Débouchez le chianti. Appelez deux ou trois filles du Bada Bing. Et sortez les cannoli du four. C'est jour de fête. Tony Soprano célèbre ses 10 ans d'existence télévisuelle.

Le 10 janvier 1999, la chaîne américaine HBO a introduit dans la culture populaire une famille américaine atypique à la fois fascinante, attachante et révoltante: les Soprano. Peuplée de personnages multifacettes magnifiquement ciselés par David Chase, cette saga sur la mafia du New Jersey a marqué le début d'un nouvel âge d'or de la télévision américaine, ouvrant la voie à des séries plus ambitieuses, plus audacieuses, plus complexes et, surtout, furieusement plus intelligentes.

 

Il existe un avant et un après Soprano, la plus grande oeuvre du petit écran américain, à mon avis. La télé pré-Soprano s'écarte peu des sentiers battus et se cantonne dans la sitcom. La télé post-Soprano muscle le cerveau et stimule les neurones. Elle se colle au cinéma et présente des personnages tordus, qui s'enlisent dans des intrigues denses et touffues.

La télé post-Soprano, loin d'abrutir, au contraire, c'est The Wire, une formidable incursion dans les milieux criminels de Baltimore. Une série minutieuse, d'une précision chirurgicale, qui nous catapulte directement dans des HLM crasseux ou dans les locaux enfumés d'un syndicat de débardeurs bourrus.

La télé post-Soprano regorge de personnages plutôt antipathiques (bonjour Meredith Grey), qui finissent par attraper notre coeur (re-bonjour Meredith Grey). Elle ose montrer des gens détestables ou ambigus, bourrés de défauts, mais dont l'humanité transcende les pires vices. Comme Dr House (Hugh Laurie) ou la féroce Patty Hewes (superbe Glenn Close) dans l'excellente série Dommages et intérêts.

La télé post-Soprano démêle des histoires imbriquées les unes dans les autres sur plusieurs saisons. Elle commande un engagement du téléspectateur comme jamais auparavant. Prenez Perdus, par exemple, ou flottent les Autres, le bateau de Whitmore, l'expérience Dharma et les monstres grouillant aux quatre coins de l'île. En quatre saisons, Perdus a égrené les indices, multiplié les revirements et quasiment triplé sa distribution. Toutes les réponses ne débouleront probablement pas avant 2010, quand l'émission quittera l'antenne pour toujours.

Ces complications rebutent-elles les mordus? Que non. Lost compte ses fans par millions.

La télé post-Soprano explore des univers étranges sans sombrer dans la bête caricature. Qui aurait pu prédire qu'une série centrée sur un salon funéraire comme Six pieds sous terre (allô l'ambiance déprimante) allait autant nous émouvoir et nous faire pleurer? Qui aurait cru que le deuil de Nate, Brenda, Claire, David et Ruth allait être si difficile à faire?

La télé post-Soprano démolit les tabous. Prenons Weeds, où une jolie mère de famille (Mary-Louise Parker) de banlieue aisée vend du pot pour arrondir ses fins de mois. Mettons qu'une maman qui expose volontairement sa progéniture au crime organisé, ça ne rafle pas le prix du parent de l'année. Pourtant, Weeds nous renvoie l'image d'un clan uni, aimant et quasi normal. Et cette comédie hilarante incarne parfaitement la télé américaine innovatrice, décapante et pas politically correct pour deux sous.

La télé post-Soprano force les chaînes conventionnelles à accoucher de séries moins pépères. Suffit de suivre Beautés désespérées et Chère Betty pour le constater. Suffit aussi de se brancher sur 24 heures chrono pour peaufiner ses connaissances de l'appareil gouvernemental américain.

La télé post-Soprano, c'est aussi des comédies décalées comme Arrested Development ou des productions très crues comme Nip/Tuck ou Dexter.

Et malheureusement, la télé post-Soprano se passe sans Tony Soprano, sa charmante épouse Carmela, le tordant Paulie et le colérique Christopher. Dieu que je m'ennuie d'eux.

Je lévite

Avec The Little Ones. Amateurs de The Shins, vous adorerez ce band californien qui bricole de la pop indie très hop la vie. À télécharger: Morning Tide.

Je l'évite

Les pubs à LCN. Après le bain doté d'une porte et l'épilateur à moustache féminine, la chaîne d'info continue de TVA diffuse ces jours-ci la réclame d'un bidule servant à polir des griffes de chien. (W) ouf! Sérieusement, qui achète ces gogosses?