Les Rangers de New York et les Canucks de Vancouver viennent de donner une nouvelle dimension au vieux principe selon lequel il est plus facile de congédier un entraîneur-chef que d'échanger 23 joueurs.

Convaincus qu'Alain Vigneault réussira là où John Tortorella a échoué, l'équipe new-yorkaise a offert un contrat de cinq ans au Québécois. Afin d'afficher la même confiance à l'endroit de Tortorella, les Canucks lui ont offert exactement la même durée. Je suis convaincu que les salaires sont pratiquement les mêmes également.

J'imagine d'ici Glen Sather et Mike Gillis profiter de l'une ou l'autre des réunions des directeurs généraux au cours des prochaines années pour plonger dans un grand débat au cours duquel ils échangeront des: «Je te l'avais bien dit que ton coach était meilleur que le mien...»

Remarquez que Vigneault et Tortorella, qui ont eu de nombreuses discussions afin d'échanger des informations sur leur ancienne équipe, pourraient se livrer au jeu inverse. Et clamer: «Comprends-tu maintenant pourquoi je t'assurais que ton club était meilleur que le mien?» lorsque viendra le temps de déterminer lequel sera vraiment sorti gagnant du très ironique jeu de chaises musicales au milieu duquel ils se sont retrouvés au cours des dernières semaines.

Nouvelle image

Parce qu'il sait que le côté belliqueux qu'il a adopté à Tampa Bay et développé à l'extrême à New York porte ombrage au fait qu'il soit aussi un bon entraîneur-chef, Tortorella entend profiter de son troisième mandat dans la LNH pour modifier son image. Pour l'adoucir. Pour présenter un visage agréable... ou moins désagréable.

Il en a fait la preuve par 1000, mardi, lors du point de presse soulignant son arrivée à Vancouver. Il fallait le voir saluer par leur prénom les journalistes qui le mitraillaient de questions avant de leur offrir des réponses non seulement complètes, mais intéressantes. Il a même remercié une collègue de lui avoir posé une question sur le genre d'implication communautaire que son épouse et lui avaient l'intention de mettre en oeuvre à Vancouver.

Tortorella avait l'air paisible, sensible, presque humain.

Rien à voir, mais alors là rien à voir du tout, avec ses points de presse de 20 secondes desquels il s'esquivait après avoir sèchement répondu un oui et deux non.

Parce que le naturel revient souvent au galop, je me demande combien de temps il faudra au Tortorella de New York pour retrouver et liquider celui qui vient de débarquer à Vancouver: les plus optimistes misent sur les Fêtes. Les plus pessimistes assurent que ce sera avant la fin des matchs préparatoires.

On verra...

Une chose est certaine: s'il replonge dans le côté sombre qu'il affichait à New York, Tortorella vivra l'enfer à Vancouver. Car à Vancouver, comme à Montréal, Toronto et les autres villes canadiennes de la LNH, un entraîneur-chef ne peut mépriser les journalistes et les partisans qu'ils représentent comme Tortorella les méprisait à New York. Une telle attitude, plus encore qu'une multiplication de défaites, minerait ses chances de se rendre au bout du contrat qu'il vient de signer.

À l'opposé, il sera intéressant de voir si Brooksie - mon tenace et belliqueux à ses heures collègue Larry Brooks du New York Post - les autres journalistes de la Big Apple et surtout les fans sans merci des Rangers viendront à bout de l'affabilité de Vigneault. S'ils le transformeront en Tortorella!

Deux réalités

Bien qu'ils n'aient qu'échangé de bureau et qu'ils se retrouvent tous les deux à la barre de très bonnes formations, Vigneault et Tortorella plongent dans de toutes nouvelles et très différentes réalités.

Tortorella ne connaît rien de l'Association de l'Ouest. Ou pas grand-chose aux joueurs, aux systèmes et au genre d'opposition qu'il affrontera.

Habitué à faire moins d'une heure en avion ou, mieux encore, à faire le trajet en autobus ou en train pour plus de la moitié des matchs que son équipe disputait à l'étranger, Tortorella multipliera les envolées interminables maintenant qu'il est à l'autre bout de la LNH. Il devra apprendre qu'il vaut parfois mieux passer la nuit à l'hôtel, même après un cuisant revers, plutôt qu'à bord d'un avion, aussi luxueux soit-il, pour s'assurer de ménager ses joueurs alors qu'il voudrait les punir.

Sur le plan du hockey, Tortorella est sagement, très sagement, demeuré le plus loin possible de la controverse des gardiens. Il a simplement et habilement salué l'excellence du travail des Canucks dans la gestion du travail de Roberto Luongo et Cory Schneider l'hiver dernier sans lever le voile sur ses intentions en vue de la saison qui s'en vient.

Quant aux jumeaux Sedin et aux autres joueurs qui devront respecter un système défensif qui leur dicte de se transformer en gardiens une fois dans leur territoire, Tortorella assure qu'ils accepteront de se plier à ce joug lorsqu'ils réaliseront à quel point ils en bénéficieront sur le plan offensif.

J'ai hâte de voir ça!

De prime abord, l'entrée en scène de Vigneault à New York devrait être moins tumultueuse que celle de Tortorella à Vancouver.

Libérés de leur tortionnaire, les Rangers donneront satisfaction à leur nouveau coach. Un coach qui saura leur faire comprendre qu'il peut se transformer lui aussi en bourreau lorsque les choses ne vont pas à son goût. Sans oublier les voyages qui seront beaucoup moins éreintants qu'avant.

Seule ombre au tableau: le fait que 16 clubs se battront dans l'Association de l'Est pour les 8 places disponibles en séries pourrait compliquer son accession au groupe de tête, alors que les Canucks n'ont rien à craindre à ce chapitre.

Du moins, ils ne devraient pas.