Après une finale de hockey olympique digne d'un film canon de Hollywood, après une récolte canadienne record de 14 médailles d'or, on espérait hier soir une cérémonie de clôture spectaculaire, explosive et époustouflante. Question de souligner le magnifique travail de nos athlètes, quand même.

Malheureusement, on a eu droit à une fête de deux heures et demie bourrée de clichés de cabane au Canada et de folklore dépassé. Est-ce bien l'image poussiéreuse et surannée que le pays souhaite montrer à toute la planète, soit un défilé de policiers de la Gendarmerie royale, du hockey sur glace, des feuilles d'érable, des rondelles géantes, un gros castor, des canots d'écorce, un orignal gonflable, des bûcherons et des chemises à carreaux? Pas certain. Où les organisateurs ont-ils enfoui le multiculturalisme qui caractérise le Canada partout sur la planète? Probablement sous un gros totem.

Bien honnêtement, le metteur en scène australien David Atkins n'a pas fouillé bien loin pour nous offrir des performances de Nickelback, de Hedley et du crooner Michael Bublé, qui, dans son costume d'officier de la GRC, a poursuivi cette tradition olympique désastreuse du lipsynch. Bravo à Avril Lavigne, à Marie-Mai et à Simple Plan qui ont semblé être parmi les seuls artistes, avec le grand Neil Young, à chanter en direct. Avec tous les risques que ça comporte. On leur lève notre chapeau (de fourrure, c'est tellement canadien, non?).

Parlant de Neil Young, seul en plein milieu du BC Place Stadium avec sa guitare et son harmonica, le Torontois tout en noir a joliment bercé les 60 000 spectateurs sur les notes de Long May You Run quelques secondes avant l'extinction de la flamme. Un des beaux moments de cette cérémonie. Tout en douceur. La pétillante Marie-Mai, qui a offert Emmène-moi avec beaucoup d'aplomb, a été électrisante.

Pour ceux qui s'inquiétaient de l'absence du français, rassurez-vous: la langue de Molière a résonné haut et fort aux quatre coins du stade. La Bottine Souriante a eu droit à son moment olympique. Et les athlètes de tous les pays ont pénétré dans l'amphithéâtre pendant que le quatuor québécois Kaïn poussait sa chanson La maison est grande sur la petite scène. Bizarrement, ni Pierre Houde, ni Alexandre Despatie, ni Richard Garneau, qui commentaient la soirée pour V et RDS, n'ont mentionné cette information pourtant cruciale avec toute la controverse linguistique qui a secoué le début de ces Jeux olympiques, il y a deux semaines. Ou peut-être est-ce moi qui l'ai ratée?

Parenthèse, ici: l'éloquence et la pertinence de Richard Garneau entendues hier soir ont ramené cette question sur le tapis: pourquoi ne l'a-t-on pas vu plus souvent pendant ces Jeux? Plusieurs de ses collègues auraient vraiment pu profiter de sa grande expérience et de sa culture encyclopédique.

Autre élément un brin gênant hier: le numéro préparé par la ville russe de Sotchi, qui accueillera les JO de 2014, a quasiment volé la vedette au spectacle maison. Mettant notamment en vedette la troupe du Bolchoï et la fée-mannequin Natalia Vodianova, le segment russe a été classique, magnifique et féerique.

Pas mal plus que le premier tour de chant auquel nous avons eu droit, où Eva Avila (la Gatinoise championne de Canadian Idol en 2006), Nikki Yanofsky (Montréalaise de 16 ans) et Derek Miller (rockeur ontarien d'origine amérindienne) n'ont fait que bouger leurs lèvres sur les pistes audio de Let's Have a Party, pièce spécialement composée pour les Jeux. Décidément, le lipsynch, qui a été bilingue, pas de discrimination quand même, est en train d'aseptiser toute l'industrie du spectacle. Même la talentueuse Alanis Morissette, qui a chanté Wunderkind, a choisi de s'appuyer sur une bande préenregistrée. Ordinaire.

Sans rien enlever au talent de Yanofsky, Avila et Miller, on se questionne tout de même: n'y avait-il pas des stars canadiennes de plus gros wattage disponibles pour lancer la fête?

Même interrogation quant au choix des comédiens William Shatner (le capitaine Kirk) et Catherine O'Hara (la maman dans Home Alone) pour prononcer des allocutions de remerciements: sont-ils vraiment les meilleurs ambassadeurs du pays? Heureusement, Michael J. Fox a racheté cette partie en s'attirant une ovation monstre.

Les premières images de la soirée ont évoqué la gaffe survenue aux cérémonies d'ouverture quand une des colonnes n'a pas levé de terre. Belle utilisation de l'autodérision ici. La patineuse Catriona Le May Doan a été rappelée pour - finalement - allumer la flamme.

C'est le rappeur torontois K-OS qui a conclu ces commémorations avec Eye Know Something, suivi de danseurs de hip-hop vêtus de fluo. Quoi? La conclusion a été abrupte et sèche avec l'éclatement de feux d'artifice et un message enregistré nous annonçant que, eh oui, c'était bel et bien terminé. Ah bon. C'est ce qu'on appelle finir en queue de poisson. Est-ce un autre symbole 100 % canadien qui nous aurait échappé?

Photo: Robert Skinner, La Presse Canadienne

On doit un des beaux moments de la cérémonie au chanteur Neil Young, qui, seul en plein milieu du BC Place Stadium avec sa guitare et son harmonica, a joliment bercé les 60 000 spectateurs sur les notes de Long May You Run quelques secondes avant l'extinction de la flamme.