Non, Véronique Clouier n'a pas crevé ses eaux hier soir en direct à la télévision. Et non, Véro ne se recyclera pas en tenancière de casse-croûte de la Rive-Sud. À l'image de sa belle bedaine, l'animatrice a rondement et doucement animé cet imprévisible 24e gala des prix Gémeaux, qui ne déclenchera pas de vague d'indignation, c'est clair.

Contrairement à l'an passé, où notre jolie colonie artistique tirait à boulets rouges sur Stephen Harper et ses compressions en culture, aucune controverse n'a secoué la cérémonie d'hier, qui a été polie, souriante et jalonnée de surprises chez les lauréats. Rien à voir avec le gala Artis de TVA, où il y a zéro suspense sur les noms des gagnants cachés dans les enveloppes.

Examinons tout ça de plus près. Premier truc, le numéro musical d'ouverture, rythmé par Boom Boom Pow des Black Eyed Peas, n'a pas été aussi flamboyant qu'espéré. La vignette qui le précédait, où Véro et Louis nageaient joyeusement dans l'autodérision, était franchement plus rigolote. Véro chez Bazzo, Véro qui se bourre la face chez Louis-François Marcotte, Véro au Mur et Véro qui rappelle méchamment à Louis Morissette que la dernière fois ou elle s'était fiée à «son feeling», on a vu ce que ç'a donné (comprendre: le Bye-Bye). Zing!

Voilà où Véronique Cloutier excelle: dans les sketches comiques et dans l'improvisation (pas dans la chanson, soit dit en passant). Ce qui frappait aussi hier soir, c'était la prudence et la retenue qui coloraient le style d'animation de Véro. Pas de réplique cinglante, pas de ligne assassine. Bref, ça manquait un brin de piment et de folie, je trouve. Mais en même temps, quand le couple Morissette-Cloutier poivre trop, ça déborde comme au dernier Bye-Bye. Alors, voilà peut-être pourquoi on a senti que Véro pilotait son gala avec un pied sur le frein, question de ne pas trop froisser de susceptibilités.

Parmi les bons coups, notons l'hilarante parodie Call-Tévé, où il fallait trouver Annie et ses Zommes, La promeçe et Providensse, fautes incluses, qui a visé dans le mille. Et quel bon flash que de demander aux vraies animatrices de Call-TV (Geneviève, Marie-Andrée et Évelyne), habillées comme dans un bal de graduation de 1987, de venir remettre le prix à Annie et ses hommes, qui a été sacré téléroman de l'année pour une dernière fois.

Comme en 2008, Véro a habilement enfilé la casquette de Rogatien de Taxi 0-22 et s'est joyeusement moquée du Bye-Bye 2008, de Benoit Brunet et de tout ce qui grouille au petit écran, finalement. Et quoi penser du segment sur les séries québécoises qui percent le marché étranger? Leur doublage est atroce. Malaise dans nos salons.

Côté trophées, beaucoup de surprises ont ponctué ce gala. Chez les acteurs comiques, joli revirement en ouverture: Antoine Bertrand, alias Yannick le comptable amoureux dans C.A., que personne ne donnait favori, a coiffé au poteau les Patrick Huard, Daniel Brière, François Papineau et Éric Bernier. Ses remerciements ont été délicieux. Prenez des notes pour l'an prochain.

Ensuite, aucun chroniqueur télé n'avait prédit la victoire de Stéphane Crête pour Les étoiles filantes, qui a couché au tapis - d'un seul coup - trois Invincibles: François Létourneau (mon choix), Pierre-François Legendre et Patrice Robitaille. La division des votes a sans doute contribué à la défaite du trio invincible. C'est l'explication la plus plausible. Au micro, Stéphane Crête, qui a campé Jacques Préfontaine dans Les étoiles filantes, a prononcé avec justesse le mot «flabbergasté». Pas que sa série ait été particulièrement mauvaise. Mais mettons qu'elle n'a pas rayonné aussi fort que Les invincibles.

Émue aux larmes, Catherine Trudeau - superbe Lyne-la-pas-fine - a racheté l'honneur de ses camarades en recevant le prix (pleinement mérité) de la meilleure actrice dans un rôle dramatique. «Je ne vous le cacherai pas, j'avais le goût de le gagner celui-là», a glissé Catherine Trudeau, qui a reçu sa statuette des mains des survivantes Geneviève Borne et Pénélope McQuade. Superbe moment d'émotion. Et un des discours les plus inspirés de la soirée.

Dans les téléromans, autre étonnement: alors que toute la salle guettait la victoire de Guylaine Tremblay pour le chant du cygne d'Annie et ses hommes, c'est plutôt l'excellente Monique Mercure qui a été saluée pour son magnifique rôle de la matriarche Edith dans Providence (elle a remporté ce même prix en 2007). Quelle grande actrice.

Chez les acteurs, Denis Bouchard, le sympathique Hugo d'Annie et ses hommes, a remis le grappin sur le trophée que Sébastien Delorme (La promesse) lui avait arraché l'an dernier. Surclassant Tout sur moi, Taxi 0-22, Les hauts et les bas de Sophie Paquin et C.A., l'équipe des Parent, la seule recrue au tableau, a quitté la place des Arts avec le Gémeau de la meilleure comédie sous le bras. Bel exploit dans cette catégorie bourrée de compétiteurs talentueux. À la barre d'un magazine télévisé, l'Académie a récompensé Catherine Pogonat pour Mange ta ville. Sans rien enlever à l'animatrice d'ARTV, personnellement, j'aurais opté pour Marie-France Bazzo.

À la toute fin de la soirée, Les invincibles a raflé le trophée de meilleure série dramatique. Un prix qui répare enfin les injustices du passé et qui couronne trois passionnantes saisons de télévision. Chapeau. Et que dire de notre Valérie Blais, qui a enfin grimpé sur le podium pour sa savoureuse interprétation d'elle-même dans Tout sur moi? Bravo. Avec ses «recule!», «yeux!», «je ne te connais pas!», Valérie a réussi à chasser sa copine Macha, Anne Dorval, Isabelle Blais et la chouchou des Gémeaux, Suzanne Clément. Tout un exploit!

 

Photo: Bernard Brault, La Presse

Véronique Cloutier, que l'on voit ici avec Éric Salvail, Alain Gravel, Sébastien Benoit et Mitsou, a animé un gala des Gémeaux sans controverse.