Les auteurs Annie Piérard et Bernard Dansereau, créateurs d'Annie et ses hommes, signent toujours des oeuvres touchantes, sensibles et bourrées d'humanité. Leur nouvelle télésérie, Toute la vérité, qui explore l'univers des procureurs de la Couronne et qui débute le jeudi 28 janvier (20 h) sur les ondes de TVA, n'y déroge pas et charmera sensiblement les fans ayant adopté Hugo et Annie pendant sept ans.

Par contre, si Annie et ses hommes n'était pas votre tasse de thé, pas certain que vous flancherez pour Toute la vérité et sa proposition à la fois simple et complexe: un épisode, un procès et une intrigue bouclée. Non, il ne s'agit pas d'une série 100 % juridique, car les scènes tournées en cour ne comptent que pour le tiers du temps d'antenne, le reste étant consacré aux vies personnelles de cette escouade de procureurs de la Couronne dirigée par Denis Bouchard.

Hélène Florent y campe l'héroïne, soit Brigitte Desbiens, idéaliste et fougueuse procureure aux assises qui se décarcasse pour expédier des meurtriers derrière les barreaux. En privé, la brave Brigitte se montre toutefois craintive, angoissée et vulnérable. Comme dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin et aussi dans Annie et ses hommes, c'est le personnage féminin pivot qui assure la narration de tous les épisodes, ce qui nous plonge rapidement au coeur de l'intrigue.

Au bureau, dans les dossiers d'agressions sexuelles, Brigitte côtoie le timide Maxime (Émile Proulx-Cloutier) et, pour les enquêtes préliminaires, l'exubérant Sylvain (Éric Bruneau). La patronne de Sylvain, incarnée avec panache par Maude Guérin, est bête, blasée et cassante. Un beau personnage surnommé la Dominatrix à qui l'on souhaite plus de répliques dans les prochaines semaines.

À l'extérieur des corridors du palais, Brigitte fréquente Samuel (Patrice Robitaille), un criminaliste dont le travail court-circuite évidemment le sien. Sam est aussi papa d'Antoine, un petit garçon aux idées très tranchées. C'est Geneviève Brouillette qui incarne la meilleure amie de Brigitte, une chroniqueuse judiciaire dont le travail (fictif) s'apparente à celui (réel) d'Isabelle Richer de Radio-Canada.

Dans le premier épisode, qui s'ouvre avec une reprise de Stayin' Alive, Brigitte, après avoir été agressée en plein tribunal, en découd avec un mari violent accusé d'avoir tué son ex-femme sous les yeux de leur fillette, Chloé. Dans le deuxième, un squatteur est assassiné par un riche propriétaire immobilier. Les scènes de reconstitution de ces crimes ont été habilement structurées par la réalisatrice Lyne Charlebois (Nos étés, Borderline). Personnellement, ce qui m'a le plus accroché: les coulisses des procès et les magouilles derrière les portes closes, un peu comme dans Law & Order. La vie de bureau? Moins captivante, mettons.

Pour s'assurer de l'authenticité de la quincaillerie juridique, trois avocats/scénaristes ont épluché et relu tous les textes. «Il n'y a pas de volonté pédagogique derrière ça, mais il y a une volonté de ne pas faire d'erreurs», explique la coscénariste, Annie Piérard.

Parmi les trucs moins réussis de Toute la vérité, notons l'utilisation abusive des séquences au ralenti dans les génériques d'ouverture (la scène où Hélène Florent, apeurée, se cache derrière une colonne de béton avec son gaz poivre ne passe pas très bien). Même chose pour un zoom de caméra particulièrement dérangeant et maladroit à la fin du deuxième épisode, qui marque de façon inélégante un gros punch de la série.

Dernière observation un brin délicate: Hélène Florent est épatante dans La galère, où elle enfile avec aisance les gros pulls de la désorganisée Stéphanie. Maintenant catapultée dans Toute la vérité, la comédienne joue dans un registre dramatique similaire et même ses tenues BCBG d'avocate ne réussissent pas à nous faire oublier complètement cette Steph, ce qui agace légèrement. J'ai également ressenti ce petit malaise dans Ni plus ni moi, où Hélène Florent campe encore ce même type de femme trentenaire. Aurait-il fallu qu'elle change d'approche ou d'apparence dans Toute la vérité pour que la coupure avec La galère se fasse plus radicalement? La question se pose.

Loco Locass entre deux feux

Situation délicate pour le trio Loco Locass. Dimanche soir, Biz, Chafiik et Batlam participeront au spectacle-bénéfice que concoctent les lock-outés du Journal de Montréal au cabaret La Tulipe pour souligner leur première année complète sur le trottoir. Et quelques minutes plus tard, ils chanteront l'hymne de la ville de Québec en direct de l'auditorium de Verdun pour le début de l'émission phare de TVA, La série Montréal-Québec.

Bref, Loco Locass s'associe à deux événements diamétralement opposés sur le plan idéologique. D'un côté, ils appuient les cadenassés de RueFrontenac.com et de l'autre, ils prêtent leur talent à l'entreprise - Quebecor - à l'origine de ce dur conflit de travail. Peut-on oser le mot opportunisme, ici, surtout que ce groupe a, par le passé, critiqué assez férocement les empires médiatiques québécois? Et suis-je le seul à ressentir un léger inconfort avec ce dédoublement? Semble que oui. Hier, le producteur des disques de Loco Locass, la maison Audiogram, n'a pas commenté l'affaire. Et personne du trio hip-hop n'a voulu répondre aux questions de La Presse non plus. Décision commune, nous a-t-on fait savoir.

Étrange, quand on sait que Biz n'a habituellement pas la langue dans sa poche pour discuter des divers sujets d'actualité. Passons.

 

Photo: Alain Roberge, La Presse

Hélène Florent, Denis Bouchard, Émile Proulx-Cloutier et Éric Bruneau sont de la distribution de Toute la vérité.