La ligne de Call-TV à TQS coupe inopinément, l'animatrice raccroche sans préavis, jamais personne ne vous rappelle, les règlements de cette télé-tirelire ne vous paraissent pas très clairs, pas très justes, votre facture de Bell gonfle dramatiquement à coups de 1$ l'appel, bref, vous fulminez. Mais à qui pouvez-vous transmettre vos frustrations?

Excellente question. Hier, au terme d'une interminable partie de ping-pong téléphonique, j'ai été écartelé entre le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR), le Bureau de la concurrence, l'Office du consommateur, la Régie des alcools, des courses et des jeux et Loto-Québec. Résultat? D'abord, a) un énorme tournis et b) du flou, du vague, du pas clair et de l'entre-deux chaises. Call-TV file entre les mailles de presque tous ces différents organismes, qui se lancent l'émission controversée comme une patate chaude.

 

Pourtant, ce même dossier a été reçu, analysé et réglé avec célérité et efficacité par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui régit la radio et la télévision chez nos cousins français. Dans une décision communiquée en décembre 2007, le CSA a solidement serré la vis aux chaînes garnissant leurs grilles avec ces émissions bouche-trou. Le but: protéger les téléspectateurs contre les «appels et SMS surtaxés» associés à la télé-tirelire. Je vous épargne les détails techniques, mais l'encadrement de ces jeux-concours a tellement été balisé de façon stricte qu'ils ont quasiment tous quitté l'antenne.

Extrait de la mise en garde du CSA: «''Si vous connaissez la couleur du cheval blanc d'Henri IV, envoyez un SMS et gagnez 2000 euros.'' La même question revient sans cesse, comme un refrain dans une mauvaise chanson. On se laisse prendre au jeu, persuadé qu'on va gagner: quand même, c'est 2000 euros, ça vaut le coup! On s'emballe et on envoie une quantité de SMS surtaxés sans jamais gagner.»

Ce scénario colle parfaitement à la Call-TV québécoise, qui a attiré une moyenne de 113 000 curieux depuis son entrée en ondes, le lundi 1er juin. Une audience impressionnante pour une infopub diffusée entre 23h et 00h30 et dont le concept tient en une seule ligne: appelez (frais de 1$), jouez à des jeux, envoyez un texto (frais de 1$), amusez-vous avec nous, pianotez sur votre portable (frais de 1$) et gagnez des prix!

L'arrivée de Call-TV, un hybride entre le quiz et la tombola, a bousculé Loto-Québec, qui détient le monopole sur les jeux de hasard. «Nous avons demandé à nos avocats de regarder ça. Nous voulons savoir en quoi ça consiste. Nous constatons que Call-TV ressemble à une loterie», glisse le porte-parole de Loto-Québec, Jean-Pierre Roy.

Pour la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), Call-TV n'est ni un concours publicitaire ni une loterie. Donc, l'émission de TQS ne relève pas d'elle. Malgré tout, une quinzaine de plaintes sur Call-TV ont déjà été acheminées à la RACJ. «Les gens se sentent floués. Nous allons remettre ces plaintes au CRTC», indique le porte-parole de la Régie, Réjean Thériault.

Le hic? Le CRTC ne sait pas trop s'il examinera les plaintes ou s'il les refilera au Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR). Misère. De son côté, le Bureau de la concurrence du Canada, qui s'attaque notamment aux pratiques commerciales trompeuses, assure que «toutes les plaintes reçues seront examinées». Enfin une piste concrète. La porte-parole du Bureau, Gabrielle Tassé, fournit même le numéro de la ligne pour les récriminations: 1 800 348-5358.

Selon le directeur du marketing de TQS, David Crête, le producteur de Call-TV «a reçu un avis légal comme quoi ce genre de jeu est permis au Canada. Je sais aussi que la Régie (RACJ) n'entendra pas les plaintes éventuelles puisqu'il ne s'agit pas d'un élément de programmation, mais bien d'une publicité ou d'une infopub».

Autre info qui brouille les pistes et ajoute à la confusion: Call-TV nous provient, du dimanche ou vendredi, en direct de... Vienne. Et pourquoi l'Autriche? Parce que le producteur et détenteur du concept de Call-TV, Mass Response, une filiale d'Austria Telekom (le Bell des Autrichiens), fournit les studios et toutes les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement de l'infopub. TQS n'a eu qu'a dépêcher ses deux téléphonistes, pardon, ses deux animatrices, Évelyne Audet et Marie-Andrée Poulin. qui passeront tout l'été à Vienne dans une ambiance survoltée de sirènes tonitruantes et de bruits bizarres à la Lost.

Combien Call-TV rapporte-t-elle au Mouton noir? Combien d'appels entrent tous les soirs? Et qui supervise la sélection - au hasard - de tous les gagnants? Mystère. Si vous connaissez les réponses, appelez-moi. C'est gratuit. Et vous pouvez jouer en famille, avec vos amis, vous pouvez vous approcher de votre écran ou griffonner les réponses sur un bout de papier.

Allez, appelez! Je veux vous entendre, particulièrement dans la grande région de Montréal. Allez, téléphonez! C'est si simple.

Pour joindre notre chroniqueur: hdumas@lapresse.ca