émissions attendues comme Mirador, Trauma, La série Montréal-Québec et Big Brother.

«Il n'y a pas 28 choses à tweeter sur La promesse, souligne la directrice des services numériques chez Carat Interactif, Geneviève Guay. Twitter crée un engouement, mais nous n'avons pas encore vu son impact sur les cotes d'écoute. Pour un diffuseur, Twitter force l'écoute en direct. C'est une bonne façon de s'assurer que l'écoute ne se fait pas en différé.»

Twitter procure aussi aux téléspectateurs 2.0 le sentiment d'appartenir à une communauté, une version moderne du perron d'église ou des anciennes salles de clavardage. «Pour quelqu'un qui a le goût d'échanger sur la télévision, Twitter offre cette possibilité. Il faut cependant qu'il y ait un dialogue qui s'installe, une interactivité, un engagement. Ça se passe là, maintenant, dans l'instantané», indique le directeur principal des médias sociaux chez Cossette, Guillaume Brunet.

Et combien vaut un buzz généré par un rassemblement d'internautes que les experts qualifient d'influenceurs? Impossible de chiffrer en dollars publicitaires ce bruit s'échappant de Twitter. Un effet positif est tout de même tangible: les réseaux de télé considèrent de plus en plus leurs émissions phares comme des marques, dont la notoriété et le rayonnement grandissent avec la quantité de commentaires qui déboulent sur Twitter. Plus une marque télévisuelle gagne en prestige, plus un annonceur a le goût de s'y coller. C'est logique.

Ce phénomène reste toutefois un truc d'initiés: selon des chiffres glanés dans les agences de publicité, environ 5% des Québécois utiliseraient Twitter, contre 30% pour Facebook. Pour expérimenter le mariage entre Twitter et la télé, branchez-vous demain soir sur le gala des Jutra et allumez votre ordi. Observez ensuite tout ce qui s'écrit en direct. Souvent, c'est pas mal plus intéressant et rigolo que le show de télé lui-même.

Je lévite

Avec United States of Tara en DVD. Une série télé de Diablo Cody (Juno) complètement flyée où une mère de famille (formidable Toni Collette) souffre de personnalités multiples, qu'elle impose à ses deux ados et à son amoureux. Difficile à décrire, mais divertissant et original au max.

Je l'évite

Alice d'Avril Lavigne. Probablement la chanson de film (pour Alice au pays des merveilles de Tim Burton) la plus agressante de toute l'histoire du cinéma. Aïe, nos oreilles.