Le lac miroitait dans la nuit fraîche et des éclairs blancs et bleus lézardaient le ciel noir. Autour de notre petit groupe de cinq personnes, le calme rassurant de la campagne laurentienne, à des kilomètres du béton urbain.

C'était mercredi. Toute notre journée «hommage à Michael Jackson» culminait à cet instant précis: la cérémonie des lampions. Ne riez pas. Pour plusieurs moussaillons qui ont grandi dans les années 80 au son de Thriller et de Bad, Michael Jackson, c'est à la fois notre Elvis Presley, nos Beatles et nos Stones à nous. Fallait donc le saluer une dernière fois, sous une lune brillante, un peu comme dans un vidéoclip peuplé de zombies et de créatures visqueuses des marais.

 

Donc, après avoir bricolé des mini radeaux de fortune, à l'intérieur desquels brûlaient des lampions IKEA, nous nous sommes solennellement agenouillés au bord du lac. Et à tour de rôle, nous avons délicatement déposé nos bateaux sur l'eau en soufflant une dernière pensée au Roi de la pop. Instant magique baigné d'une quiétude quasi parfaite.

Ici, j'aimerais tellement écrire que la musique de Thriller - descendue des cieux - s'est soudainement mise à jouer, que le chanteur ganté est sorti du lac en hurlant comme un loup et que des morts-vivants venus de la forêt l'accompagnaient dans une chorégraphie parfaitement synchronisée, mais non. La réalité, que j'imaginais vaporeuse et fluide, comme dans un clip de Lyne Charlebois, a été beaucoup moins féérique.

Une fois mouillées, nos embarcations (grosses comme des rondelles de hockey) refusaient de quitter la rive, ce qu'elles ont finalement fait après plusieurs sacres et coups de bâton pas très poétiques. Cinq minutes après avoir largué les amarres, pendant que des nuées de moustiques nous bouffaient les mollets, deux bougies ont coulé au fond du lac. Merde. Les autres ont rapidement dérivé sous le quai, une s'est même prise dans des bosquets secs et il a fallu tirer une bûche dessus de peur qu'elle n'allume un gigantesque incendie de forêt.

Bref, notre célébration funéraire sobre et lumineuse a fini dans les profondeurs et la froideur du lac. Un peu comme la carrière et la vie de Jackson, en fait. Après avoir vogué de succès en succès et brillé sur tous les palmarès, sa flamme a vacillé pour s'éteindre, le 25 juin, dans la disgrâce et la déchéance.

Sur la route entre Montréal et Morin Heights, en préparation de la cérémonie d'adieu, nous avons hurlé tous les succès de MJ à tue-tête, saupoudrant notre karaoké automobile d'anecdotes sur sa géniale musique.

Tu savais que c'est vraiment son coeur qui bat au début de la chanson Smooth Criminal? Tu savais que Janet et La Toya - ses deux soeurs - chantent sur Pretty Young Thing (P.Y.T.)? Tu savais que c'est Sheryl Crow qui joue dans le clip de Dirty Diana? Puis, une discussion a éclaté sur la fameuse Diana de la chanson. Était-ce une groupie trop agressive, comme l'a prétendu le producteur Quincy Jones en entrevue, ou son amie Diana Ross, avec qui il se serait brouillé?

En débarquant au chalet, vite, allumons la chaîne stéréo pour y glisser nos compilations de Jackson. Au souper, tous les vidéoclips de la star paillettée ont passé en boucle sur l'écran plasma. Nous avons aussi revu toutes ses performances marquantes, dont son premier moonwalk sur Billie Jean et son retour triomphal aux MTV Video Music Awards de 1995.

Pendant toute la journée, nous n'étions plus des professionnels dans la trentaine, mais bien des gamins qui tapissent leurs chambres d'affiches de Bad et qui se prennent pour des gangsters dans un stationnement désaffecté.

Mais contrairement au chanteur américain, notre trip de Peter Pan a duré, quoi, dix heures, maximum? Alors, avant que l'envie de bâtir un Neverland jaillisse, nous avons, sur les berges de ce lac miroir, fermé la porte de nos chambres d'enfant, où dormiront à jamais les doux souvenirs de notre idole.

Je lévite

Avec Le ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis. Un livre dur, enragé, débordant de fureur, où les fumées d'Auschwitz et celles - industrielles - du Michigan polluent l'existence d'une famille européenne fraîchement débarquée en Amérique. Un coup de poing littéraire, vraiment.

Je l'évite

Rendez-vous rose de The Lost Fingers. Sais pas pour vous, mais moi, après l'écoute de quelques pièces, plus capable de blairer ce style de jazz manouche. Pas mauvais, mais répétitif, ça oui.