De (courte) mémoire de chroniqueur télé, il s'agit du visionnement de presse le plus étrange, le plus surréaliste et le plus bizarre auquel j'ai assisté. Celui de Pole Position Québec, la nouvelle compétition de danseuses nues produite, animée et chauffée par notre Anne-Marie Losique nationale.

Mise en contexte, ici. La projection de presse se déroule au deuxième étage du chic hôtel Saint-Paul, dans le Vieux-Montréal, où s'entassent une flopée de ces amazones du poteau, faux ongles blancs, rallonges capillaires et chaussures plateformes inclus. Évidemment, tout ce beau monde de bar cale des shooters en plein après-midi, piaille, ricane et crie des trucs comme: «Heille, je vous adore les guerdas.» Ou cet autre classique: «Whoa, les gros totons.» Une musique de discothèque vrombit en permanence.

Ah, oui, les filles, escortées par leurs «gérants» bedonnants sertis de bling, portent des noms «exotiques» comme Vandal Vyxen, Delicious ou Dice. Deux gros Escalade - un blanc et un noir - attendent ces stars soufflées à l'hélium à la porte de l'établissement, rue McGill. Très classe, non?

Se faufilant comme une féline à travers cette faune bigarrée, Anne-Marie Losique pose généreusement pour les photographes vêtue de jean Diesel, de bottes beiges montées aux genoux et d'un t-shirt blanc frappé du slogan «Peace, Love and Tanning». Sa maquilleuse se tient près d'elle, disponible en tout temps pour une retouche de brillant à lèvres.

Assez de préliminaires. L'émission, maintenant. Comment vous dépeindre Pole Position dans des termes appropriés pour un journal familial? Il s'agit d'un party privé, tourné au Time Supper Club, rue Saint-Jacques, où des effeuilleuses s'affrontent dans des épreuves comme «les fesses explosives», où elles crèvent des ballons en s'assoyant dessus, et «le grimper du poteau», qui se passe de description détaillée.

Dans le premier épisode d'une série de quatre, qui se vendent 12,99 $ pièce à la télé à carte à partir du 1er mai, les protégées du Kingdom de Montréal se mesurent à celles du Faucon Bleu de Mont-Tremblant. Deux humoristes peu connus (Guy Bernier et Michel Sigouin), flanqués de la danseuse «étoile» Cara Nicols, les évaluent selon des critères un brin flous.

Sur la scène, Anne-Marie Losique, qui porte des oreilles de lapin et un tablier de soubrette, anime ce concours «sexy» escortée de son «boy toy personnel», Sébastien, qui arbore évidemment un gros tatouage tribal sur son bras musclé. Classique. AML ne participe pas aux concours d'habiletés comme tels, ni plus ni moins que des prétextes pour montrer des corps nus dans des positions suggestives, mais embrasse goulûment plusieurs participantes.

Bref, il n'y a rien de bien scandaleux ou de XXX dans Pole Position, un produit bien léché pour gens majeurs et vaccinés. Par contre, on pourrait reprocher à Mme Losique de «glamouriser» et de glorifier une industrie très dure pour les filles qui ne s'enroulent pas nécessairement par choix autour des poteaux, soir après soir.

Réponse de l'animatrice: quelques vérifications ont été faites auprès des établissements associés à l'émission. «Je n'encourage pas les bars de danseuses et je ne juge personne», tranche Anne-Marie Losique en entrevue après la projection de Pole Position.

Elle ajoute: «Je suis fière de cette production-là. Il y a de la demande pour de la télé sexy, pour adultes.»

Et l'animatrice ne s'en cache pas: ce créneau peu exploité au Canada rapporte beaucoup de sous. «Mais je ne le fais pas pour l'argent», nuance-t-elle dans la même phrase.

Pourquoi alors? Parce qu'il y a du public qui consomme de divertissement qualifié de «soft». À propos des stéréotypes de bombe sexuelle qui lui collent à la peau et dont elle ne tente plus de se défaire, Anne-Marie Losique réplique, un peu exaspérée: «C'est une bataille que je n'ai pas envie de livrer.» En mars 2010, elle cimentera son statut en mettant en ondes les chaînes bilingues Vanessa, entièrement consacrées au divertissement pour adultes consentants. Rien de pornographique, cependant.

Détail anodin: si vous êtes attentifs, vous reconnaîtrez dans Pole Position la brune Kelly Summer, Émilie Brien de son vrai nom, une ex-candidate de la téléréalité de TQS Portfolio: derrière l'image et actrice porno à temps plein.

À propos du bustier qu'elle a exhibé sur le plateau de Tout le monde en parle, Anne-Marie Losique précise que c'est un Prada et que c'est franchement «sexiste» d'écrire qu'elle s'attirera indubitablement des réactions de mononcles en le portant.

Commentaire intéressant. Mais est-ce moins sexiste de fermer les yeux sur la réalité des danseuses en prétendant qu'elles sont toutes affranchies, libérées et en parfait contrôle de leur corps?