La façon dont nous consommons notre télévision change encore plus rapidement que les membres du corps professoral de l'école Sainte-Jeanne-d'Arc dans Virginie.

La façon dont nous consommons notre télévision change encore plus rapidement que les membres du corps professoral de l'école Sainte-Jeanne-d'Arc dans Virginie.

En janvier 2007, à peine 12,3% des foyers américains étaient équipés de ce formidable gadget électronique, qui permet de zapper toutes les publicités de nos séries préférées: l'enregistreur numérique personnel. L'ENP pour les intimes, ou le DVR pour les amis anglos. Trois ans plus tard, cette proportion grimpe à 33%, donc le tiers, selon des chiffres fournis par la firme de sondages Nielsen.

C'est énorme. Et ça bouscule énormément l'industrie de la télé, qui préfère - bien sûr - que nous regardions en direct ses émissions ainsi que toutes les réclames qui s'y greffent. Pour des chaînes comme NBC ou CBS, une utilisation massive de ces ENP équivaut à une perte sèche de revenus publicitaires. Si la cote d'écoute en direct chute, c'est la même chose qui se produit avec le tarif attaché à une tranche de 30 secondes: il dégringole.

Mais en même temps, ces ENP fidélisent les téléspectateurs encore plus rapidement à leurs shows favoris. Avec les ENP, plus besoin de s'astreindre à un horaire de télé stalinien, car cette merveilleuse machine engrange tous nos beaux programmes, que nous dégustons ensuite à notre rythme. Le risque de décrochage télévisuel diminue alors énormément.

L'automne dernier, faute de cotes mirobolantes, ABC songeait sérieusement à retirer de sa grille les séries V et FlashForward. Puis, les chiffres des enregistrements ont déboulé: en tenant compte de l'écoute en différé, V a ainsi vu son audience bondir de 18% et celle de FlashForward a grimpé de 20%. Constatant l'attachement des fans à ses deux produits, ABC les a donc conservés à l'antenne. Un point pour l'ENP.

En règle générale, ce sont les émissions de science-fiction qui garnissent le plus les ENP américains. Normal, selon une analyste citée par le magazine Entertainment Weekly, car ce type de programme plaît traditionnellement à une clientèle très techno, très branchée. Par exemple, 5 740 000 accros suivaient Fringe en direct l'automne dernier, contre 1 870 000 qui l'enregistraient. Pour Dollhouse, l'ajout des utilisateurs d'ENP à la cote d'écoute finale l'a fait bondir de 38%.

The Mentalist, Grey's Anatomy, House et CSI, de même que des comédies comme The Office et The Big Bang Theory, figurent systématiquement dans le top 10 des émissions les plus enregistrées, selon Nielsen. Le hic, c'est que cette écoute en différé n'entre jamais dans le calcul des tarifs publicitaires, au grand dam des Fox et ABC, qui voudraient bien facturer leurs spots à la hausse. Dans les grandes agences de Madison Avenue, pas question d'accepter une augmentation, si minime soit-elle: pourquoi un annonceur comme Coke ou Apple paierait-il plus cher une pub que le tiers des téléphiles sauteront avec leur ENP? Légitime question.

Solution? Le placement de produits explose à l'intérieur même des séries, la façon simple d'exposer le téléspectateur au Swiffer ou à la Vitaminwater sans qu'il ne zappe.

Au Québec, les statistiques sur le sujet ne pleuvent pas. Avec un taux d'enregistrement de près de 25%, Aveux a été la série de Radio-Canada la plus visionnée en différé l'automne dernier. Elle est suivie par La galère, Frères et soeurs, Les hauts et les bas de Sophie Paquin et Dre Grey. TVA ne compile pas ce type de palmarès. BBM non plus. Et impossible de connaître le pourcentage de Québécois qui bourrent leurs ENP de séries de fiction.

Dommage. Car l'avenir de la télé, il se joue ici, là, maintenant. Pas demain, même si demain, c'est techniquement encore plus l'avenir que maintenant, mais bon, vous comprenez, hein?

Je lévite

Avec Weeds et Damages en DVD. Le coffret de la cinquième saison de Weeds sort mardi, tout comme celui de la deuxième de Damages. Douces et délicieuses soirées de rafale en perspective.

Je l'évite

Le quiz culinaire À table! de TV5. Comment une animatrice aussi brillante et allumée que Chantal Lamarre a-t-elle pu s'embarquer dans une émission aussi brouillonne et confuse? Cette recette télé ne lève vraiment pas. Ouf.

S Pour joindre notre chroniqueur : hdumas@lapresse.ca