Les réseaux sociaux ont failli imploser la semaine dernière avec la sortie tant attendue du mystérieux clip Telephone de Lady Gaga, mettant aussi en vedette la grande Beyoncé, alias Honey B, dans le rôle de l'amante de Miss Gaga.

Depuis Justify My Love de Madonna, ça remonte tout de même à 1990, jamais un vidéo- clip - quoi, ça existe encore? - n'a suscité autant de polémique. Ce Telephone, c'est en fait un court métrage de neuf minutes et demie réalisé par le maître Jonas Akerlund, qui emprunte à Thelma&Louise et aux films de Quentin Tarantino dans un décor de BD surréaliste évoquant l'oeuvre du photographe David LaChapelle.

 

Vu des millions de fois sur le web, le mini film un brin violent et hyper léché démarre exactement là où Paparazzi nous avait abandonnés: Gaga atterrit en prison après avoir tué son amoureux. Et la controverse? Lady Gaga embrasse goulûment une compagne de cellule, elle gigote quasi nue derrière les barreaux, elle empoisonne tout un restaurant avec de la bouffe toxique, bref, elle rebrasse les mêmes thèmes que la Madone dans ses vidéoclips comme What It Feels Like for a Girl ou Erotica.

Comme Madonna en début de carrière, Lady Gaga sait exploiter son image publique à fond et confectionne avec un soin minutieux son personnage clownesque toujours habillé de façon extravagante, toujours coiffé de manière impossible. Et comme Madonna, qui s'est autant abreuvée aux graffitis de Keith Haring que dans la photo de Jean-Baptiste Mondino, Lady Gaga pige elle aussi dans l'art, la mode et les technologies pour les enrober habilement et intelligemment d'une sauce pop ultra sucrée. Comme pour mieux faire passer la pilule à ceux qui la vénèrent et qui n'aperçoivent pas cette immense courtepointe de culture populaire.

Dans Telephone, on dénote des influences de l'artiste Roy Lichenstein (un des leaders du pop art américain), on détecte des références à Pulp Fiction (le fameux surnom Honey Bun), à Kill Bill (le Pussy Wagon jaune de deux stars) et à Wonder Woman, cette superhéroïne de DC Comics.

Le sérieux magazine The Atlantic a décortiqué le clip en question et y a même vu des touches du peintre réaliste Edward Hopper. À la toute fin, les deux stars dansent même sous une sorte de burqa recouvrant un chapeau de cowboy. Tel un flacon de Nina Ricci, c'est ce qu'on appelle être dans l'air du temps.

En parallèle, il y a toute cette déferlante de logos connus qui s'affichent de façon criarde entre deux couplets de Telephone: un ordinateur portable HP Envy noir, des écouteurs Heartbeats de Dr. Dre, des canettes vides de Coke Diète, du pain Wonder, de la mayo Miracle Whip, un appareil Polaroid, un téléphone LG branché sur Virgin Mobile et le site de rencontre PlentyOfFish.com.

Dans l'univers de Gaga, le placement de produits a toujours été omniprésent, comme s'il s'inscrivait parfaitement dans sa démarche artistique. Rappelez-vous le Campari dans la vidéo de LoveGame, la vodka Nemiroff ou les lunettes Carrera blanches dans Bad Romance.

Ce consumérisme, Lady Gaga, qui reviendrait au Centre Bell le 28 juin, l'assume: elle-même est devenue une marque, un produit culturel qu'elle façonne pour divertir. Côté chiffons, elle ne s'associe qu'aux plus réputés: Viktor&Rolf, Thierry Mugler, Jeremy Scott, Christian Louboutin et Jean-Charles de Castelbajac ont signé quelques-uns des costumes de Telephone. Dans Bad Romance, elle a exposé au grand public les chaussures armadillo d'Alexander McQueen.

Tout ça pour dire que dans 15 ou 20 ans, quand on se repassera Telephone ou Paparazzi, nous y verrons un condensé très précis de tous les courants sociaux qui ont animé ce début de 2010. On ne peut malheureusement pas en dire autant d'un clip de Justin Bieber ou d'Avril Lavigne.

Je lévite

Avec la chanson Rocket de Goldfrapp. Un peu disco, un brin pop, du synthétiseur de 1982 à la tonne, cette délicate pièce s'écoute en boucle en s'amusant avec un vieil Atari. Le CD complet - Head First - sort mardi.

Je l'évite

Veux-tu m'épouser? sur V. Bel emballage, facture intéressante, mais contenu un peu banal et étiré inutilement. On divorce maintenant?

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