Il y a eu des dizaines et des dizaines de séries documentaires bricolées sur la Deuxième Guerre mondiale. Celle que présente TV5 à partir de lundi à 20h est d'une qualité exceptionnelle. Vraiment. Un bijou de télé historique qui brille rarement sur nos petits écrans.

Assemblée pendant trois ans, cette fresque française s'appelle Apocalypse: la Deuxième Guerre mondiale et se décline en six épisodes d'une heure en haute définition. Sa plus grande force? Elle se compose à 100 % d'images d'archives, dont la moitié n'ont jamais été montrées publiquement, et c'est l'acteur Mathieu Kassovitz (La haine, Amen) qui les commente sobrement.

Autre truc intéressant, mais qui enragera sans doute les puristes: toutes les images tournées en noir et blanc à l'époque ont été «colorisées» selon un procédé très high-tech. Toutes, sauf celles de la Shoah et des massacres de civils. «Nous ne pourrons pas être taxés de manipulateurs», constate la réalisatrice d'Apocalypse, Isabelle Clarke, interviewée sur Skype hier midi.

En télé, le noir et blanc - souvent froid et clinique - crée une distance, un recul, un détachement. Avec l'ajout de couleurs et de bruits de bombardements, le téléspectateur plonge au coeur de cet horrible conflit, qui a tué 50 millions de personnes sur une période de six ans.

Le premier épisode, intitulé L'agression, raconte la montée d'Adolf Hitler, le bouillonnement du nazisme et l'invasion de la Pologne par les Allemands, le 1er septembre 1939, qui a déclenché ce conflit mondial. Ce qui fascine avec Apocalypse, c'est qu'en plus des traditionnelles images de ruines fumantes ou de défilés militaires dans les rues de Berlin, la série montre aussi Marlène Dietrich en spectacle dans un cabaret, Joséphine Baker qui roucoule J'ai deux amours ou le comique Fernandel, enrôlé malgré lui dans l'armée française. Comme quoi, la vie continuait malgré les massacres.

À Paris, qui se préparait au pire, les citoyens apprenaient comment enfiler adéquatement leurs masques à gaz, tandis que les grands musées expédiaient leurs précieuses oeuvres à la campagne à bord de charrettes en bois. Apocalypse nous amène également à l'intérieur de la célèbre ligne Maginot, censée protéger la France des envahisseurs.

Autres images-chocs: celles de Tziganes tétanisés devant des soldats arborant la croix gammée. Ou celles de Joseph Staline, qui fait semblant de ne pas reconnaître une liste de noms de l'élite polonaise ayant «mystérieusement» disparu, alors qu'il a lui-même signé leur ordre d'exécution dans la forêt de Katyn, au printemps de 1940.

On ressent aussi un malaise à la vue d'Eva Braun, la maîtresse d'Hitler, qui sourit de toutes ses dents à la caméra, tandis que le Führer discute avec l'architecte Albert Speer sur une grande terrasse éclaboussée de soleil.

Grâce à sa narration fluide, sa musique inquiétante et son montage aussi habile que serré, Apocalypse déboule dans nos salons comme un épisode de 24 heures chrono. Jamais on a l'impression d'assister à un cours universitaire nous expliquant l'Anschluss ou le fascisme.

Diffusée sur France 2 en septembre dernier, pour souligner le 70e anniversaire du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, Apocalypse a pulvérisé des records d'écoute: environ 7,2 millions de téléspectateurs ont visionné les deux premiers épisodes, reléguant au deuxième rang Les experts (version doublée de CSI) de la puissante chaîne TF1.

Évidemment, certains historiens de l'Hexagone ont crié au meurtre à la sortie d'Apocalypse, relevant chacune des imprécisions ou erreurs dans la chronologie de la série. Soit. Au-delà de ces chicanes d'intellos, il est extrêmement réjouissant de constater qu'une fresque documentaire aussi touffue puisse caracoler en tête du palmarès des émissions les plus populaires de la télévision.

Chez nous, le jour où un documentaire semblable battra Occupation double 6 ou Dr House dans les sondages BBM n'est pas encore arrivé, hélas.

La télé en chiffres

Les zappettes ont fonctionné à fond dans les chaumières québécoises lundi soir. Au «vrai réseau», Le TVA 18 h a intéressé 1 260 000 téléspectateurs. Le cercle (1 003 000) et La classe de 5e (1 160 000) ont aussi accédé au club sélect des émissions millionnaires. Chez Radio-Canada, Les Parent poursuivent leur ascension (1 154 000). À 20 h, revirement: L'auberge du chien noir (1 005 000) a battu de justesse Yamaska (962 000). À 21 h, Lance et compte: le grand duel (1 313 000) a eu le dessus sur La galère (784 000).

 

Photo: fournie par TV5

Apocalypse: la Deuxième Guerre mondiale se décline en six épisodes d'une heure en haute définition. Sa plus grande force? Elle se compose à 100 % d'images d'archives, dont la moitié n'ont jamais été montrées publiquement.