Retournez visionner la première audition de Susan Boyle à Britain's Got Talent. L'Écossaise de 48 ans rigole timidement, échange des plaisanteries avec les trois juges et décroche des sourires gros comme son coeur.

Regardez maintenant son dernier tour de chant devant Piers Morgan, Amanda Holden et Simon Cowell. Autrefois candide et joviale, SuBo y apparaît crispée, tendue, clairement consciente que la planète au complet examine ses nouveaux cheveux chocolat, ses sourcils moins touffus et sa robe métallique. Les mêmes caméras qui l'ont catapultée si près de son rêve de devenir chanteuse l'ont également expédiée à l'hôpital, vidée, épuisée et brisée, en quelque sorte.

Quelle tristesse. Cette chômeuse au physique ingrat, à qui personne ne souhaite de mal, vraiment, a été assommée par sa notoriété fulgurante, qui lui a fauché son innocence. Après sa défaite samedi soir, aux dépens de la troupe de danse Diversity, Susan Boyle aurait hurlé une fois rendue dans sa loge: «Je déteste cette émission. Je la déteste», ont rapporté les grands journaux britanniques (et pas seulement les tabloïds).

Se baladant en soutien-gorge dans les coulisses de Britain's Got Talent, elle aurait injurié des techniciens et lancé un verre d'eau au visage d'un membre de l'équipe qui tentait de la calmer. Dimanche soir, fébrile et désorientée, la «vieille fille à la voix d'or» a carrément perdu la carte: une ambulance l'a cueillie à son hôtel Crowne Plaza, près du palais de Buckingham. Direction: la clinique Priory, spécialisée dans les problèmes de santé mentale.

Selon l'équipe de Britain's Got Talent, SuBo est «émotionnellement lessivée». Elle se reposera pendant les prochains jours.

L'état de santé de la star planétaire de YouTube, originaire d'un village très pauvre près d'Édimbourg, a même inquiété le premier ministre britannique Gordon Brown: «J'espère que Susan Boyle se porte bien, parce c'est une personne très gentille», a-t-il déclaré.

Pauvre Susan Boyle. Elle caressait un rêve tout simple: celui d'enregistrer un disque. Son interprétation surprenante de la pièce I Dreamed a Dream a soufflé Demi Moore, Barack Obama, Larry King, Rosie O'Donnell et même la grande Oprah. Imaginez. La dame flottait.

Puis, le moindre détail de la vie privée de cette chanteuse habituée des karaokés a été étalé sans pudeur: elle n'a jamais embrassé un garçon, elle a manqué d'oxygène à la naissance (d'où son léger retard de développement), elle vit avec son chat Pebbles, elle n'a pas d'amis et elle a pris soin de sa vieille mère Bridget jusqu'à sa mort en 2007.

Pour les médias, «Susie Simple» est une proie parfaite: elle raconte tout, sans filtre, et ouvre la porte de sa modeste demeure à n'importe qui brandissant une carte de presse. Abandonnée, sans aucun soutien familial, cette artiste démunie a été dévorée sans pitié. Tout a été écrit sur son accent, sa pilosité, sa solitude, sa tignasse.

Et nous - téléspectateurs voyeurs - avons frénétiquement tout gobé, absolument tout. Nous avons gonflé le compteur YouTube de ses vidéos à 15, 20, 50, 100 millions de clics, accentuant la pression sur cette fan d'Elaine Page. Twitter et Facebook n'ont pas dérougi: jamais la culture populaire 2.0 n'a élevé puis rabaissé une star aussi rapidement. Pas étonnant que, dans les jours précédant la finale, Susan Boyle ait solidement pété les plombs.

En moins de deux mois, Susan a été extirpée de son anonymat, brassée dans tous les sens, vidée de son essence, puis jetée par terre, comme un vieux chiffon.

Que reste-t-il de Susan Boyle maintenant qu'elle a été dépossédée de sa dignité? Bonne question. Espérons que l'énergie et l'enthousiasme lui reviendront.

Selon le Times de Londres, l'Écossaise engrangerait entre cinq et huit millions de livres sterling en enregistrant un CD assorti d'une biographie, ce qui lui assurerait une retraite dorée.

Malheureusement, aucune somme d'argent, aussi rondelette soit-elle, ne réparera les blessures psychologiques que SuBo a subies.

L'horreur boréale

Préparez vos magnétoscopes: pour la dernière fois, ARTV diffusera ce soir (21 h) le documentaire Horreur boréale, qui creuse le mystère Millénium de Stieg Larsson. Dans un registre plus léger, beaucoup plus léger, sachez que la finale de Loft Story 6 a été regardée par 890 000 téléspectateurs, un de ses meilleurs scores de la saison. À Radio-Canada, la première d'On prend toujours un train de Josélito Michaud a été suivie par 638 000 personnes.